ELLE… ÉMOI

Article publié dans la Lettre n° 429
du 29 mai 2017


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ELLE… ÉMOI de et par Emmanuel Van Cappel. Mise en scène Nathalie Louyet. Regard extérieur Jean-Philippe Lucas Rubio.
Avec « La Contrebasse », son célèbre roman adapté pour la scène (n°138) et (n°364), Patrick Süskind n’est pas le seul à évoquer les relations, parfois conflictuelles, entre le musicien et son instrument de musique.
Le destin d’un musicien en herbe commence le plus souvent par un coup de cœur, la rencontre avec le son d’un instrument et l’emprise que celui-ci prend sur lui. Pour Emmanuel Van Cappel, ce fut la trompette. Drôle de parcours que celui d’un trompettiste dont la carrière est jalonnée par l’utilisation du même instrument sous de multiples formes.
Sur scène trône un fauteuil club et, suspendues à portée de la main, des trompettes de toutes sortes que le comédien décroche à mesure qu’il les présente. C’est le printemps de la vie, le moment où il découvre sa passion et un instrument, la petite trompette de poche, celle à quatre pistons, la toute première dont il n’a jamais pu se servir, celle-ci étant devenue trop petite après le passage obligé des trois années de solfège ! Il passe alors à la douceur, à la délicatesse du cornet à piston puis à une plus grande, la trompette en si bémol. Avec elle, il apprend tout, la position, le doigté. La trompette en ut lui succède et lui apporte son premier cachet. Puis un temps suspendu survient, celui du service militaire, clairon oblige, avec « La sonnerie aux morts », morceau de bravoure de l’instrument et, comme il se doit aussi, la trompette de cavalerie. À califourchon sur un bras du fauteuil, notre instrumentiste n’a aucun mal à mimer la difficulté d’en jouer ! Voici l’été. Ah le jazz et la chaleur d’un bugle ! Comme il aurait aimé se distraire un peu mais le smoking, apanage obligé du musicien cantonné dans la fosse d’orchestre de l’Opéra, est si éloigné du blues et c’est déjà l’automne… On lui avait dit : « Tu verras, être musicien c’est comme une profession de foi », mais il a perdu la foi ! Il ne mesure plus que la somme de tous ces efforts prodigués pour arriver au mieux dans une fosse… d’orchestre. Pour créer l’alchimie entre le musicien et son instrument, il faut savoir s’en séparer, mais comment se séparer de ce qui est la moitié de soi-même ? Un vrai dilemme, bien difficile à résoudre. Alors, il compte comme Reggiani le temps qui reste et s’il veut en profiter, il ne lui reste plus qu’à fuguer avec Bach…
« Elle…Émoi », le titre est évocateur. À mi-chemin entre Raymond Devos et Michaël Hirsch, Emmanuel Van Cappel cisèle les mots et en prend le contrepied. Un pur moment de grâce, drôle, et intelligent, admirablement mené par la mise en scène. M-P P. Festival d’Avignon, Le Petit Chien, 76 rue Guillaume Puy.


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