DARIUS

Article publié dans la Lettre n° 419
du 20 mars 2017


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DARIUS de Jean-Benoît Patricot. Mise en scène Anne Bouvier avec Clémentine Célarié et Pierre Cassignard.
Il ne lui reste, pour appréhender le monde, que l’extraordinaire subtilité de son nez et les souvenirs enfouis dans un corps aveugle et sourd, dont seules les mains caressent et parlent encore. Le poison dégénératif étiole peu à peu leur agilité, Darius sera bientôt silencieux. Définitivement. Mais Claire, sa mère, va se battre jusqu’à l’ultime senteur et, pour ce faire, bousculer Paul, un « nez » de parfumeur, que le veuvage a prostré dans le refus de la vie. S’inaugure alors un échange épistolaire, par lequel elle lui demande de l’aider à offrir à ce fils en perdition physique la réminiscence olfactive de sa liberté voyageuse et de ses rêves d’adolescent. Paul, d’abord réticent, relève le défi et réveille ses réflexes et son imaginaire, dans des lieux découverts ou retrouvés autrement, dans sa vie reconstruite par ce cheminement inattendu.
Claire exprime toute la palette de cette mère sans apitoiement, qui cache derrière sa force joyeuse et son humour la lucidité douloureuse de l’inexorable. Paul se prend à ce jeu qui ravive en lui la grandeur passée, parfois trop impliqué dans les gestes recouvrés pour être attentif aux écorchures qu’il suscite. Au fil des courriels échangés se tisse une vraie tendresse, comme un déroulé proustien qui fouaille l’intime des émotions, des sentiments, des indignations et des acceptations.
Au centre, un orgue à parfums, le maître d’œuvre de cette quête, au-dessus duquel descendent et remontent les deux seules lettres matérialisées. Sur le devant de la scène, les flacons de chaque création, comme un voyage jusqu’à l’anniversaire ultime. Au fond, le clair-obscur des souvenirs ébauchés, des aveux difficiles, des moments escamotés. La lumière en halo effleure ces espaces successifs.
Au-delà de l’artifice épistolaire, Clémentine Célarié et Pierre Cassignard forment un duo complice et tendre, se frôlent par la parole et concourent à un univers habité de fragrances, dont chaque spectateur sort, le nez au vent, humant avec une curiosité inédite les senteurs de la vie, de sa vie. A.D. Théâtre des Mathurins 8e.


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