ANAÏS NIN, une de ses vies. Écriture et mise en scène Wendy Beckett. Avec Célia Catalifo, Laurent d’Olce, Mathilde Libbrecht, Laurent Maurel.
Est-elle vraiment naïve ? Prude ? La question est posée dès le début de la pièce. Sa robe laisserait à penser qu’elle l’est, collet-monté, coupe ample, le corps bien celé. Jusqu’à ce qu’un des monstres sacrés de la littérature de l’époque, Henry Miller fasse irruption dans sa vie et entreprenne une cour musclée et sans fioriture, à laquelle elle résiste à peine quelques instants. Dès lors, les jupes raccourcissent, genoux et poitrine se dévoilent, le corps se fait lascif, les propos aguicheurs. Au-delà de ses propos sur l’écriture, sur l’amour, le féminisme, le corps d’Anaïs parle tout le temps. Ses réticences, ses émois, ses alanguissements. Ses étonnements surtout racontent les ravages et les délices de l’amour. Amoureuse d’Henry, elle cède aux avances de June, l’épouse. Curieux trio pétri de jalousies diverses. Anaïs tangue entre ses revendications à l’indépendance, les amours qui la submergent, une volonté de travail qui finira par l’emporter. Une véritable école multiple, de l’écriture et de la perversité. Quoi qu’elle puisse en raconter à son psy…
Et quand le père longtemps disparu refait surface, le trouble est à son comble et on s’interroge sur le rôle qu’il aurait joué dans l’enfance et qu’il rejouerait peut-être maintenant.
Dans un décor art déco illustré en vidéo de scènes d’époque, où l’eau et les ponts sont quasi omniprésents, en métaphore des flux qui les submergent, Anaïs et ses comparses brossent avec brio un tableau des années folles où le génie littéraire prend corps, en osmose comme en antagonisme. Anaïs Nin y acquiert les qualités qui feront d’elle une auteure à la fois structurée et sulfureuse.
L’élégance contrastée des costumes féminins, la souplesse des deux comédiennes, le rythme des dialogues soutenu par la musique, tout concourt au charme de cette évocation. A.D. Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet 1er.