FAUSSE NOTE

Article publié dans la Lettre n° 440
du 25 octobre 2017


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FAUSSE NOTE de Didier Caron. Mise en scène Didier Caron et Christophe Luthringer avec Christophe Malavoy et Tom Novembre.
Au Philharmonique de Genève, Hans Peter Miller fulmine en regagnant sa loge tout en remémorant la prestation très médiocre de ses musiciens. Tellement admiré par le public, son orgueil en a pris un coup et il en ressent comme une humiliation. Il s’apprête à se changer pour partir tout en réfléchissant à la proposition formidable que l’on vient de lui faire mais qui ne remporte pas l’enthousiasme de sa famille: remplacer Herbert Von Karajan au Philharmonique de Berlin. Il n’attend personne mais un homme s’encadre dans la porte de sa loge après avoir frappé. Léon Dinkel souhaite le féliciter. La conversation que l’inconnu prolonge finit par indisposer le chef d’orchestre. Dinkel s’éternise, invoquant maints prétextes. Il profite des allées et venues de Miller pour cacher un objet sous le tapis, arracher les fils du téléphone, se débarrasser de la présence du régisseur, sortir un paquet enveloppé dans un vulgaire papier. Miller se demande bien ce que lui veut cet étranger. Il va peu à peu le savoir…
En considérant Léon Dinkel vêtu d’un pardessus démodé, la traditionnelle petite valise marron à la main, se superpose dans notre esprit l’image indélébile d’un autre Dinkel parmi les millions d’autres qui abandonnèrent un jour la même valise sur un quai de gare avant de monter dans un train sans retour. Le sujet de la pièce est clair. On comprend vite que ces deux hommes ont l’effroyable passé commun des camps et que l’un est venu demander des comptes à l’autre. On devine ce que sont l’objet caché, le paquet, et même ce que contient le chargeur du pistolet. L’intérêt de la pièce réside dans l’histoire d’une monstruosité tant de fois racontée mais surtout dans le message qu’elle comporte. Didier Caron dresse un portrait très élaboré des deux hommes. De leur jeunesse et de leur éducation, découlent les relations père-fils et la transmission. Jusqu’où va un fils pour ne pas décevoir son père ? Peut-il défier son autorité ? Quelle vengeance un homme dont la vie a été brisée peut-il envisager ? peut-il donner ou provoquer une mort lorsqu’il a reçu l’éducation qu’il dit avoir reçue? Ces questions sont posées à mesure que s’affirme l’affrontement entre les deux hommes.
Tom Novembre évite la caricature qu’il pourrait donner de Miller, passant subtilement, lorsqu’il comprend enfin, d’une amabilité forcée et d’une irritation visible, à l’inquiétude, la peur, puis à l’effroi. Il joue fort bien sur les différentes nuances du sentiment de culpabilité de son personnage à mesure que Léon Dinkel pousse celui-ci dans ses derniers retranchements. Christophe Malavoy joue sur le fil. Faussement admiratif au début, voire obséquieux, il dévoile peu à peu sa détermination à mener sa « victime » où il veut, dans ce passé que tous les deux voudraient tant effacer. On sort conquis par leur prestation. M-P. P. Théâtre Michel 9e.


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