DANSER À LA LUGHNASA de Brian Friel. Mise en scène Gaëlle Bourgeois. Avec Nicolas Bresteau, Emilie Chesnais ou Caroline Stefanucci, Bruno Forget, Pauline Gardel, Vincent Marguet, Céline Perra, Jennifer Rihouey, Mathilde Roehrich.
Des cercles concentriques, matérialisés par divers objets sur le plateau, tracent un enfermement dont chacune des cinq femmes cherche ou a cherché à s’abstraire, que chacun des trois hommes a fui. Le plus jeune d’entre eux, Michael, vient témoigner, comme un récitant en front de scène, des événements dont il a été jadis partie prenante à la mesure de son jeune âge d’alors. Enfant unique choyé par sa mère et ses quatre sœurs qui l’entourent, jusqu’à l’étouffer de leur tendresse explosive, il rêve de fuite au travers des cerfs-volants qu’il construit malhabilement en les décorant de figures de masques grimaçants, métaphore du malaise ambiant qu’il ressent sans savoir l’expliquer. Dans cet univers aussi asphyxiant et hystérique que joyeux et débridé, les hommes adultes apparaissent écartelés. Oncle Jack, prêtre missionnaire au bord de la mort, perd la tête et ses mots, revit les rituels flamboyants qui ont rythmé son existence africaine. Gerry, délicieux matamore, passe et repasse en météore dans la vie de Christina et de Michael, ce fils né de leurs rapides amours, auquel il multiplie les promesses de cadeaux. Les quatre autres sœurs dessinent une palette variée de la condition des femmes irlandaises des années 30, Kate l’aînée pieuse et pudibonde est le censeur des comportements indécents, Maggie rêve de musique et de danse, Agnès lit des romans à l’eau de rose et bougonne dans son rôle domestique, Rose la benjamine explose de vitalité incontrôlée. Des femmes frustrées d’amour et de danse, qui voudraient aller au bal de la Lughnasa, quitte à braver les regards d’opprobre d’un village peu enclin à accepter de telles indépendances revendiquées. À l’épicentre de leur survie contrainte, dont l’équilibre déséquilibré menace ruine à chaque instant, « Marconi », poste de TSF ainsi cité faute de meilleur surnom, représente à la fois les voix d’une liberté extérieure et, par ses pannes à répétition, les soubresauts douloureux de vies en porte-à-faux. Tendre, joyeux, grinçant, déjanté, hystérique, cet univers clos finira par exploser de désespoir et d’inadaptation à la vie réelle alentour.
On rit et frémit sans réserve devant les huit comédiens, excellents et pleins de vitalité, qui dansent avec une belle diversité ces vies en cahots.
Un spectacle à ne pas manquer. A.D. Théâtre 13 / Jardin 13e.