LES DÉMONS

Article publié dans la Lettre n°532 du 13 octobre 2021


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LES DÉMONS d’après Fiodor Dostoïevski. Adaptation Erwin Mortier. Traduction Marie Hooghe. Mise en scène Guy Cassiers, dramaturgie Erwin Jans, scénographie et costumes Tim Van Steenbergen, vidéo Bram Delafonteyne avec la troupe de la Comédie-Française Alexandre Pavloff, Christian Gonon, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Jérémy Lopez, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Jennifer Decker, Clément Bresson et Claïna Clavaron et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française Vianney Arcel, Robin Azéma, Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy, Emma Laristan.
Dans le salon de sa propriété, Varvara Stavroguina et sa pupille Dacha Chatova, sœur d’Ivan Chatov, remémore leur voyage en Europe, Paris, Londres et son innovant Crystal Palace, édifié pour l’exposition universelle de 1851. La jeune Dacha évoque aussi un voyage en Suisse, entrepris seule avec Nikolaï Stavroguine, le fils de Varvara.
Préoccupée par leur relation, Varvara propose à sa protégée d’épouser Stépane Verkhovenski, son ami intime de 53 ans, ancien professeur d’université, un libéral idéaliste qui vit à ses crochets depuis vingt-cinq ans. Il a connu très tard son fils Piotr, jeune agitateur nihiliste qui prône une révolution destructrice. La stature charismatique de Nicolaï séduit Piotr, désireux de souder sa cellule révolutionnaire et terroriste par un crime, grâce à un leader tel que lui.
Varvara projette aussi de marier Nicolaï à Liza Touchina, une riche héritière, amoureuse de lui, dont les ambitions littéraires réveilleraient, selon elle, la léthargie générale. Mais Nicolaï est marié secrètement à Maria Lébiadkina, une jeune femme déséquilibrée, hébergée chez Ivan Chatov, ancien nihiliste devenu nationaliste et croyant. Les complots de ces deux générations en conflit provoqueront assassinat, meurtre, suicide et destruction.
Le roman de Dostoïevski, habilement adapté, dépeint le nihilisme mortifère d’une société exsangue, partagée entre l’ancienne génération apathique, dépourvu de la moindre idée neuve, aussi paresseuse que le peuple qu’elle qualifie ainsi, et une jeune génération dont la violence arme un bras destructeur sans aucun objectif pour l’avenir.
Une dramaturgie très subtile marque l’opposition des deux générations et la destruction de leur monde par la projection des comédiens sur des cadres mobiles. On les suit alors présents sur scène ou à l’écran. Les comédiens font magnifiquement vivre les personnages qu’ils incarnent, engoncés dans des costumes d’une raideur glaçante. En retrait, les musiciens ponctuent les scènes. Et la vacuité de la verrière contraste avec l’effervescence supposée du palais de verre londonien. Lorsqu’il fut la proie des flammes, William Churchill déclara: « C’est la fin d’une époque ». Ces mêmes flammes qui envahissent la scène figurent, elles aussi, la fin d’une époque. Une création ambitieuse qui fera date. M-P.P. Comédie-Française Salle Richelieu 1er.


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