ET MA CENDRE SERA PLUS CHAUDE QUE LEUR VIE d’après Marina Tsvetaeva. Mise en scène Marie Montegani. Avec Clara Ponsot.
Elle est seule, dans une longue tenue sombre, chignon serré sur la nuque, assise sur une chaise au centre d’un plateau vide. Dépouillé comme la fin de sa vie. Elle a perdu son mari, Sergueï, elle a vu sa fille chérie Ariadna partir sur un dernier regard par-dessus l’épaule, encadrée par des sbires qui l’emportaient vers on ne sait quelle détention. Marina raconte ces vestiges d’elle-même. « Mauvaise mère », elle a confié ses deux premières filles à un orphelinat sinistre, Irina la moins aimée y est morte de faim, Alya la bien aimée chétive n’a pas survécu à son enfance. Était-ce la faute de Marina si elle ne savait pas y faire, sans les élans passionnés qui la caractérisent ? Poétesse, elle l’a toujours été depuis l’enfance, un amour des mots et des rythmes, qu’elle a repéré avec bonheur et élan chez les amis de cœur, et parfois de corps, Boris Pasternak, Rainer Maria Rilke. Des échanges épistolaires pleins de fougue, du loin de ses exils successifs, l’obscurité insupportable de cette Russie qu’elle a fuie, après la Révolution, avant de la retrouver, sans joie, dans le drame et la solitude. La misère finale dans l’Union soviétique qui laisse désemparée cette indomptable femme de lettres, à tous sens du mot.
Claire Ponsot donne à voir ce cheminement entre dérive et enthousiasme, tandis que, sur l’écran, dans son dos, défilent des emportements de vagues, la toundra semée d’arbres enneigés, des incandescences, des images d’époque en flouté mouvant. Le tout en noir et blanc, comme elle, comme sa vie. Dans l’illusion et l’excès sans transition, jusqu’à la dissolution voulue. Mais sans jamais renoncer à ce tissu d’elle-même qu’est la littérature.
Claire Ponsot est bouleversante, d’une simplicité habitée qui donne chair et voix à Marina Tsvetaeva, transfigurée comme la Nuit transfigurée de Schönberg qui l’accompagne. A.D. Théâtre Le Lucernaire 6e.