FRANÇOISE PAR SAGAN

Article publié dans la Lettre n° 462
du 19 septembre 2018


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FRANÇOISE PAR SAGAN d’après « Je ne renie rien » de Françoise Sagan. Adaptation Caroline Loeb. Mise en scène Axel Lutz avec Caroline Loeb.
Une belle enfance, même solitaire, est un privilège. Née dans une famille qu’elle adorait, Françoise Quoirez, Sagan de son nom de plume, a-t-elle su saisir cette chance ?
Elle est là sur scène dans l’intimité de la semi-obscurité, la tête baissée, avec cette grande frange blonde qui cache son regard. Ce regard grave et intelligent, dérangeant pour les hommes de l’époque, qu’elle pose sur les autres, sur les gens qui l’intéressent tellement. Elle va et vient, la cigarette entre l’index et le majeur. Elle se livre, entre la réserve et la provocation, de cette voix au phrasé si particulier.
Elle raconte l’enfance, l’école buissonnière et la liberté puis à dix-sept ans, n’ayant pas eu conscience d’une césure entre l’enfance et sa vie d’adulte, un premier roman qui la propulse sans qu’elle le veuille dans la cour des « monstres ». « Bonjour tristesse » est un phénomène marquant, surtout dû à la précocité de celle qui l’a écrit.
Un accident grave et la douleur qui persiste lui font prendre conscience du prix de la vie.
D’autres romans se succèdent, tous encensés, à son grand étonnement, mais aussi avec la peur au ventre de devoir assumer une célébrité qu’elle refuse. Elle surfe sur les vagues d’une vie qu’elle revendique anticonformiste, dotée d’une sensibilité à fleur de peau et de la franchise de ceux qui se moquent des étiquettes et des ragots. La femme-enfant peut aussi devenir féroce.
La gloire, venue bien trop tôt, et l’argent n’intéressent pas Françoise : « J’aime bien jeter l’argent par les fenêtres, surtout quand il y a quelqu’un pour le ramasser ». Il lui brûle les doigts, elle le dépense en jouant et en perdant beaucoup. Le doute de l’écrivain s’installe, attisé par son admiration pour les grands, Proust, Stendhal. « Des gens comme cela vous rabattent le caquet ». Elle dit boire pour comprendre les gens puis boit pour les oublier. Soixante-neuf ans, c’est bien jeune pour quitter un monde qu’elle qualifiait d’énorme plaisanterie, « un opéra-comique déjà joué dont on connaît la fin ».
Sur le plateau, l’illusion est parfaite : même allure, même coupe de cheveux, même voix, mêmes gestes. Mais la lumière se fait. Une fois les cheveux ébouriffés, Caroline Loeb apparaît et prend le pas sur son personnage. Elle vient de nous donner l’illusion d’un rendez-vous intime avec celle qui tenait une place privilégiée parmi les auteurs de notre prime jeunesse, un très beau rendez-vous. M-P P. Lucernaire 6e.


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