VINCENZO GEMITO (1852-1929)
Le sculpteur de l’âme napolitaine

Article publié dans la Lettre n°490 du 13 novembre 2019



 
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VINCENZO GEMITO (1852-1929). Le sculpteur de l’âme napolitaine. Abandonné à sa naissance par sa mère, Gemito est adopté par un couple qui a perdu son enfant. Devenue veuve, sa mère adoptive se remarie avec un maçon, ce qui encourage le jeune garçon à se servir de ses mains pendant toute son éducation. D’abord apprenti chez le peintre et sculpteur Emanuele Caggiano, puis chez le sculpteur Stanislao Lista, il entre à l'âge de douze ans à l'école de l’Institut royal des beaux-arts où il se lie d’amitié avec Totonno, Antonio Mancini, qui deviendra un peintre célèbre également. Tous les deux sont fascinés par les œuvres du Musée national de Naples, en particulier par les bronzes de Pompéi mais s’inspirent tout autant de la vie de tous les jours des napolitains de toutes conditions. C’est en ayant son enfance et son adolescence à l’esprit que l’on comprend mieux l’œuvre originale et virtuose de Vincenzo Gemito.
Le parcours commence avec quatre sculptures inspirées par l’image du petit pêcheur napolitain. Elles sont l’œuvre de François Rude, de Francisque Duret, d’Antonin Moine et de Jean-Baptiste Carpeaux. Admirées en leur temps pour leur « naturel », elles n’en sont pas moins des réminiscences de l’Antique et sont bien loin de la réalité, telle que Gemito la représentera vingt ans après Carpeaux avec son fameux Pêcheur napolitain.
Dans la première section, les commissaires nous présentent, à titre d’exemples, des personnages de crèches du XVIIIe siècle et un bronze antique, Cupidon portant une oie. Gemito était fasciné par ces artisans façonnant ces figures avec de la terre cuite, une technique qu’il emploiera toute sa vie, et par ces sculptures en bronze réalisées par la technique de la fonte à la cire perdue.
À dix-sept ans, Gemito crée son premier chef-d’œuvre, le Joueur de cartes, un plâtre patiné, acheté peu de temps après, en 1870, par la Maison royale pour le palais de Capodimonte, aujourd’hui Musée national de Capodimonte où l’exposition sera ensuite présentée. L’année suivante, Gemito, Mancini et d’autres jeunes artistes s’installent dans un cloître abandonné. C’est là que Gemito exécute ces extraordinaires têtes juvéniles dont l’une, le Berger des Abruzzes, est fondue en bronze, le premier bronze de l’artiste.
À l’âge de vingt-et-un an, Gemito reçoit des commandes de portraits. Il sculpte ainsi le buste de Verdi, de passage à Naples, de Morelli, son professeur, et de bien d’autres célébrités. Il continue à en faire à Paris où il présente, au Salon de 1877, le grand bronze de son Pêcheur napolitain, qui scandalise les critiques par son réalisme mais attire la foule des visiteurs. Quatre ans plus tard, Degas subira le même reproche avec sa Petite danseuse de quatorze ans. Durant les trois années passées à Paris où il a retrouvé Mancini et fait venir sa compagne et muse Mathilde Duffaud, une française rencontrée à Naples, Gemito est introduit dans les milieux artistiques par son compatriote Giuseppe de Nittis et surtout par Ernest Meissonier, le peintre le plus célèbre de l’époque, à qui il offrira son grand bronze du Pêcheur napolitain.
En 1880 il revient à Naples. L’année suivante Mathilde meurt, plongeant Gemito dans le désespoir. Il va se réfugier quelques mois à Capri puis, de retour à Naples, il rencontre et épouse Anna Cutolo, qui pose pour Morelli et d’autres peintres et devient sa nouvelle muse. De ses deux femmes, nous avons plusieurs portraits, peints ou sculptés, dont Mathilde souffrante et Anna Mourante extrêmement poignants.
En 1883, son mécène belge, le baron de Mesnil, fait construire pour Gemito une fonderie où il produit, avec l’aide de son beau-père, de splendides fontes à la cire perdue. À cette époque, Gemito reçoit deux importantes commandes pour le roi Umberto Ier, une statue monumentale en marbre de Charles Quint et un énorme surtout de table en argent. Ces commandes prestigieuses sont très éloignées de ses sujets et techniques habituels. Il va à Paris demander conseil à Meissonier et en revient avec une esquisse en cire de Charles Quint dont on voit ici le tirage en bronze. Mais ces projets le perturbent, son état mental commence à s’altérer et il est hospitalisé à Naples. À sa sortie de clinique, il revient à ses sujets de prédilection, les jeunes pêcheurs et les adolescents nus et s’enferme dans une sorte d’exil volontaire.
Durant les trente dernières années de sa vie il continue à travailler, malgré son isolement, et surtout à beaucoup dessiner. Parmi la quinzaine de dessins présentés ici, on remarque surtout Gitane (1885), le Portrait d’Achille Minozzi (années 1910), son plus important collectionneur qui publia dans la presse ses grands dessins, les enfants Bertolini (1914) appartenant à une riche famille de Naples, la Femme au châle (1921) etc. Des artistes comme Giorgio de Chirico et son frère Alberto Savinio remarquèrent ces dessins et leur modernisme.
Enfin, à partir des années 1910, continuant ses recherches plus anciennes sur la sculpture antique (Le Philosophe, 1883 ; Buste de Psyché, vers 1883 ; Narcisse, 1886), Gemito revient par l’orfèvrerie à la tradition napolitaine de la sculpture en argent. Les objets présentés ici comme cette Coupe à la Méduse (1920), Atalante (1925) et surtout ce grand Médaillon à la tête de Méduse (1911) sont de splendides illustrations de son talent.
Une brillante exposition nous faisant connaître un artiste oublié, sauf des napolitains, dans une magnifique scénographie évoquant les ruelles de Naples. Petit Palais 8e. Jusqu’au 26 janvier 2020. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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