GROS CALIN

Article publié dans la Lettre n° 203

GROS-CALIN de Romain Gary - Emile Ajar. Mise en scène Patrice Kerbrat avec Thierry Fortineau.
Les Racines du Ciel, roman paru en 1956, permit à Romain Gary, son auteur, de se voir discerner le Prix Goncourt. Mais on ne peut recevoir cette distinction qu’une seule fois. Est-ce l’ivresse de bousculer ce principe, ou celle de s’exprimer d’une toute autre façon à travers deux styles si différents qui taraudèrent l’auteur, nul ne le saura. Quoiqu’il en soit, il fit paraître Gros Câlin sous le pseudonyme d’Emile Ajar puis La vie devant soi qui reçut le fameux Prix Goncourt en 1975, roman qui jeta un pavé dans la littérature des années soixante-dix pour l’originalité du sujet et de l’écriture. Ce ne fut qu’après le suicide de l’auteur que l’on appris que Gary et Ajar étaient une seule et même personne.
Thierry Fortineau s’est attaché à théâtraliser le texte de Gros-Câlin qu’il présente seul sur scène. Gros-Câlin, nom surprenant pour un reptile, plus encore pour un python de deux mètres-vingt dont s’est toqué Monsieur Cousin en voyage à Abidjan, au point d’en faire l’emplette et de le ramener dans ses bagages dans son petit appartement parisien. Le nourrir et s’en occuper ne vont pas se passer sans aléas. Malgré la surveillance de son maître, Gros-Câlin va faire des siennes, révolutionnant le quartier et enlevant à son maître tout espoir de rencontrer une âme soeur capable de cohabiter avec un tel animal.
Cette histoire loufoque, admirablement rédigée par Emile Ajar et relatée par Thierry Fortineau est pour le spectateur un morceau de roi parce qu’à travers les péripéties de Monsieur Cousin, c’est la vie quotidienne d’un homme seul qu’il décrit, avec son lot de désirs frustrés, de solitude désespérée. Derrière chaque mot, chaque phrase d’un français remarquable se cachent l’humour, la dérision, l’émotion et la sensualité. Thierry Fortineau possède la présence, la diction et l’inflexion indispensables pour éblouir. Son désir était de nous faire passer une bonne soirée, il fait bien davantage. Théâtre Pépinière Opéra 2e (01.42.61.44.16) (Lettre 203) (Photos de la pièce).

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