LA DOULEUR

Article publié dans la Lettre n°558 du 23 novembre 2022


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LA DOULEUR. Texte de Marguerite Duras. Mise en scène Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang. Avec Dominique Blanc, sociétaire de la Comédie-Française.
Elle a retrouvé, dans deux cahiers oubliés, le journal où elle a consigné les événements de l’année 1945, des mois particulièrement douloureux, ceux du retour des prisonniers des camps nazis. Alors, assise à sa table, elle l’ouvre, reconnaît sa petite écriture régulière sans pourtant avoir le souvenir d’en avoir écrit les phrases. Elle revoit la période de l’occupation, de la résistance, de la libération, le constat effroyable de ces millions de morts et, maintenant, le va-et-vient des femmes, entre leur domicile et le siège de la gare d’Orsay, où les convois arrivent peu à peu, chargés des prisonniers des camps. Elle dure des heures et des jours la station quotidienne de ces épouses, dans l’attente que se profile enfin la silhouette de l’être aimé. Marguerite attend, elle aussi, le retour de son mari, l’écrivain et résistant Robert Antelme, alias Robert L., déporté politique en juin 1944 en Allemagne. Elle se trouve dans un désordre de pensées et de sentiments mais sent qu’il est vivant et s’accroche à cet espoir avec le soutien de Dionys Mascolo, un ami qui lui rend quotidiennement visite. C’est cette attente qu’elle formule d’abord, se persuadant qu’il va revenir. C’est vrai : il n’y a pas de raison particulière pour qu’il ne revienne pas. Puis un matin d’avril, au réveil, la certitude qu’il est mort l’assaille et les images de fusillades et de corps allongés dans les fossés se superposent à la douleur qu’elle ressent à l’idée que la faim qui l’a miné a précédé la balle qui l’a tué sans qu’elle ait pu lui tendre un morceau de pain.
Dans la salle comble, le silence est religieux, tant est forte l’écoute des mots de Marguerite. Dominique Blanc sait si bien dire l’attente quotidienne, l’espoir puis la douleur extrême d’une perte pas encore actée mais prévisible, les jours qui passent et l’imagination qui creuse encore davantage cette douleur jusqu’à l’appel téléphonique providentiel et le retour rocambolesque d’un squelette de trente-huit kilos. Brillantissime ! M-P P. Théâtre de l’Athénée 9e.


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