BIOGRAPHIE : UN JEU de Max Frisch. Mise en scène Frédéric Bélier-Garcia. Avec José Garcia, Isabelle Carré, Jérôme Kircher, Ana Blagojević, Ferdinand Régent-Chappey. Piano Simon Froget-Legendre.
De prime abord, il pourrait s’agir de la répétition d’une pièce. Un changement de réplique, ou de comportement, et la même scène de la rencontre entre Kürmann et son épouse Antoinette, est inlassablement répétée sous la direction d’un metteur en scène, sans pouvoir déceler ce que l’éminent professeur, au sommet d’une vie professionnelle réussie, voudrait ne jamais avoir vécu. Voici pourtant qu’on lui fait grâce de l’opportunité de changer un moment de son existence, celui qu’il considère comme « la plus grosse erreur de sa vie ». Antoinette se prête à l’exercice avec un détachement certain comme si ce désir de changement ne la concernait pas.
Les efforts du metteur en scène, son meneur de jeu, sont vains. Alors Kürmann cherche dans son passé mais il ne peut effacer de sa mémoire aucun des événements qui auraient pu faire dévier le cours de son existence. Et malgré maints atermoiements, le destin est celui qui doit être ou presque...
Qui ne s’est pas demandé une fois dans sa vie : « et si c’était à refaire ? ». Cette question est le point de départ de l’exploration que mène Max Frisch dans ce désir de réécrire sa vie, de détourner le cours d’un événement pour que le destin soit autre.
Dans un bel ensemble, les comédiens se retroussent les manches, déplacent les cloisons et le mobilier au gré des événements revisités et de leur hypothétique changement. José Garcia joue un Kürmann remarquable, pris par son désir de voir se dessiner devant lui une autre vie. Isabelle Carré, excellente Antoinette, se prête au jeu avec un calme olympien, prononçant les mêmes phrases, autant que nécessaire. Et c’est avec le même calme qu’elle décide de sa fin à elle à la dernière minute. Jérôme Kircher, meneur de jeu-psychologue, dose avec art souplesse et rigueur. Ana Blagogević et Ferdinand Régent-Chappey sont partout à la fois, changeant de costumes selon les différents personnages qu’ils incarnent tandis que Simon Froget-Legendre signale sa présence au piano. Une vraie réussite. M-P P. Théâtre du Rond-Point 8e.