GARGANTUA

Article publié dans la Lettre n°580 du 25 octobre 2023


  Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.

GARGANTUA de François Rabelais. Adaptation Pierre-Olivier Mornas. Mise en scène Anne Bourgeois. Avec Pierre-Olivier Mornas.
Personnages truculents à la mesure de leur gigantisme, Grangousier et Gargamelle prouvent à chaque instant l'ampleur de leur gosier et leur insatiable appétit à le remplir. Les nourritures propres à cette dévoration passent l'entendement et Rabelais prend un plaisir, tout aussi gigantesque, à les détailler en qualités et quantités, avec le sens de l'infini détail qui caractérise toute son œuvre. Ainsi s'inaugure le parcours de vie de leur fils Gargantua, héros du deuxième livre de la saga rabelaisienne. Une naissance, hors normes évidemment, par l'oreille, un appétit qui ne saurait décevoir ses géniteurs, une faim et une soif inextinguibles du monde, tel est le profil de cet homme de la Renaissance, qui témoigne, en intelligence comme en paillardise et rieuse scatologie, de l'immense amour de vivre que Rabelais a dépeint au mépris de toutes les coercitions, religieuses et morales, que l'époque prétendait lui imposer.
Gargantua avale et digère tout à sa portée, nourritures, savoirs, il en concocte une sagesse humaniste fondée sur la bienveillance et la générosité du pardon, en dépit et au-delà de la guerre. Et son éclat de rire emporte les barrières meurtrières que voudraient ériger les va-t-en-guerre et Picrochole de tout acabit.
Au service de l'élan rabelaisien, Pierre-Olivier Mornas met son intelligence du texte et sa verve jubilatoire, incarnant tour à tour Gargantua et ceux qui l'entourent ou l'affrontent. Défile, par sa gestuelle et la diversité de ses intonations, une noria de personnages hauts en couleurs, Gargamelle parturiente, Grangousier en père attentionné, les sorbonnards bornés, Ponocrates le subtil conseiller, l'irascible Picrochole, le débordant Frère Jean des Entommeures, sans oublier la voix des anonymes petits et sans grade auxquels Gargantua prête sa grande oreille avec une sincère sollicitude.
Le décor en clair-obscur est lui-même une métaphore, les piles de livres géants tiennent bon et le souffle de Rabelais ne balaie que les ridicules fauteurs de violence en modèles réduits, combattants désarçonnés, fantassins renversés, murailles abattues. Et le mime qui assortit la voix suffit à évoquer les épisodes de cette épopée jubilatoire. Un défi que le comédien juché sur une petite estrade relève pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Rabelais, décidément, est plus que jamais d'actualité en nos époques troublées. A.D. Théâtre Poche Montparnasse 6e.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des pièces de théâtre

Accès à la page d'accueil de Spectacles Sélection