LES COLLECTIONNISTES de François Barluet. Mise en scène et scénographie Christophe Lidon avec Christelle Reboul, Christophe de Mareuil, Frédéric Imberty, Victor Bourgault.
Le marchand d’art et galeriste Paul Durand-Ruel est partagé entre l’amour qu’il ressent pour sa femme Jeanne et la passion qu’il porte à un nouveau groupe de peintres qui, selon lui, sont en train de révolutionner la peinture. Hélas, il est le seul à s’en rendre compte. Comme tout ce qui est « nouveau », la critique est aisée et si le déjà célèbre marchand parisien collectionne, il ne vend pas. Pis, il accueille chez lui Monet, Sisley, Renoir, Pissarro… bref, tous les pauvres hères qui lui échangent un tableau contre un repas et repartent avec une liasse de billets lorsque Paul craque pour l’une de leurs toiles. Jeanne est elle-même très critique face à cette nouvelle peinture qui privilégie « l’impression » et représente des nus bizarres « amas de chair à demi faisandée dont on perçoit presque l’odeur », des croûtes aux doigts non finis ! Les couleurs aussi ne correspondent pas à celles réelles des paysages qui les entourent. Voyez Pissarro : A-t-on déjà vu des arbres violets ? Jeanne est de plus en plus excédée lorsqu’elle voit Paul revenir du Havre avec une toile de Claude Monet représentant le port du Havre dont les coups de pinceaux sont censés donner « l’impression d’un reflet ». Cohabiter avec toutes ces horreurs la dépasse. Cinq enfants à nourrir, des fins de mois plus en plus difficiles et la dernière lubie de Paul qui envisage d’installer une pièce d’eau avec un pont japonais chez Monet, obligent l’épouse à un chantage : elle fera chambre à part jusqu’à ce que Paul cesse d’acheter… Une exposition organisée par les peintres eux-mêmes, chez le photographe Nadar, sans même en aviser leur marchand, le vexe profondément. Les critiques sont assassines et les huissiers commencent à pointer leur nez. Mais Jeanne aime son mari, elle a plus d’un tour dans son sac pour amener, entre autre, Monsieur Armand, le directeur du journal Le Constitutionnel, à lui acheter un nu trois fois son prix.
L’avenir donna raison à l’intuition de Paul. Ruiné à soixante ans, sa fortune était faite à quatre-vingt-dix ans. Il aurait rassemblé une collection de douze mille toiles dont le célèbre Port du Havre rebaptisé Impression soleil levant.
L’excellent texte de François Barleut a diablement inspiré Christophe Lidon. Une mise en scène énergique et une scénographie originale mettent parfaitement en valeur des répliques pleines d’esprit. Elles sont pain béni pour les comédiens dont le talent éclate à chaque instant. Le changement régulier des costumes rythme les scènes. Une pièce à ne pas manquer. M-P P. Petit Montparnasse 14e.