LES FILLES AUX MAINS JAUNES de Michel Bellier. Mise en scène Johanna Boyé. Avec Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard, Elisabeth Ventura.
2 août 1914, « cohue, frissons, tocsin ». Les rues bruissent de monde en ce jour de déclaration de guerre. Les hommes partent, les femmes restent, dans l’angoisse certes, mais avec une certitude commune : le conflit sera bref. Les usines d’armement « reniflent vite la prospérité » mais encore faut-il des bras pour fabriquer les obus et les bras sont partis. Alors on mobilise les femmes avec un salaire deux fois plus important que celui qu’elles reçoivent comme ouvrières, mais deux fois moins élevé que celui des hommes.
Julie, Rose, Jeanne et Louise se retrouvent bientôt à travailler ensemble à la chaîne, 12 heures par jour, à fabriquer les obus de 75. Elles ont un mode de vie différent, n’embrassent pas l’existence de la même manière, surtout lorsque Louise arrive en renfort. Soutien des suffragistes dans leur lutte pour le droit de vote, journaliste pour un journal féminin, celle-ci s’est engagée incognito à travailler dans l’usine pour observer au plus près les ouvrières. Elle va dénoncer leurs conditions de vie pour en acquérir de meilleures, organiser la grève avec son mouvement féministe et, surtout, exiger un salaire égal à celui des hommes. Ensemble, en apprenant les unes des autres, elles vont évoluer et s’unir dans un même combat. Il y aura des cris, de la révolte et des larmes mais elles obtiendront gain de cause. Restera la poudre qui leur colle aux mains et les teint en jaune, ce TNT qui, malgré le verre de lait qu’on les force à boire, fera son œuvre…
Le dynamisme de la mise en scène ne laisse aucun répit aux quatre comédiennes dont les rôles équilibrés sont ciselés par le texte. Elles sont à leur affaire pour reproduire la pénibilité du travail à la chaîne, suggérer la chaleur ambiante et le bruit des machines, la sueur et la fatigue qui creusent les visages. Dans un bel ensemble, elles montrent avec une formidable authenticité combien les épreuves ont forgé leurs personnages pour les rendre plus fortes et plus solidaires, combien cette solidarité leur a permis de soulever des montagnes. Superbe ! M-P P. Théâtre Rive Gauche 14e.