AN IRISH STORY

Article publié dans la Lettre n°478 du 1er mai 2019


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AN IRISH STORY de et avec Kelly Rivière.
Le mur du fond est tendu de fils sur lesquels sont suspendues, par pinces à linge, nombre de photos de famille de diverses époques. Un évident appel à la réminiscence. Seule en scène, Kelly s’interroge sur les acteurs de cette saga familiale, dont le « héros » initiateur est manifestement le grand disparu, Peter O’Farrell, son grand-père. Des bribes de récit en sont connues, mais l’oubli, fortuit ou volontaire, de pans entiers de mémoire interdit à l’ensemble de la famille de trouver la paix de la lucidité et de l’acceptation. Dès que le nom de ce grand-père volatilisé est évoqué, les visages se ferment, les bouches se taisent opiniâtrement, l’agressivité jaillit. La petite-fille, Kelly, risquerait de galvauder définitivement sa propre existence, mettant en péril son couple et la survie du lien à son propre enfant. Elle entreprend de soulever la chape des non-dits qui asphyxient une famille frappée par la pauvreté, les fratries prolifiques, l’opprobre des amours et des noces interdites.
Une presque banalité dans le contexte géographique, moral, historique, politique, de l’Irlande face à l’Angleterre des années 30 jusqu’à l’orée du XXIe siècle.
Prenant pour filigrane cette fresque, Kelly emmène sa mère rétive dans un parcours autobiographique et familialement initiatique, d’autant plus truculent qu’il est « trilingue ». Le français y côtoie l’anglais et le gaélique, servis par l’extraordinaire souplesse linguistique de Kelly Rivière, qui se coule dans chacun des nombreux rôles qu’elle endosse et dans les accents qui les caractérisent. Une noria de personnages hauts en couleurs, drôles, spontanés, désarmants de naïveté ou de roublardise, hargneux ou malheureux, coincés dans leurs secrets.
Ah, ces familles que l’on hait, certes, mais que l’on finit souvent par aimer dans leur truculence, grâce au recul indulgent que l’on prend quand se cicatrisent les blessures et, surtout, se délivrent les confidences voilées.
On rit beaucoup, on s’attendrit sur les malheurs ambiants, on acclame à juste titre la magnifique performance de Kelly Rivière. A.D. Théâtre de Belleville 11e.


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