7 MINUTES de Stefano Massini. Mise en scène Maëlle Poésy avec les comédiens de la Comédie-Française Claude Mathieu, Véronique Vella, Françoise Gillard, Anna Cervinka, Élise Lhomeau, Élissa Alloula, Séphora Pondi et Camille Constantin, Maïka Louakairim, Mathilde-Edith Mennetrier, Lisa Toromanian.
Dans une salle de l’usine textile Picard & Roche, un comité de dix femmes attend le retour de Blanche, son porte-parole, afin de connaître le résultat de l’entrevue entre ses patrons, les repreneurs de l’usine et les partenaires étrangers. Depuis trois heures, Blanche est enfermée avec eux dans la salle de réunion d’où ne provient qu’un silence pesant.
Au loin, on entend le bruit sourd des métiers à tisser que les ouvrières, encore au travail, actionnent. Elles ont voté leur confiance dans ces onze collègues, ouvrières ou employées, pour répondre à la décision qui engagera leur avenir commun.
Ce ne sont pas « 12 hommes en colère » qui attendent mais 10 femmes sur les nerfs, de classes, d’origines et d’âges différents. Au mur, l’horloge égrène les minutes avec une lenteur exaspérante. Une heure passe encore et Blanche est toujours en pour-parler. L’énervement, puis l’angoisse alimentent un certain nombre de suppositions : une réduction du personnel ou celle des salaires. Pire, la fermeture de l’usine.
Enfin leur représentante réapparaît. Elle est accueillie avec un enthousiasme et un soulagement mêlés : pas de fermeture, pas de réduction du personnel. Mais Blanche tient dans ses mains onze lettres distribuées à la toute dernière minute avec le sourire par l’un des hommes en cravate, où est stipulée une « proposition » qu’elles doivent voter unanimement au nom de toutes. Il s’agit d’accepter de réduire de 7 minutes leur temps de pause de 15 minutes. Elles ont une heure pour décider.
La première réaction est unanime : Que sont 7 minutes face au spectre envisagé du chômage ? Elles gardent leur place après tout. Mais Blanche, attelée « au métier à tissus depuis trente ans », émet des doutes. Elle leur demande de réfléchir sur les conséquences du renoncement d’un acquis social certes minime. À 11, elles ont la responsabilité de décider pour les 189 ouvrières qui leur font confiance. La solidarité prime. Dans l’avenir, jusqu’où iront les nouveaux dirigeants dans cette demande insidieusement amorcée qui ressemble à une politique de petits pas, et jusqu’où celle-ci peut-elle se propager ? Et puis, où se place leur dignité dans l’acceptation de ce qui pourrait devenir un marché de dupes ? Le débat est rude. Que voteront-elles ?
Stefano Massini offre une étude affinée sur le cheminement d’un groupe qui doit passer de la réflexion individuelle à une décision commune. La disposition bi-frontale du plateau dynamise la mise en scène de Maëlle Poésy. Celle-ci met parfaitement en lumière l’engagement de ces femmes pour elles-mêmes et pour le collectif. Les comédiennes interprètent avec une belle spontanéité les rôles très équilibrés de ce « thriller social » exclusivement féminin, sans pour autant appartenir toutes à la grande Maison. M-P.P. Comédie-Française - Théâtre du Vieux-Colombier 6e.