CYRANO d’après Edmond Rostand. Mise en  scène Bastien Ossart. Avec Lucie Delpierre, Iana-Serena De Freitas, Nataly  Florez ou Marjorie de Larquier. 
                  Qui ne connaît Cyrano de Bergerac, le  Gascon disgracieux de nez, tendre de cœur, pourfendant de sa rapière comme de  ses saillies verbales la bêtise, la pleutrerie, les ridicules de tout  poil ? La fragilité de la laideur, le rire du désespoir, la fidélité  inoxydable de son amour pour Roxane. On connaît peu le Cyrano authentique du  XVIIe siècle, celui d’Edmond Rostand a tellement imprimé sa marque.  Peut-être trop, au point de masquer derrière le texte admirable du XIXe  siècle, qui met en scène le second, la réalité historique et douloureuse du  premier, entre farce et tragédie. Si intemporelle est devenue la geste de ce  héros. Trois femmes, trois comédiennes, nous offrent avec subtilité d’en  revisiter le mythe, non en galvaudant l’une des paroles théâtrales les plus abouties  qui soit, mais en jonglant avec les époques, les genres à tous sens du terme.  Elles prennent le parti de le resituer dans une mise en scène où les lumières  ne proviennent que de chandelles, où le vide du plateau permet toutes les  évolutions, les pantomimes. L’espace de l’imagination en somme. Trois  comédiennes pour des rôles si multiples ? Qu’à cela ne tienne, les  costumes interchangeables et les masques y suppléeront. Un Cyrano protéiforme,  dont les célèbres tirades se déploient en répliques à trois voix sous la  protubérance détestée. Une Roxane blonde, rousse ou brune, précieuse ou  douloureusement lucide, entre afféteries et larmes de deuil. Un Christian,  bellâtre et niais, sot mais lucide. La farce cabriole avec souplesse, de  Monfleury à de Guiche, de la duègne à d’Artagnan, Raguenaud ou Le Bret. Il n’y  manque pas une virgule ni un accent tonitruant ou ému. Le public, constamment  sollicité, se prête sans retenue à la vivacité du jeu, de mots, de sourire, de  friandises offertes.
                  Tout est délicieux, jusqu’au clin d’œil  très amusant, double et en alexandrins, pour mettre en garde contre les  sonneries intempestives, ou appeler les commentaires sur les réseaux de  diffusion… !
  À ne manquer sous aucun prétexte ! A.D.  Théâtre du Funambule 18e.