VASARELY. Le partage des formes. Alors que les œuvres de Victor Vasarely (1906-1997) étaient omniprésentes dans la vie courante dans les années 1970, il a quasiment été oublié depuis sa mort. Avec plus de 300 œuvres dont 75 tableaux, 59 objets/sculptures et une tapisserie, cette exposition, la première rétrospective consacrée en France à cet artiste, est donc l’occasion de redécouvrir le père de l’Op Art.
Né à Pécs, en Hongrie, Vasarely abandonne des études de médecine pour suivre l’enseignement du Mühely de Budapest, une école conçue sur le modèle du Bauhaus de Weimar. C’est là qu’il découvre l’art abstrait. En 1930 il arrive à Paris et travaille, jusqu’à la guerre, en tant que graphiste pour des imprimeurs et des agences de publicité. La première section de l’exposition, « Les avant-gardes en héritage », rend compte de cette période avec des dessins tels que Catcheurs (1939), la série des « Zèbres » qui annonce les ondes et vibrations de la période cinétique ou encore cette Étude de mouvement (Anneaux-Baleine) (1939) qui préfigure ses constructions avec des cercles imbriqués les uns dans les autres.
Le parcours se poursuit d’une manière tout à la fois chronologique et thématique. Durant les années de guerre, Vasarely est occupé par des lectures scientifiques et il ambitionne de faire une carrière artistique à part entière. L’observation de certains détails du réel, tels des galets à Belle-Isle, des craquelures sur les carreaux de céramique de la station de métro Denfert ou les formes cristallines du village de Gordes lui inspirent des toiles où se manifestent les troubles et étrangetés de la vision. Contrairement à ce que l’on croyait, l’œil n’est pas neutre et peut être trompé par certaines compositions. Vasarely ne s’intéresse pas à la peinture mais à la vision.
Après ces premières toiles en couleurs des années 1950, regroupées sous le titre de « Géométries du réel », nous avons, avec « Énergies abstraites », des toiles et des sculptures en noir et blanc. Comme en photographie, Vasarely joue avec les effets positif/négatif, reprenant ce qu’il avait fait au début des années 1930 avec ses « Zèbres ».
Souhaitant offrir à la planète tout entière un langage visuel universel, « un espéranto visuel » comme le nomment les commissaires, il met au point, à l’orée des années 1960, un « alphabet plastique » constitué d’un lexique de six formes géométriques simples, incrustées dans des carrés de couleur pure. En jouant avec ces formes et ces couleurs, à la manière d’un imprimeur avec les casses de caractères, il obtient toutes sortes d’objets et de tableaux aux formes géométriques.
Cela nous conduit tout naturellement à la section suivante, la « Pop abstraction », où l’on voit comment Vasarely a réussi à démultiplier son œuvre dans les années 1960-1970 grâce à la sérigraphie, aux petites sculptures, aux posters, etc. Ses créations se retrouvent alors sur des couvertures de livres, des pochettes de disques, de la vaisselle, des montres, dans des décors de films… Il est sollicité par Renault pour créer le nouveau logo de la marque, en usage jusqu’en 1992. De même c’est lui qui conçoit, avec son fils, la salle à manger de la Deutsche Bundesbank, à Francfort-sur-le Main. Celle-ci, reconstituée ici, est la principale attraction de cette exposition.
Mais Vasarely ne s’arrête pas aux objets et au mobilier. Il réalise les décors muraux et architecturaux de nouveaux édifices comme l’Université de Caracas, la gare Montparnasse ou la façade de RTL. Des diaporamas nous présentent ces créations qui culminent avec la construction de la Fondation Vasarely à Aix en Provence, prototype de sa « Cité polychrome du bonheur », dont on voit une maquette et des photographies.
A la fin de sa vie, il s’intéresse au cosmos et à ses multiples dimensions, réalisant de grands tableaux où il multiplie les illusions d’optique de la perspective axonométrique, qui rendent réversibles le plein et le creux. Une exposition qui remet à l’honneur un artiste qui connut une renommée mondiale et populaire. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 6 mai 2019. Lien : www.centrepompidou.fr.