DIDON
ET ÉNÉE
Article
publié exclusivement sur Internet après la Lettre n° 319
le
18 décembre 2010
DIDON ET ÉNÉE de Henry
Purcell. Mise en scène Alexandra Lacroix. Direction musicale Benjamin
Fau avec Camille Delaforge (clavecin), Johanne Cassar, Guillaume
Andrieux, Maïlys de Villoutreys, Cecil Gallois, Florent Baffi.
Cet opéra baroque en un prologue et trois actes écrit en 1689 est
le seul véritable opéra de Henry Purcell. En plus de trois siècles
sa renommée n'a pas faibli et il est régulièrement donné sur toutes
sortes de scènes, de l'Opéra Comique (1200 places) au théâtre Mouffetard
(230 places) pour ne citer que la France.
L'argument est tiré de l'Enéide. Didon, fondatrice et reine de Carthage
a juré qu'elle ne se remarierait plus. Echoue alors par la mer Enée,
prince troyen en fuite qui se dirige vers le sol italien afin de
fonder la future Rome. Le cœur troublé par le récit des exploits
de l'aventurier et encouragée par Belinda, sa fidèle suivante, la
reine succombe à ses sentiments et décide d'épouser Enée. C'est
alors que des sorcières malveillantes prétextent le destin pour
rappeler Enée à ses devoirs. Celui-ci prépare son départ puis revient
sur sa décision. Mais Didon ne se laisse pas reprendre par un amour
dont la confiance est à jamais perdue. Cette décision irrévocable
conduit Didon à sa perte puis à celle de Carthage, tandis qu'Enée
accomplit sa destinée.
La compagnie Manque Pas d'Airs, qui nous donne cet opéra,
a subtilement transposé l'argument dans la cantine d'une université
fondée par Didon, directrice émérite et dévouée à son établissement.
L'ordre et le calme y règnent jusqu'à l'arrivée d'Enée, un étudiant
étranger. Belinda et son entourage encourage Didon à céder à la
cour que lui fait Enée. Mais un étudiant pervers manipule ses proches
pour organiser un coup monté destiné à déshonorer Didon.
Cette transposition est très habile. Elle permet des jeux de scènes
originaux comme la présentation par Enée à Didon, avec un projecteur
de diapositives, de ses aventures, ou le repas dans le réfectoire,
ou encore la scène où tous les protagonistes se reposent dans les
vapeurs de bains chauds. La mise en scène est digne d'une pièce
de théâtre et nous pouvons apprécier le talent de ces jeunes chanteurs
qui ont une véritable formation de comédiens tout en ayant déjà
une belle carrière lyrique derrière eux. Nous avons particulièrement
apprécié Johanne Cassar dans le rôle de Didon et Guillaume Andrieux
dans celui d'Enée. Une mention spéciale à Cecil Gallois, contre-ténor,
dans le rôle de l'étudiant fourbe.
Cet opéra est chanté en anglais. Nous pouvons regretter qu'il n'y
ait pas de sur-titrage mais l'argument des cinq « chapitres
» (l'acte II comprend deux scènes) est écrit au fur et à mesure
par les artistes sur deux tableaux noirs (nous sommes dans une université
!).
Le quatuor à cordes et le clavecin de l'époque ont été réduits au
seul clavecin et c'est très bien ainsi dans cette petite salle.
De même les huit personnages du livret original sont réduits à cinq
et ce sont les mêmes qui interprètent le chœur et font les changements
de décors. S'il n'y avait d'un bout à l'autre de la représentation
un bruit d'écoulement d'eau qui couvre parfois le son du clavecin,
notre plaisir serait total. Le public, où l'on comptait beaucoup
de jeunes, était enthousiasmé. R.P. Théâtre Mouffetard
5e. Lien : www.theatremouffetard.com.
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