L'ÉDUCATION SENTIMENTALE

Article publié dans la Lettre n°588 du 28 février 2024


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L'ÉDUCATION SENTIMENTALE. D'après Gustave Flaubert. Adaptation Paul Emond. Mise en scène et interprétation Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps.
Qui ne s'est pas émerveillé, comme Frédéric Moreau sur le coche d'eau qui le ramène vers son Nogent-sur-Seine natal, à la vue de Madame Arnout, avec les bandeaux de ses cheveux, la luminosité de sa carnation et tutti quanti ? «Ce fut comme une apparition»... Foudroyé d'amour, Frédéric ne s'en remettra jamais vraiment et il traverse les remous politiques et les révolutions populaires du Paris en ébullition des années 1830-1850, ballotté entre ses rêves de grandes amours et son inconsistance de jeune homme sans envergure. Etudiant raté en mal d'engagement politique, héritier floué et pillé par des financiers véreux, séducteur à son corps défendant, marionnette entre les désirs avides d'une gourgandine et ceux d'une fausse naïve, il échappe aux mariages pluriels parce que son seul phare restera jusqu'au bout Madame Arnout, femme fidèle et prude. On ne se défait jamais d'un tel amour, justement parce que la chasteté est son lot. Même si on n'échappe pas, au quotidien, à la perte des illusions, au cynisme ou à la veulerie.
Pour donner à voir ce parcours-fleuve initiatique, le tandem Sandrine Molaro - Gilles-Vincent Kapps, comédiens autant que musiciens, nous entraînent joyeusement dans la noria des personnages multiples de cette fresque historique en offrant à la langue de Flaubert un renouveau de jeunesse, sans altérer la portée de son propos. Le message politique et social n'y perd rien de sa sagacité et convainc d'autant mieux qu'il entre en résonance avec le spectacle de nos perversités contemporaines. Rien de bien nouveau sous le soleil...
Force du rire, humour, regard subversif et en même temps attendri sur les amours impossibles ou vénales, nos deux complices en jeu mélangent les genres et varient gestuelles et tonalités.
Frédéric Moreau est toujours d'actualité, dans sa pusillanimité et son inertie, ses désespoirs et ses lâchetés, son aveuglement et ses regrets, tandis qu'autour de lui valsent les événements politiques, pathétiques ou dérisoires. Et les deux comédiens, excellents, impriment à ce récit cahoteux le rythme irrésistible d'une partition musicale qui leur donne la réplique.
À voir sans hésiter. A D. Théâtre de Poche Montparnasse 6e.


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