L'HISTOIRE DU TIGRE
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
384
du 15
juin 2015
L'HISTOIRE DU TIGRE de Dario Fo.
Traduction et adaptation Nicole Colchat et Toni Cecchinato. Mise
en scène et interprétation Pierre-Marie Escourrou.
L'action de L'Histoire du tigre se situe dans les années 30 en Chine.
À cette époque, la guerre civile oppose les soldats de l'armée rouge
aux troupes de Tchang Kaï-Chek. Cette fable burlesque, dont la seule
intention est d'amuser un public de badauds, est racontée par un
conteur-jongleur dans un jardin public de Shanghai. Une fois traduite,
elle passionne Dario Fo, en plein voyage dans le pays. L'auteur,
toujours soucieux de dénoncer le totalitarisme, l'abus de pouvoir
et la corruption, s'en empare et l'adapte, faisant des périlleuses
aventures vécues par un soldat au cours de la longue marche entreprise
par l'armée rouge, une « épopée politique délirante et jubilatoire
», au langage truculent, empreint de poésie et de fantaisie.
Sur le plateau entièrement nu, Pierre-Marie Escourrou s'avance vers
un public immédiatement pris dans ses filets. Le comédien expose
la genèse de l'œuvre adaptée par Dario Fo puis se fond dans la très
belle adaptation qui traduit au plus près ses intentions.
Sans autre artifice que la parole et les gestes, le comédien-conteur
suggère tout. Sa gestuelle, ses mimiques sont d'un réalisme saisissant.
En un clin d'œil, lieux, personnages, animaux et bruits prennent
corps et âme. Pierre-Marie Escourrou se transforme. Il devient ce
soldat anonyme qui, descendu des confins de la Manchourie, parcourt
avec ses camarades les 12 500 kilomètres d'une marche cauchemardesque,
affrontant les troupes de Tchang Kaï-Chek, puis plus tard, celles
de l'armée japonaise. Il est ce soldat blessé à la jambe, abandonné
à sa demande par ses camarades. Il est celui qui, essuyant une tempête,
se réfugie dans une grotte habitée par une tigresse et son petit.
Le comédien se fait alors tigresse rugissante qui contraint l'homme
à soulager ses mamelles trop gonflées et le gratifie en échange
des vertus curatives de sa bave mythique. Il est ce soldat guéri
qui, dans sa fuite éperdue pour échapper aux deux fauves, trouve
refuge dans un village, bientôt attaqué par les soldats, mais sauvé
par l'irruption miraculeuse de la tigresse et du petit devenu adulte.
Le récit devient un moment ce monologue incompréhensible et hilarant
qu'est le grammelot, puis s'achève en un hymne à la résistance d'un
peuple, face aux injustices et au dogmatisme.
Pas de barrière entre Pierre-Marie Escourrou et son public subjugué.
Tel un jongleur-bateleur d'antan, il l'emporte dans son récit, habité
un moment comme lui, par les aventures de son héros. Théâtre
du Lucernaire 6e.
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