LA CHUTE d’Albert Camus. Adaptation Catherine Camus et François Chaumette. Collaboration artistique Bénédicte Nécaille. Mise en scène et interprétation Ivan Morane.
« Juge pénitent ». C’est ainsi que Jean-Baptiste Clamence se définit lui-même face à l’interlocuteur qui lui prête son oreille au Mexico City, un bar de marins qu’il fréquente à Amsterdam où il s’est établi. Il dit apporter des conseils juridiques à ceux qui en ont besoin.
Jean-Baptiste Clamence était autrefois avocat au Barreau de Paris. Il défendait avec ardeur la veuve et l’orphelin, de nobles causes, satisfait de « se trouver du bon côté de la barre ». Il garde de ces années-là l’éblouissement et l’orgueil de la réussite professionnelle, sociale et amoureuse jusqu’au jour où… Ce soir de novembre, en traversant l’un des ponts qui enjambent la Seine, il remarqua une mince jeune femme penchée contre le parapet. Il garde encore en mémoire le souvenir de sa nuque si frêle dépassant du col du manteau. Il passa son chemin mais, depuis la rive, il entendit « le bruit d’un corps qui s’abat sur l’eau, un cri, puis le silence ». Il aurait pu prévenir, courir pour tenter de sauver la malheureuse mais il ne fit rien. Et c’est ce rien qui, depuis, le tourmente. Il ne peut supporter de vivre avec ce coupable et lâche immobilisme qui le conduit à une introspection au plus profond de sa conscience. En rendant compte de ses fautes à un interlocuteur anonyme, celui-ci devient le miroir de lui-même, quitte à lui renvoyer son complexe de culpabilité.
Ivan Morane, Albert Camus, même élégance et même charme. Le comédien exprime avec talent et une belle sobriété l’orgueil et le cynisme de son personnage. Il arpente la scène au gré des changements de lieux marqués par les lumières ou bien s’assied dans un fauteuil qui devient méridienne à l’envi, porté par une musique allant du jazz au classique.
Nous sommes vite happés par la confession de Jean-Baptiste Clamence, sorte de prêche existentiel, par les conséquences de cette « chute » qui provoqua la sienne, telle une clameur sans réponse. M-P.P. Théâtre des Mathurins 8e.