CHEVEUX. Texte, jeu et mise en scène de Julie Fonroget et Laureline Collavizza.
Les cheveux. Pas assez, et voilà la virilité qui s’escamote. Trop, et la réputation de la femme s’en trouve dévoyée. De quoi se faire des cheveux ! Qu’on le veuille ou non, nul n’échappe au regard d’autrui en ce domaine. La pilosité est source permanente de quolibets, de stigmatisations, de coercitions, de fantasmes, quelles que soient les sociétés, les religions, les époques.
Si la calvitie est un traumatisme récurrent chez les hommes au point de bloquer leur libido, certains rituels religieux ne trouveront rien à redire à ce qu’on l’impose aux femmes. Force d’un côté, péché de l’autre. Samson versus Marie-Madeleine, l’ultime poussée capillaire de l’un détruira les méchants Philistins ; l’ample chevelure de l’autre essuiera les pieds divins ou voilera, à grand peine, ce sein que l’on ne saurait voir en peinture. C’est qu’il a la vie tenace, ce paradoxe, ou cette hypocrisie ?
De cette constante sociologique, pourrait-on dire, les deux joyeuses comparses tressent, mais oui, un inventaire vivace, lucide, amusé, ironique, surtout attendri, car il couvre tous les avatars de l’existence. Mais pas un poil de méchanceté. De la gamine mutine qui met à mal les tentatives de greffe de son père, jusqu’à la douleur du dépouillement enfin assumé par l’amour, en passant par l’appel à signature de la pétition féministe, l’obsédée des extensions, la pauvreté qui marchande les toisons luxuriantes. Entre autres nombreuses illustrations de ces désarrois intemporels.
Les deux comédiennes oscillent avec bonheur entre perruques, calvities et flots capillaires. Le tout accompagné par les projections sur fond de scène, sans pesanteur parce que la noria des expériences évoquées est rapide et fluide. C’est à la fois signifiant et rieur et chacun peut s’y reconnaître, sans risquer de s’y blesser.
Un beau spectacle plein d’humanité et de tendresse. A.D. Manufacture des Abbesses 18e.