FLEUR DE PEAU

Article publié dans la Lettre n°489 du 30 octobre 2019


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FLEUR DE PEAU. Texte de Sandie Masson. Mise en scène Patrick Azam. Avec Sandie Masson et Eric Savin.
Lilas vient d’ouvrir sa boutique de tatouage et le quartier s’émeut d’une présence dérangeante. Adam, policier, devient porte-parole de conciliation. Le corps tatoué de végétations de Lilas incite à l’école buissonnière, face à Adam, « l’exterminateur de plantes du premier étage… un pollueur égoïste urbain cruel » … Elle est mutine, il est désarmé par ce vif-argent qui échappe à toute logique policière, il bafouille, s’emmêle dans les lapsus. Elle le piste dans ses tentatives agressivement maladroites de se justifier. Leurs corps s’aimantent, tandis qu’ils s’insultent et s’affrontent. Lilas dessine des bouches de plaisir, des dents qui mordent les saveurs, la « sueur qui caresse », bien consciente que « la tête n’est pas conviée » à ce festin des corps qui se cherchent. Fauves sur le ring, ils se lancent des adjectifs à la tête, se vengent par plantes interposées. Elle escalade son balcon, soigne en cachette le camélia survivant. Il hurle à la violation de domicile. Fausses sorties pour vrais retours. « Tu ? … Je ... Salut. ». Elle le nargue, il devient grossier, perd ses moyens. Puis les aveux pointent leur nez, Lilas et ses mots cousus dans les ourlets « pour pas pleurer » sur une enfance battue sauvée par les dessins luxuriants, Adam en manque d’épouse et d’enfant partis ailleurs. Elle est toute sensitivité, il est tout en agressivité. Ils craquent des allumettes en métaphore d’un désir qui ne demande qu’à les enflammer. On téléphone timidement à « ce petit bout de femme gribouillée » qui ose inverser les rôles, on boude, on récupère tant bien que mal, avant de finir par jeter l’éponge.
« Poids super plume poids super coq », « uppercut et contre-attaque », « Lilas KO », « reprise de jeu », entre autres, les titres s’écrivent sur le mur du fond, scandant les rounds sur le ring que matérialisent leurs deux tabourets-coffres-trésors de guerre. Luxuriance végétale et escalade de façade se dessinent, tandis que les récits s’entremêlent au présent, entre souvenir des affrontements, choc vivifiant des désirs et méfiance d’un engagement inédit.
Sandie Masson et Eric Savin donnent rieusement corps complices à ce conte urbain très pudique et poétique derrière l’apparente virulence des paroles et des gestes.
« Il y a des mots qui font voyager », dit Adam, même « les cœurs les plus verrouillés ». Impossible de leur résister. A.D. Théâtre Essaïon 4e.


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