DIPTYQUE #1 ET #2
#1 Une jolie robe - #2 La femme de ma vie

Article publié dans la Lettre n°545 du 13 avril 2022


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DIPTYQUE #1 ET #2. Textes de Andrew Payne. Mise en scène Patrice Kerbrat. Traduction et jeu Robert Plagnol.

#1 Une jolie robe. L'homme allongé sur le lit émerge de la couette où il se calfeutre et entreprend un long récit plutôt anarchique, entrecoupé d'adresses au public, de retours en arrière, au cours duquel il s'habille progressivement. Et ce changement de stature, qui le fait passer du pyjama au costume raffiné, métaphorise son cheminement professionnel, familial et intime. Employé sans envergure ni histoire apparente, il révèle ses talents de roublardise et d'efficacité sans scrupule. Des situations et des objets réitérés jalonnent cette confession, comme des clins d'œil à l'auditeur, à qui incombe la tâche de s'y retrouver pour tracer le portrait de cet homme déconcertant. Une robe offerte à sa fille, le jeu des responsabilités financières, l'accointance douteuse avec le mafieux du Sud. Entre autres. Pourquoi un lit, pourquoi le paravent de mitoyenneté ? Les personnages se succèdent dans ce monologue, mimés, singés, escamotés.
Le récit est si machiavéliquement noué que l'on peut s'interroger sur la véritable nature de ce personnage protéiforme. Glissant, insaisissable. Est-il la dupe des tractations peu morales et d'autant plus juteuses d'un associé de fortune ? Qu'en est-il des protestations initiales de rigueur et de loyauté ? Faux naïf ou vrai rusé ? Victime ou aigrefin ? Bien malin pourrait se prononcer à la fin !

#2 La femme de ma vie. L'homme assis attend sa femme, dit-il. D'une élégance sans ostentation, parfait des pieds à la tête. Une voix sans effets apparents, inquiétante de dépouillement. À l'image de la violence inhérente qu'on perçoit en lui, encore plus inquiétante. Il manie alternativement le livre qu'il est en train de lire et le téléphone portable qu'il consulte avec un soupçon de fébrilité et d'impatience néanmoins. Pour meubler cette attente, il entreprend de raconter les événements qui l'ont mené jusqu'ici. De son enfance inculte, tissée de brutalité et de soumission, il a tiré un enseignement vital et salvateur, ne jamais baisser la garde, se placer toujours en position de domination, impressionner et séduire par la perfection de son allure. Chauffeur de voiture de luxe au service de personnages douteux, il sait se taire ou intervenir au moment opportun. Son seul critère d'appréciation des gens qu'il est amené à côtoyer est l'élégance, un raffinement intransigeant, vestimentaire, gestuel, langagier. On le croirait invincible tant il anticipe les situations et semble maîtriser leur déroulement. Il décrit avec une faconde désopilante les gens, les gestes, les dialogues pseudo-littéraires que son éclectique culture d'autodidacte lui permet de mener avec brio. Beaucoup de coups s'échangent, des billets de banque changent de coffres.
À propos, où est la femme de sa vie ?

Dans ses deux monologues successifs, Robert Plagnol fait merveille. Stature parfaite, élégance vestimentaire. L'œil frise d'humour au détour de la platitude apparente du récit, le visage est mobile, les intonations ondulent dans le mime des voix. Son art consommé de la narration vivante captive le spectateur par ses insinuations et la perfidie assumée de ses caricatures, sans s'appesantir dans les effets, virevoltant de l'innocence à la rouerie, de la violence sous-jacente à la fragilité entrevue.
Un cocktail qui enivre le public avant de le laisser sans pitié sur sa faim, tout à ses questions ébauchées. À déguster à petites goulées, à ne surtout pas manquer. A D. Artistic Theâtre 11e.


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