LE FILS

Article publié dans la Lettre n° 449
du 28 février 2018


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LE FILS  de Florian Zeller. Mise en scène Ladislas Chollat avec Yvan Attal, Anne Consigny, Élodie Navarre, Rod Paradot, Jean-Philippe Puymartin, Raphaël Magnabosco.
Nicolas était « un enfant lumineux qui souriait tout le temps », mais cette gaîté s’en est allée. Est-ce la désertion de son père parti aimer ailleurs ou un mal plus profond qui lui fait perdre le goût de vivre ? Il ne saurait le dire même s’il vit mal la peine de sa mère et la sienne face au lien familial brisé. Il est tout à coup devenu la victime d’un mal être inexplicable. Face à une telle transformation, l’incompréhension de sa mère l’agace. Le changement de vie qu’il réclame serait peut-être salutaire. Anne demande à son ex-mari de prendre le relais. Avec l’accord de Sofia, sa deuxième femme qui vient de mettre au monde un fils, Pierre accueille Nicolas, voyant dans ses idées noires la conséquence de sa propre responsabilité dans la séparation. Il s’applique à être un père irréprochable. Après quelques semaines, il note des progrès et pense que tout rentre dans l’ordre quand il se rend à l’évidence : Nicolas lui ment en lui racontant ce qu’il souhaite entendre. Pire, Pierre en arrive à lui proférer les mots exécrés que son propre père lui assenait lorsqu’il avait son âge. Lorsque l’adolescent fait une tentative de suicide, le complexe de culpabilité des parents s’accroît. Ils ne comprennent pas où est leur erreur. Hospitalisé à temps, Nicolas est placé en observation dans le service psychiatrique mais il supplie ses parents de le sortir de là, leur jurant qu’il a changé et qu’il va beaucoup mieux. Pierre signe alors la décharge qui lui permet de le ramener chez lui…
Tout est admirable dans cette création. La simplicité du décor coulissant et le jeu subtil des lumières, la délicatesse de la mise en scène et la justesse de l’interprétation. Nous n’assistons pas là à une représentation où les comédiens, face au public, interprètent des rôles. La plupart du temps de profil ou de dos, ils nous ouvrent simplement une porte sur l’intimité des personnages, sur la tragédie qu’ils sont en train de vivre, et nous en sommes les témoins bouleversés. Anne Consigny est la mère qui craque face au « mur » que son fils est devenu. Élodie Navarre joue sur le fil le rôle de Sofia. Elle est la deuxième femme, celle qui aime son mari mais veut préserver à tout prix l’équilibre familial. Révélé puis « Césarisé » en 2016 pour son interprétation dans « La Tête haute » d’Emmanuelle Bercot, Rod Paradot, exprime superbement l’état dépressif de Nicolas comme s’il lui était familier, vit ses fractures, ses angoisses mêlées de rares moments de joie, n’en pouvant plus de lutter contre lui-même et contre l’incompréhension des autres. Yvan Attal, excellent, passe par tous les états d’un père impuissant à aider son fils. Il ne saisit pas qu’il souffre d’un mal bien plus profond qu’il ne peut combattre.
De l’épreuve que ce père subit, il ne lui restera que la blessure lancinante de l’irrémédiable échec. La scène finale est à cet égard époustouflante,
Que peut-on lorsque l’enfant que l’on croyait connaître devient insaisissable ? L’amour que l’on ressent pour celui que l’on a conçu et élevé est-il assez puissant pour le sauver de lui-même ? Florian Zeller pose simplement et douloureusement ces questions. M-P.P. Comédie des Champs-Elysées 8e.


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