LE CERCLE DE WHITECHAPEL de Julien Lefebvre. Mise en scène Jean-Laurent Silvi avec Stéphanie Bassibey, Pierre-Arnaud Juin, Ludovic Laroche, Jérôme Paquatte, Nicolas Saint-Georges.
Londres 1888. Le quartier de Whitechapel est secoué par une série de meurtres qui ne s’abat que sur des prostituées. La police ne parvient pas à trouver la piste qui la mènerait à l’auteur de ces crimes. D’un genre inédit, ceux-ci suivent le même rituel et leur degré d’abomination s’accroît d’une victime à l’autre. Ancien directeur de la police coloniale, très ancré dans la bonne société, Sir Herbert Greville décide de former un groupe de personnes dont les qualités ou leur place dans la société les distinguent du commun des mortels. Il réunit ainsi dans un ancien atelier d’artiste du quartier de Whitechapel loué pour l’occasion, le romancier débutant, Arthur Conan Doyle, le journaliste et futur grand dramaturge, George Bernard Shaw, le directeur d’un théâtre, mauvais romancier, passionné de sciences occultes, Bram Stocker, et l’une des premières femmes médecins de l’époque, Mary Lawson. Sir Herbert Greville dit vouloir aborder cette série de meurtres d’un autre œil afin d’aider Scotland Yard à trouver le coupable. L’ego surdimensionné de certains et les jalousies divisent tout d’abord les membres du petit cercle mais les conversations finissent par se concentrer sur ce qui les a réunis : examiner, déduire et dresser une liste des suspects à partir de celle de la police. Ils sont bientôt convaincus d’avoir mis la main sur le coupable mais celui-ci décède et les meurtres se poursuivent. Celui que l’on nomme dorénavant Jack l’Éventreur leur file invariablement entre les doigts.
Cette série meurtrière qui cessa aussi mystérieusement qu’elle débuta traumatisa durablement la société londonienne et dépassa ses frontières. Julien Lefebvre imagine une enquête insolite qui s’achève par la désignation d’un coupable tout aussi inattendu. L’espace clos représenté par l’atelier où se réunit « le cercle » recrée parfaitement l’atmosphère du quartier, suggérée par toutes sortes de bruitages. Les dialogues révèlent le contexte victorien où règne une société corsetée dans l’hypocrisie, le mensonge et les apparences. Londres s’est construite autour d’une population divisée en deux. Celle des beaux quartiers et de la City qui brasse les affaires d’une capitale devenue la plus importante du monde et s’encanaille la nuit dans les bras des prostituées. Celle les quartiers défavorisés dont celui de Whitechapel, tapis de l’autre côté de la vieille porte d’Aldgate, où règne une insondable pauvreté.
Les comédiens collent parfaitement aux personnages qu’ils incarnent. Le déroulement de l’enquête avec ses fausses pistes, ses rebondissements et l’utilisation des avancées technologiques de l’époque est tellement bien orchestré qu’il tient en haleine jusqu’au dénouement.
Le tueur ne fut jamais identifié, du moins officiellement. Jack l’Éventreur ne serait autre qu’un « gentleman » suffisamment puissant pour que l’on taise son nom. Julien Lefebvre et ses complices se jouent avec talent de cette énigme et de l’époque dans laquelle elle est survenue. M-P. P. Lucernaire 6e.