VALENTIN DE BOULOGNE. Réinventer Caravage. Valentin est né en 1591 à Coulommiers. Son père est peintre et vitrier et c’est certainement lui qui forma son fils. Nous ignorons tout de sa jeunesse jusqu’à l’année 1614 où nous savons avec certitude qu’il est à Rome, où il est peut-être arrivé dès 1609. Comme pour toute une génération de peintre, son œuvre est marquée par la révolution caravagesque même si Caravage (1571-1610) a quitté la ville en 1606. Il adapte avec son propre tempérament les éléments de ce style caractérisé par le réalisme, un clair-obscur dramatique, la peinture d’après le modèle vivant, des sujets tirés de la vie quotidienne et des scènes d’histoire violente telles que Judith et Holopherne ou David et Goliath.
A partir de 1624, bien que français, il devient membre de la « Bent ». Il s’agit de la confrérie des « Bentvueghels » (les oiseaux de la bande), association de peintres flamands et lorrains qui hantent les tavernes et autres endroits mal famés, où Valentin trouve bon nombre de ses sujets. Peu à peu il devient l’un des peintres les plus en vue de Rome, à l’instar de son compatriote Nicolas Poussin. Tous deux reçoivent la commande prestigieuse d’un retable pour Saint-Pierre. Le sien, présent dans l’exposition, représente le Martyre de saint Procès et saint Martinien, tandis que celui de Poussin représente le Martyre de saint Erasme. Son heure de gloire est malheureusement brève car il meurt brutalement en 1632, à l’âge de quarante et un an, à la suite d’une nuit de beuverie. Son acte de décès le désigne comme « pictor famosus ».
Le parcours de l’exposition adopte un ordre chronologique en huit étapes permettant de suivre l’évolution exceptionnelle de Valentin. Après une rapide présentation de l’artiste, il commence avec « Trouver sa voie ». Nous y voyons des tableaux représentant des Joueurs de cartes et de dés (vers 1615), des Tricheurs (vers 1614), une Diseuse de bonne aventure avec soldats et buveurs (vers 1618-1620) à côté d’un Reniement de saint Pierre (vers 1615-1617) traité de la même façon naturaliste.
La section suivante, « La peinture d’après nature au service de la représentation de l’histoire », nous montre des toiles représentant des sujets classiques tirés du Nouveau Testament, mais traités avec réalisme. Valentin souligne la violence des sujets et prend directement le spectateur à témoin. Parmi les tableaux présents ici nous avons deux représentations de Jésus chassant les marchands du Temple, l’une venant de Rome (vers 1618-1622), l’autre de Saint-Pétersbourg (vers 1627-1629), deux Couronnement d’épines, l’un de New-York (vers 1613-1614) centré sur le Christ, l’autre de Munich (vers 1616-1617) où l’on voit les soldats s’afférer autour de Jésus, un magnifique Christ et la femme adultère (vers 1618-1622) et surtout La Cène (vers 1625-1626) du Palais Barberini, à Rome.
Avec « Les figures isolées : sur la voie de la synthèse », le parcours montre les capacités de Valentin à peindre des figures de saints à partir de modèles vivants, à réaliser une synthèse entre le naturalisme du caravagisme et une forme de classicisme. Saint-Jean Baptiste au désert (vers 1620-1622) est un jeune berger faisant un grand geste du bras, tandis que Moïse avec les Tables de la Loi (vers 1625-1627) est un homme d’âge mûr à la force tranquille. Les figures d’Evangélistes comme Saint Jean, et surtout Saint Matthieu et Saint Marc, ces deux dernières provenant de la chambre du roi à Versailles, sont de magnifiques portraits.
Dans les sections suivantes on admire, avec L’innocence de Suzanne reconnue (1621-1622), la façon originale de traiter le thème habituel de Suzanne et les vieillards. Même composition magistrale avec les deux Jugement de Salomon, l’un de Rome, l’autre du Louvre. Voici une autre Diseuse de bonne aventure (vers 1626-1628) où celle qui abuse de la crédulité des autres se fait dérober son argent ! Avec Le Joueur de luth, nous avons un portrait finement réalisé où tous les détails, comme l’instrument de musique, sont particulièrement soignés.
Dans les années 1624-1630, Valentin n’oublie pas ses premiers sujets. Pour illustrer « Un hymne à la mélancolie » nous avons plusieurs tableaux représentant des musiciens qui semblent perdus dans leurs pensées. La musique est fortement présente chez Valentin qui mêle le répertoire des tavernes et le langage savant de l’allégorie comme dans Les Quatre âges de l’homme (vers 1627-1629).
Le parcours se termine en apothéose avec « A la gloire des Barberini », où sont rassemblées quelques-unes de ses toiles les plus célèbres, commandes de l’homme le plus puissant de Rome, le cardinal Francesco Barberini, neveu du pape Urbain VIII. En face du retable dont nous avons déjà parlé est exposée l’étonnante Allégorie de l’Italie, immense toile peinte en 1628-1629. Entre ces deux œuvres magistrales se trouvent un autre Couronnement d’épines, un Samson méditatif et deux terrifiantes Judith et Holopherne. Une exposition rare, première monographie consacrée à ce peintre très recherché après sa mort, en particulier par Mazarin et Louis XIV, source d’inspiration pendant trois siècles, entre autres pour des peintres tels que David ou Courbet. Musée du Louvre 1er. Jusqu’au 22 mai 2017. Lien : www.louvre.fr.