LES FOURBERIES DE SCAPIN de Molière.  Mise en scène Emmanuel Besnault avec Benoît Gruel, Schemci Lauth, Geoffrey Rouge-Carrassat, Denis Turkmen, Manuel Le Velly.
Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ? Qui ne se souvient de cette question acrimonieuse du pingre Géronte, partagé entre sa relative tendresse paternelle et son amour incommensurable pour les espèces sonnantes et trébuchantes ? La comédie de Molière a traversé les siècles sans prendre une seule ride, ici plus que jamais quand le quintette déjanté de l’Eternel Eté se la réapproprie pour notre plus grand bonheur. Et en gardant la verdeur du texte authentique.
La vraisemblance de l’intrigue importe peu. Des fils qui osent épouser sans le consentement de leurs pères absents et dont le retour intempestif compromet les amours juvéniles, une Egyptienne aussi belle qu’usurpée, un valet bondissant et d’une diabolique inventivité. Le tout sera de faire régurgiter aux deux vieillards revêches quelques sommes rondelettes, d’obtenir leur aval pour ces unions, mais surtout pour Scapin d’en tirer une vengeance bien plus « physique ». Coups de bâton, insultes, reproches amers pleuvent averse.
L’espace scénique, très efficacement minimaliste et mobile, suggère alternativement les portes derrière lesquelles s’ourdissent les complots joyeux et s’abritent les oreilles indiscrètes. Un plateau incliné rappelle le pont d’un bateau, élément essentiel à l’action, et se transformera en muraille, les voiles habillent en tournis les vieillards grincheux, jusqu’à se faire immense vélum au-dessus des spectateurs eux-mêmes.
Qui est qui, qui joue qui ? Quelle importance ? Les cinq joyeux compères bondissent, sautent, virevoltent, dansent et surtout chantent et animent cette vibrillonnante facétie du rythme endiablé de leurs diverses percussions.
Et Molière, en témoin caché, rit à gorge déployée… A.D. Théâtre Le Lucernaire 6e.