CENDRES DE CAILLOUX de Daniel Danis. Mise en scène Christian Bordeleau avec Philippe Valmont, Solène Gentric, Marie Mainchin, Franck Jouglas.
C’est une histoire de deuil inconsolable, de maison en ruines, de vie à reconstruire. Clermont dit Cailloux, veuf et père d’une petite Pascale, entreprend, pierre sur pierre, récolte après récolte, de déplier son cœur fripé par le chagrin. Sa fille grandit en témoin de ce père recroquevillé que la douleur abrutit et rend aveugle aux avances de la sémillante Shirley tombée en amour de ce cœur-corps à prendre. Mais il y a Coco, le bon à pas grand-chose, et sa bande de loosers éméchés, et leur stupide pari, et la jalousie opiniâtre. On pourrait espérer un happy end quelque temps entrevu. Les cailloux ont volé dans la mare, les yeux se sont désillés. Mais le cœur mortifié peut s’incendier comme les murs d’une maison, quand la loyauté exige sa livre de cendres.
Pour donner à voir cet univers d’amour frileux ou torride, rêvé, fantasmé, la mise en scène se dépouille de tout artifice, quelques sièges, une table, un jeu de lumières qui met en valeur tour à tour les artisans de ce chœur tragico-comique. Comme une tragédie antique revisitée du côté de Montréal en chronique douce-amère des sentiments, où le suggéré fait pièce à l’exprimé, où la verdeur expansive de Shirley se fait timide devant la pudeur de Valmont, où la fraîcheur de Pascale commente en dansant les chassés-croisés des adultes, où la jalousie agressive et sans illusion de Coco vient troubler le cours des choses amoureuses.
Ce petit fleuve d’émotions est scandé, emporté parfois, par le piano de Geneviève Morissette.
On frémit, on sourit, on rit, on s’attendrit. Un joli moment. A.D. Théâtre de la Boussole 10e.