L’AMÉRIQUE N’EXISTE PAS. Texte de Peter Bichsel. Mise en scène Dominique Lurcel. Avec Guillaume van’t Hoff.
C’est l’histoire répétée, en diverses versions, d’une même naïveté, d’un même décalage, d’une même solitude. Le petit homme, qui nous invite dans son univers solitaire, n’a pas de nom et il endosse en même temps le nom de tous ceux qui, comme lui, sont inaptes à l’existence normale des gens normaux. Normalité ? Du moins le croirait-on, du moins le prétendraient-ils, ces tenants de la banalité triomphante. Alors, IL vient enrayer leur mécanique, révélant ainsi l’absurdité d’un monde où ne pourraient pas s’épanouir son originalité, son incrédulité poétique. Il apprend par cœur tout, absolument tout ce qui rythme les trains, puis les escaliers, puis tout ce qui peut se compter. Il invente jusqu’à l’obsession des machines déjà existantes qu’il découvrira lorsque, enfin, il émergera au jour des autres. Il remet en question l’évidence des objets qui encombrent le quotidien, en les entraînant rieusement dans un jeu des chaises lexicales jusqu’à en perdre la maîtrise de son vocabulaire premier. Il refuse l’évidence encombrante de la mémoire, alors il occulte les fenêtres pour pouvoir tout oublier. Il veut se prouver par lui-même que la terre est ronde, il élabore donc un voyage qui tourne au délire de sa préparation minutieuse. Jeu avec les objets, les mots, les voyelles, l’évocation du grand-oncle Yodok. Le monde extérieur préférera n’y voir que folie, plus ou moins douce. De toute façon dérangeante.
Pour donner à voir cette absurdité attendrissante, Guillaume van’t Hoff brasse des phrases, des cartons, des rythmes de plus en plus hallucinés, en les éclairant du sourire de l’enfant qui contemple son propre horizon, de lui seul perçu, parce que seul l’enfant est imperméable, par nature et par poésie spontanée, à l’asphyxie du conformisme. La solitude, toujours... A.D. Théâtre Essaïon 4e.