TINTORET. Naissance d’un génie. A l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Jacopo Robusti, cette exposition rend hommage à ce génie de la peinture vénitienne du XVIe siècle, connu sous le nom de Tintoretto (1518 ou 1519 - 1594), surnom qu’on lui a donné compte tenu de ses origines familiales - son père était teinturier - et de sa petite taille. Avec 57 œuvres dont 40 de Tintoret, seul ou avec son atelier, il ne s’agit pas d’une rétrospective. En effet, les commissaires se sont intéressés aux quinze premières années de la carrière de Tintoret, une période controversée, durant laquelle ce jeune artiste ambitieux déploie tous ses talents pour se faire connaître et s’attirer les commandes d’une clientèle cultivée et influente.
Le parcours en sept sections met donc en évidence les caractéristiques de ces premières années d’activité. Avec « Prendre son envol », nous voyons les toutes premières œuvres de Tintoret qui, à vingt ans, a déjà son atelier. D’une imagination débordante, il s’inspire de ses aînés (Raphaël, Michel-Ange …) et de ses contemporains (Titien) pour produire des toiles très personnelles. Nous en avons un bel exemple avec son plus ancien tableau connu, une Adoration des mages (vers 1537-1538), placée à côté du même sujet peint par son contemporain Francesco da Santacroce (1516-1584). Alors que ce dernier peint une toile convenue, statique, très quattrocento, Tintoret joue avec la taille des personnages, les effets de perspective et nous montre un jeune mage se précipitant sur la sainte famille, son cadeau à la main.
A la recherche de revenus, Tintoret consacre une part de son activité à la peinture de petits tableaux décoratifs inspirés de l’Ancien Testament ou de la mythologie antique. Nous en voyons quelques-uns dans la deuxième section, « Orner les salons », à côté d’œuvres de plus grandes tailles, destinées à des demeures patriciennes. Pour ces dernières il n’hésite pas à casser les prix afin de se faire connaître, ce qui lui vaut l’inimitié de certains confrères ! Ce besoin d’argent se manifeste aussi dans la section suivante, « Capter le regard », où l’on voit des portraits virtuoses dans la technique et sensibles et intenses dans l’expression, dont les modèles n’ont pas toujours été identifiés. Tintoret peint ces portraits pour maintenir son réseau de relations et son train de vie. Il est amusant de noter qu’en dialecte vénitien, ritrar peut signifier deux choses : portraiturer ou tirer profit !
La quatrième section, « Partager l’atelier », fait écho à des controverses de spécialistes sur la paternité de certaines œuvres du jeune Tintoret. En effet, celui-ci partageait son atelier avec un certain Giovanni Galizzi, formé lui-aussi par Bonifacio de’ Pitati. Dans cette salle et la suivante, nous voyons une toile signée par Galizzi et d’autres dont il est probablement l’auteur. En 1554, époque où Galizzi se met à plagier Tintoret, les deux peintres se séparent.
Dans la salle suivante, « Mettre en scène », nous voyons l’intérêt que Tintoret portait à l’architecture et aux mises en scène de théâtre, avec cinq tableaux dont les scènes se passent dans des décors architecturaux complexes comme celui du Christ et la femme adultère (vers 1547-1549). Il en est de même avec la section « Observer la sculpture » où l’on voit comment Tintoret interrogeait la sculpture pour transposer dans ses toiles cette troisième dimension propre à cet art. Il avait une grande collection de moulages de marbres antiques et de petites répliques de sculptures de Michel-Ange, qu’il dessinait de manière à atteindre une vigoureuse plasticité. Entre des sculptures et des dessins, nous pouvons admirer dans cette salle La Princesse, saint Georges et saint Louis (1551), une commande importante pour le siège d’une administration vénitienne, qui contribua à le propulser sur le devant de la scène.
La dernière section, « Peindre la femme » expose les premières toiles qui feront la gloire de Tintoret entre 1551 et 1556. Nous y voyons, entre autres, trois toiles du Prado, provenant d’un ensemble qui comptait sept éléments, mettant en avant des figures féminines de l’Ancien Testament : Judith, Esther, Suzanne. Les femmes jouent à cette époque un rôle très particulier dans l’œuvre de Tintoret qui se positionne en concurrent de Titien. En effet, ce dernier travaille alors pour le roi d’Espagne Philippe II, sur des scènes mythologiques, pleines de nus féminins. Une exposition limpide avec une scénographie remarquable de Véronique Dolfus et des cartels lisibles et intéressants. R.P. Musée du Luxembourg 6e. Lien : www.museeduluxembourg.fr.