AUDIENCE ET VERNISSAGE

Article publié dans la Lettre n° 406
du 7 décembre 2016


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AUDIENCE et VERNISSAGE de Vàclav Havel. Mise en scène Anne-Marie Lazarini avec Cédric Colas, Stéphane Fiévet, Frédérique Lazarini, Marc Schapira.

Audience.
Le bureau d’une brasserie, tonneaux et bouteilles de bière. Le responsable Sladek tente d’entraîner dans sa beuverie un modeste employé Vanek, sobre, discret. De bouteille en bouteille, entre hoquets, bredouillages et besoins incoercibles, l’interrogatoire s’insinue de sourires en menaces voilées et Sladek rêve, avec des allusions égrillardes, de rencontrer une comédienne que connaît Vanek, à qui il fait miroiter les délices, toutes relatives, d’une corvée plus confortable. Mais la promotion aurait un prix que Vanek refuse de payer, celui de la délation à son propre détriment, arguant de ses principes, de sa cohérence, tout en abreuvant une plante qui sombre à son tour dans la déliquescence éthylique…
Derrière la complicité offerte, la bonhomie et les pleurs du pochard, se fait bientôt jour l’atavique haine recuite à l’encontre des « intellectuels » qui, même humiliés, même réduits à des tâches ingrates, mépriseraient les braves bougres du peuple, ourdiraient les complots de leur pouvoir occulte. Et Sladek retourne cuver, Vanek repart vers ses tonneaux à rouler, tandis que l’oiseau roucoule dans sa cage.

Vernissage.
Un appartement au luxe clinquant, aux murs le même tableau décliné sous nombreux formats. Un couple volubile, Michael et Véra y déclament leur goût exquis, leur bonheur sans nuage, leur sexualité épanouie, leur enfant prodige, leur cuisine délicieuse, leur…leur… Si ce n’est que ce petit paradis requiert un témoin, le meilleur ami du couple, Ferdinand Vanek momentanément sorti de sa corvée de brasserie. Ferdinand et sa compagne en ombre portée sont l’objet des critiques ouvertes et des conseils appuyés, mais en toute « amitié » évidemment. Ferdinand est ballotté comme une poupée de chiffon, pris en étau, entre les deux bienheureux de la vie réussie aux dents de carnassiers, et se voit contraint à déguster, siroter, s’emplir les oreilles d’une cacophonie made in Suisse. Point de place pour une éthique personnelle ! Jusqu’à ce que, dans les pleurs et les reproches amers, le bel édifice se craquelle…
De ces deux lieux et moments en apparence disparates, Vanek est le pivot signifiant, témoin peu disert et si dérangeant. La mise en scène en deux espaces met en évidence, avec une grande réussite, cette solidité de l’intellectuel structuré dans ses convictions, face aux tenants apparents d’un pouvoir qui n’a que la violence et la menace pour asseoir une mainmise sans consistance. Le premier duo Sladek-Vanek, puis le trio Michael-Véra-Vanek sont efficacement gestuels, contrastés, drôles et sans répit. On rit beaucoup, dans le grincement d’un malaise sous-jacent, dont la leçon interdit une légèreté facile et indifférente.
A voir et réfléchir. A.D. Artistic Théâtre 11e.


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