LES FOURBERIES DE SCAPIN

Article publié dans la Lettre n° 442
du 22 novembre 2017


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LES FOURBERIES DE SCAPIN de Molière. Mise en scène Denis Podalydès. Scénographie Éric Ruf. Costumes Christian Lacroix avec Bakary Sangaré, Gilles David, Adeline d’Hermy, Benjamin Lavernhe, Claire de La Rüe du Can ou Pauline Clément, Didier Sandre, Julien Frison, Gaël Kamilindi et les comédiennes de l’Académie de la Comédie-Française Maïka Louakairim et Aude Rouanet.
Qui n’a pas été lecteur ou spectateur amusé par les angoisses de Léandre épris de Zerbinette, une diseuse de bonne aventure retenue captive depuis l’enfance par des égyptiens, et compatissant à celles d’Octave qui a secrètement passé l’anneau du mariage au doigt de Hyacinte, cette inconnue récemment descendue d’un navire avec sa mère et sa nourrice ? Qui ne s’est pas diverti des fourberies que le valet de Léandre invente pour les sauver de la situation désespérée dans laquelle leur cœur les a fourvoyés ? Au moment où Léandre et Octave voient leurs pères Géronte et Argante, rentrer de voyage plus tôt que prévu avec, en tête, un mariage arrangé, il leur faut agir dans l’urgence mais, affolés, ils ne savent comment. Scapin, lui, va les sortir d’embarras tout en soutirant de l’argent aux deux pères pour le plus grand bonheur des jeunes gens. Démasqué, Scapin se verra pardonné.
On assiste une fois encore avec bonheur à cette désobéissance de la jeunesse face à l’autorité paternelle, à ce choc des générations concocté par l’auteur en 1671, deux ans seulement avant sa mort. Le Palais Royal est en travaux, Molière doit faire travailler sa troupe. Il crée alors une comédie sans décors extraordinaires, sans danse ni ballet, où il laisse libre cours à ses dons. C’est ce qui fait des Fourberies une comédie pas comme les autres et c’est pourquoi elle ne remportera le succès escompté que bien plus tard, après la disparition de son auteur. Molière partage à cette époque le Palais Royal avec l’acteur napolitain Tiberio Fiorilli, le Grand Scaramouche en personne. Cette cohabitation apporte une saveur nouvelle à la comédie de Molière qui flirte avec le jeu italien de Fiorilli sans pour autant tomber dans les excès de la Commedia dell’Arte.
Le ciel s’est habillé ce soir en Scaramouche pour Denis Podalydès qui concocte là une mise en scène d’une savoureuse créativité. Le décor des abords du port occidental de Naples, ouvert sur l’Orient, parle à notre imagination avec les bruits et les odeurs d’un lieu où se dessine en arrière-plan le gréement des galères venues de tous les horizons, port propice aux tractations les plus louches, domaine de prédilection de Scapin qui, manipulant les uns et les autres, accordera tout le monde, accomplissant au passage sa propre vengeance avant d’en être finalement absous, même si l’aventure lui laisse un goût amer. Benjamin Lavernhe apporte à ce rôle son impétueux talent tout comme Didier Sandre, stupéfiant, dans le rôle de Géronte. Père avare et méchant, il se voit délesté à son très grand regret de sa bourse pour, soi-disant, payer la rançon de son imprudent de fils - « que diable allait-il faire dans cette galère ? » - mais il est aussi gratifié d’une dégelée de coups de bâton avant d’entendre sa propre mésaventure tournée en dérision par Zerbinette, formidable Adeline d’Hermy. Ces interprétations d’anthologie provoquent des salves de rires incoercibles mais n’occultent pas pour autant celles des autres comédiens. M-P.P. Comédie-Française - Salle Richelieu 1er.


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