Parcours en images et en vidéos de l'exposition

SAM SZAFRAN (1934-2019)
Obsessions d'un peintre

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°558 du 23 novembre 2022



 

Affiche de l'exposition
Sam Szafran
Obsessions d’un peintre


La trajectoire de Sam Szafran n’est comparable à aucune autre. Enfant d’une famille juive polonaise, il a connu pendant la guerre l’ébranlement d’un monde et l’écroulement de l’enfance. La pratique du dessin et de la peinture lui ont offert cet ancrage dans le réel qu’une vie menacée par les dangers de l’Histoire lui avait refusé. En autodidacte, avide de savoir, il a tenu le cap de sa création, retiré dans son propre univers. Dans le secret de l’atelier, Sam Szafran a poursuivi les obsessions dont son œuvre est empli sans détourner le regard. Laissant de côté les débats de son temps, il a choisi la figuration dans une période qui y avait renoncé ou qui l’entraînait dans de tout autres directions. Contemporain des dernières avant-gardes, le peintre s’en est tenu à l’écart tout en les observant avec attention, cultivant un goût pour les techniques passées de mode comme le pastel et l’aquarelle.
Szafran a élaboré un vocabulaire fidèle au regard qu’il portait sur le monde, celui qui l’entourait au plus près : ateliers reflétant ses états psychiques, escaliers en colimaçon devenus labyrinthes,  espaces envahis par la végétation, boîtes de pastels métamorphosées par un jeu de perspective…
Trois ans après sa disparition, cette exposition pose un premier regard sur l’œuvre désormais achevé.

« Sam pour moi c’est l’intelligence acrobatique, le cœur en fusion et la déraison fulgurante »
Henri Cartier-Bresson, 1988.

 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (autoportrait), 1959. Fusain et pastel sur papier, 78 x 58 cm. Paris, Galerie Claude Bernard. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo Galerie Claude Bernard / Jean-Louis Losi.
Scénographie
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (Chou), 1961. Pastel sur papier, 74 x 65,5 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris 2022. © Photo © musée d’Orsay / Sophie Crépy.

Formé aux expressions plurielles de l’École de Paris après la Seconde Guerre mondiale, Szafran trouve sa voie dans le choix de la figuration. Après des essais de peinture à l’huile, le pastel s’impose. Le motif du chou lui donne un prétexte à expérimentation. Légume bon marché présent dans la cuisine juive, il convoque des souvenirs d'enfance aux Halles à Paris.
 
Sam Szafran (1934-2019). L'Atelier, rue du Champ-de-Mars, 1970. Fusain sur papier, 103 x 74 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

Le poète libanais Fouad El-Etr (né en 1942) - directeur de la revue de poésie La Délirante - est un ami proche de Szafran. Il lui rend souvent visite rue du Champ-de-Mars et écrit dans un poème « Il neige dans la chambre ». Szafran a souvent souligné l'importance de la poésie pour son travail. Pour les éditions de La Délirante, il illustre plusieurs recueils de poésie.
 
Sam Szafran (1934-2019). L’atelier de la rue du champ de mars (homme allongé), mars 1970.  Fusain sur papier, 105 x 75. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). L’atelier de la Rue du Champ de Mars (second Orage), 1969-1970. Fusain sur papier, 107 x 75 cm. Collection particulière.

En 1969-1970, Szafran occupe quelques mois un atelier situé rue du Champ-de-Mars, qui lui inspire une des premières séries au fusain. Avec ses tréteaux, chevalets, chaises et cadres, l'atelier nous est montré dans des états de chaos, ravagé par la tempête, inondé par la pluie ou sous des flocons dansants, métaphores de la psychologie changeante de l'artiste.
Scénographie avec tableau chronologique (voir ci-dessous)
 
Chronologie 1934-1951 - Une enfance révoltée

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Chronologie 1951-1960 - Le bouillonnement de Montparnasse

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Chronologie 1961-1980 - Obsessions et séries

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Chronologie 1980-2019 - Consécration

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PARTIE 1 - LE CHAOS APPRIVOISÉ

1 - L'atelier de la rue de Crussol

Scénographie
Le chaos apprivoisé
L’atelier de la rue de Crussol


Les ateliers que Sam Szafran occupe à Paris et celui qu’il achète rue Vincent-Moris à Malakoff forment plus qu’une série ou un sujet. Il s’agit d’un thème qui traverse l’œuvre de l’artiste, au cœur de sa vie quotidienne, jusqu’à devenir un exercice d’introspection. Regardés, scrutés, analysés, ces lieux fournissent les multiples facettes d’une observation qui prend sur le papier et sous le bâtonnet de pastel la forme d’une figuration constamment renouvelée.
L’atelier de la rue de Crussol, petit espace prêté pour un temps par le peintre américain Irving Petlin, se métamorphose en scène de ses créations, qu’il décrit avec précision : « On y trouve les motifs qui deviendront récurrents selon les séries : les châssis retournés le long des murs (ici ceux de Petlin), le tub suspendu en hommage à Degas (La Bassine), le poêle à charbon, élément central de ce décor surréaliste, les boîtes de bâtonnets de pastel et les livres d’échantillons À La Gerbe qui se reflètent inversés, dans la verrière zénithale mal colmatée, la chaise longue capitonnée trouvée chez Madeleine Castaing où repose une figure amie… ».
 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). L’Atelier de la rue Crussol, 1969. Fusain sur papier. New York, Louis-Dreyfus Family Collection.
 
Sam Szafran (1934-2019). Funambule (Philippe Petit), 1969. Fusain sur papier, 79 × 58 cm. Collection Irène et Jacques Elbaz. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

En 1971, le funambule Philippe Petit parcourt sur un fil la distance entre les deux tours de la cathédrale de Notre-Dame à Paris. Il est ami avec Szafran qui le prend comme sujet et que l’on retrouve dans certains pastels de la série de l’atelier de la rue de Crussol. Hantant ses œuvres, l’image de l’équilibriste s’exerçant dans l’atelier fait figure de métaphore de la difficulté du juste équilibre dans son art.
 
Sam Szafran (1934-2019). Intérieur II, L’atelier de la rue Crussol, mai 1972. Pastel sur calque contrecollé sur carton, 119,4 x 81,3 cm. États-Unis, New York (NY), The Metropolitan Museum of Art, New York. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA.

« Les différents états d’ordre et de désordre de cet atelier à travers les onze variations qu’il m’a inspirées – ton général, lumière du jour, lueur de nuit, compositions ordonnées ou déchiquetées – expriment la palette d’émotions vives qui étaient miennes en ce moment, allant de la stabilité relative, sinon de la sérénité, à la colère et au drame passionnel le plus aigu » (Sam Szafran, 2000).
Scénographie
 
Sam Szafran (1934-2019). L’atelier de la rue Crussol, février 1972. Pastel sur calque contrecollé sur carton, 104 x 75 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris 2022. Photo Lala.
 
Sam Szafran (1934-2019). Atelier de la rue de Crussol, février-mars 1972. Pastel sur calque contrecollé sur carton. Collection particulière.


PARTIE 1 - LE CHAOS APPRIVOISÉ

2 - L'imprimerie Bellini

Scénographie
L’imprimerie Bellini

En 1970, Szafran reprend avec des associés une ancienne fabrique de lithographies au 83 rue du faubourg Saint Denis. Y furent imprimées à la fin du XIXe siècle des lithographies des affichistes Steinlen, Chéret et Lautrec, puis des affiches de cinéma. Ce lieu inspire à Szafran une importante série de vues d’atelier, qu'il nomme Imprimerie Bellini en hommage à ce peintre vénitien de la Renaissance.
Contrairement aux ateliers de la rue de Crussol - variations à partir d’un même point de vue, cette série invite le spectateur à arpenter l’espace, petit à petit, du rez-de-chaussée au sous-sol. Avec précision, Szafran se consacre aux verrières et aux presses d'imprimerie, outils, bassins et pierres lithographiques, n’oubliant pas les amis et ouvriers qui accomplissent leur travail.
L’influence du cinéma est perceptible, l’artiste s’appropriant les lieux en fixant comme en travelling différentes perspectives. « Mon premier contact avec l’art a été le cinéma. », confie l’artiste, qui cite parmi ses maîtres à penser les cinéastes Serguei Eisenstein, Orson Welles, ou Alfred Hitchcock.
 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Imprimerie Bellini, 1972-1974. Pastel sur calque contrecollé sur carton, 139 x 98 cm. Collection Irène et Jacques Elbaz. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

La série des Imprimeries Bellini offre une particularité dans l’œuvre de Szafran : elle est plus narrative qu’à son habitude. Au-delà de vues d’intérieurs virtuoses, tant par la composition que par l’usage du pastel dans de si grandes dimensions, ce sont de véritables scènes. Elles témoignent d’une époque et de l’ambiance de travail collectif qui régnait dans cet atelier parisien, mêlant artistes, artisans et machines.
Scénographie
 
Sam Szafran (1934-2019). Imprimerie Bellini, 1972. Pastel sur calque contrecollé sur carton, 139 x 100 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo Galerie Claude Bernard / Jean-Louis Losi.

La série des Imprimeries Bellini offre une particularité dans l'œuvre de Szafran : elle est plus narrative qu'à son habitude. Au-delà de vues d'intérieurs virtuoses, tant par la composition que par l'usage du pastel dans de si grandes dimensions, ce sont de véritables scènes. Elles témoignent d'une époque et de l'ambiance de travail collectif qui régnait dans cet atelier parisien, mêlant artistes, artisans et machines.
 
Sam Szafran (1934-2019). Imprimerie Bellini, 1972. Pastel sur papier, 72,5 x 52,5 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo Lala.

Les œuvres de la série des Imprimeries Bellini décrivent le travail dans un atelier d’estampes sous différents aspects. Certains pastels montrent les machines et les hommes au travail tandis que plusieurs autres mettent au cœur de la composition les boîtes de pastels, technique que Sam Szafran a choisie à contre-courant de son époque. Placés au bas de l’escalier dans la lumière, ils resplendissent comme un trésor.
 
Sam Szafran (1934-2019). L'Escalier Bellini, juillet-septembre 1972. Pastel sur papier. Galerie DIL. Collection Arlette Boumendil. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Imprimerie Bellini, juillet 1972. Pastel sur calque contrecollé sur carton. Collection particulière.


PARTIE 2 - LE VERTIGE DE L'ESPACE - ESCALIERS

1 - L'escalier de la rue de Seine

Scénographie
Le vertige de l’espace – escaliers
L’escalier de la rue de Seine

Le poète Fouad El-Etr s’adresse à Szafran au sujet des dessins qu’il a exécutés au début des années 1970 pour sa revue de poésie : « Prenons le thème de l’escalier par exemple, celui du 54 rue de Seine. Te rappelles-tu le jour où tu es revenu épingler sur les murs mansardés de ma chambre les premiers croquis, comme des squelettes, avec une rampe pour toute épine dorsale, afin d’apprivoiser ce nouveau modèle et de choisir la meilleure mise en page pour illustrer une couverture ? »
L’escalier y est décrit au fusain en suivant assez respectueusement les codes traditionnels de la perspective. Cette œuvre est pourtant devenue le préalable à des expériences formelles toujours plus complexes que l’artiste, presque quarante ans plus tard, place sous le signe du regard : « J’ai toujours pensé, comme Alberto Giacometti le disait, que la réalité est beaucoup plus forte que l’utopie, que le rêve ou le fantastique. Ce qui m’importait c’était moins de réussir une œuvre que de donner la possibilité aux gens de regarder un peu mieux. Le rôle de l’artiste c’était de donner un autre regard, un regard qui permette de voir autrement. »
 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier de la rue de Seine, 1975. Fusain sur papier. Collection Stéphane Dykman.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier, 1974. Fusain, 78 x 58 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier, 1974. Pastel sur papier, 78 x 58 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier de la Délirante, 1973. Fusain sur papier. Collection Fouad et Martine El-Etr.

En 1972, Szafran exécute le dessin d'un escalier situé au 54 rue de Seine. C'est là qu'habite le poète Fouad El-Etr, éditeur de la revue de poésie La Délirante. Pour en illustrer un numéro, il a proposé à l'artiste de représenter le palier devant son appartement. Dessiné ici au plus près du motif, le thème de l'escalier est devenu celui d'une des plus grandes séries de Szafran.
 
Sam Szafran (1934-2019). Le poète (La Délirante), 1967. Fusain sur papier. Collection Irène et Jacques Elbaz.

Ce fusain au sujet énigmatique montre un homme qui marche à grands pas poursuivant sa propre parole. Il est reproduit sur la couverture du premier numéro de la revue de poésie La Délirante (1967-2000), à laquelle Szafran a contribué jusqu’en 1983. Ce dessin est devenu l’emblème de La Délirante.
 
La Délirante N°4-5. Automne 1972, revue de poésie dirigée par Fouad El-Etr, couverture illustrée d’après un dessin de Sam Szafran, tirage à 2250 exemplaires sur papier vergé, 25 x 18, 5 cm. Collection Fouad et Martine El Etr. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. © Betrand Huet / Tutti.
 
La Délirante n°1. Juillet-septembre 1967, revue de poésie dirigée par Fouad El-Etr, couverture illustrée d’après un dessin de Sam Szafran, tirage à 1500 exemplaires sur papier vélin crème, 25 x 18, 5 cm. Collection Fouad et Martine El Etr. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. © Betrand Huet / Tutti.


PARTIE 2 - LE VERTIGE DE L'ESPACE - ESCALIERS

2 - Déformations de la vision

Scénographie

Déformations de la vision

Le motif de l’escalier est au cœur de l’œuvre de Szafran, à la croisée de ses préoccupations formelles, et ancré dans son histoire personnelle. L’artiste se souvient, alors qu’il était enfant, avoir été tenu suspendu dans le vide de la cage d’escalier par son oncle le menaçant de le lâcher. Il souligne d’autre part : « Personne avant moi n'avait fait des escaliers, et moi j'ai toujours vécu dans les escaliers. C'est le côté territorial, physique, la survie, les petites bandes de mômes qui tiennent un territoire. »
Pour rendre les déformations de la vision - point central de ses obsessions, Sam Szafran rompt avec la tradition du dessin perspectif, en distordant l’espace. Il transcrit les sensations du vertige et de la chute en utilisant l’anamorphose et la dynamique en coup de fouet de la «ligne serpentine», empruntée aux peintres maniéristes italiens. Grâce à une technique virtuose, d’abord au pastel puis à l’aquarelle, il cherche à toujours affiner la précision des images formées par son regard.

« On ne pense pas assez aux escaliers. »
Georges Perec, Espèces d'espaces, 1974.

 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier, 1981. Pastel sur papier, 76 x 57,5 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier, 1980. Pastel sur papier. Collection particulière.

Multipliant les escaliers, Szafran se livre à des expériences au travers desquelles il cherche à mettre en lumière les mécanismes de la vision, par la remise en cause des lois de la perspective, héritées de la Renaissance. « Une interprétation vertigineuse, relève-t-il, en illusion d'optique, des perspectives traditionnelles - européenne ou arabe - que je n'ai en vérité jamais apprises ».
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier, 1981-1982. Pastel sur papier. Collection Pierre Boudriot.

Szafran explique comment il procède pour représenter l'espace de la cage d'escalier : « Alors, pour pouvoir faire l'ensemble, je me suis mis à bouger. J'étais obligé de m'identifier à une araignée, qui monte et descend au bout de son fil, dans la cage de l'escalier, qui peut voir par-dessous et par-dessus. Et donc, j'ai commencé à me mobiliser, comme si j'étais une caméra, à bouger, à tourner…».
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre, 1981. Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle, achat 1982, AM 1982-35. © Sam Szafran, ADAGP, Paris 2022. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (Escalier rue de Seine), 1981. Pastel sur papier. Collection Josette, Jean-Claude et Bernard Weill.


PARTIE 2 - LE VERTIGE DE L'ESPACE - ESCALIERS

3 - Paysages urbains

Scénographie
Paysages urbains

«Et puis il y a la rue. De plus en plus, le paysage urbain m’intéresse. Je remarque d’ailleurs qu’en peinture il y a beaucoup de choses à faire, qui n’ont pas encore été faites».
À partir du début des années 1990, l'artiste mène de nouvelles expériences autour de vues d’extérieurs, progressivement apparues par les fenêtres des escaliers qu’il a représentés. Désormais, Szafran utilise presque exclusivement l'aquarelle sur un support de soie, que lui fait découvrir un artiste chinois. Cette technique autorise des compositions de plus en plus grandes où il tente de conjuguer simultanément l’espace, le temps et le mouvement. Comme un tourbillon d’images, les divers fragments du tableau deviennent partie intégrante d’un grand tout en mouvement. Anciens lieux familiers, souvenirs, choses réelles et irréelles, détails anecdotiques ou concrets, sont des éléments qui viennent composer l’œuvre peinte.
 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre, 2012. Aquarelle et pastel sur soie, 244 x 201 cm. Paris, Galerie Claude Bernard. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo © Galerie Claude Bernard / Jean-Louis Losi.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier avec rampe et fenêtre, 1990 – 1992. Aquarelle sur soie, 90 x 118 cm. Collection Irène et Jacques Elbaz. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

Dans l’œuvre de Szafran, l’escalier devient parfois non plus un objet du quotidien mais un objet de contemplation quasi abstrait. L’espace est ici recomposé suivant la rampe qui, détachée de la structure architecturale, prend son indépendance et s’élève en volute dans les airs. Il devient impossible de déterminer le point où se tiendrait le spectateur. Celui-ci se transforme en œil flottant librement dans l’espace.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (Malakoff), 2014. Aquarelle sur soie, 72 x 89 cm. Paris, Galerie Claude Bernard. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo Galerie Claude Bernard / Jean-Louis Losi.

Szafran, grand admirateur de l’écrivain Georges Perec, travaille dans ses paysages urbains des questions comparables à celles qu’énonce l’écrivain : « L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? » Espèces d’espaces, 1974.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier avec Jacques Kerchache, François Barbâtre et l'artiste, 1993. Aquarelle sur soie, 195 x 109 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Escalier, 54 rue de Seine, 1990. Aquarelle sur soie. Collection particulière.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (Escalier), vers 1993. Aquarelle sur soie, 178 x 126,5. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (Rue de Seine, 1997-1998. Aquarelle sur soie. Collection particulière.
Sam Szafran (1934-2019). Carnet de dessins : études d’escalier, fin des années 1970. Crayon de couleur et stylo bille sur papier.
Collection Lilette Szafran.
Sam Szafran (1934-2019). Travaux préparatoires, fin des années 1970. Polaroïds collés sur carton, annotations,
dessin au crayon graphite, 63 x 49 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo © musée d'Orsay / Sophie Crépy.

Vers la fin des années 1970, Szafran se rend équipé d’un appareil Polaroïd au 54 rue de Seine qu’il a déjà abondamment dessiné : « Alors j’ai fait ce que je pouvais en une semaine et à partir de là, j’ai réinventé l’escalier ». Il a constitué ces albums après avoir appris dans l’atelier du peintre Francis Bacon puis lors d’une exposition consacrée à Pablo Picasso qu’ils utilisaient tous deux la photographie.
« Comme j’avais commencé par le cinéma. Je ne savais pas très bien ou je voulais en venir. C’était d’ailleurs très angoissant. C’était après que j’ai commencé à comprendre, pas sur le coup. Sur le coup, c’était intuitif. » L’artiste utilise ces pages comme les photogrammes successifs d’un film décomposé.
Sam Szafran (1934-2019). Album de photos Polaroïds préparatoires, fin des années 1970. Polaroïds collés sur papier, 38 x 65 cm (ouvert). Collection Lilette Szafran. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022. Photo © musée d'Orsay / Sophie Crépy.


PARTIE 3 - L'INVASION DE L'INTÉRIEUR

1 - Serres et feuillages

Scénographie

L’invasion de l’intérieur
Serres et feuillages

Au printemps 1966, le peintre chinois Zao Wou-Ki prête son atelier parisien à Sam Szafran. Le lieu recèle une découverte décisive : « j'ai été absolument incapable d'y travailler : j'étais fasciné par un magnifique philodendron qui resplendissait sous la verrière, et qu'il m'était impossible de dessiner. Cette impuissance était devenue une obsession ». Pendant un demi-siècle, l’artiste a ensuite remis sans relâche sur le métier la représentation de plantes, principalement des philodendrons Monstera et des aralias. Les feuillages sont prétextes à des images foisonnantes, bien que Szafran s’oblige à décrire chaque « individu » précisément.
La prolifération des végétaux sur le papier donne lieu à plusieurs ensembles. Le premier associe pastel et fusain dans un jeu sur le contraste du noir et du bleu, sans lien avec un quelconque naturalisme. Puis vient la série des feuillages bleus, peu abondante, où la feuille elle-même est l’objet de compositions fondées sur la répétition et la multiplication. Seule une présence humaine, surtout celle de Lilette dans son manteau japonais, offre une respiration dans des peintures inextricables.

« Ne cherchez pas d’ordre dans son œuvre : sa cohérence est fortuite comme celle de la nature. »
Arrabal, Le Panique, 1973.

 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Personnage dans la végétation, octobre 1971. Pastel et fusain sur papier, 120 x 80 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). L’Atelier du graveur, 1967. Pastel et fusain sur papier. Collection particulière.  

En 1966, le collectionneur et marchand d'art Jacques Kerchache met à la disposition de Szafran un hangar où son jeune cousin Serge Kantorowicz vient poser. Le jeune homme, qui vient d'être embauché à l'imprimerie de la galerie Maeght, endosse pour Szafran le rôle du graveur, que ce dernier traduit en conjuguant le fusain et le pastel, annonçant les premiers feuillages bleus.
 
Sam Szafran (1934-2019). Végétation à la Besnardière, 1968-1969. Pastel et fusain sur papier. Collection Lilette Szafran.

Claude Bernard, le marchand de Szafran depuis 1965, l'invite régulièrement à travailler en Touraine dans sa maison de campagne, La Besnardière. Dans le jardin d'hiver les premières compositions au fusain et au pastel comprenant philodendrons et aralias voient le jour, laissant apercevoir l'architecture des serres et occasionnellement le portrait de l'hôte des lieux, ou du poète Jean Paget.
 
Sam Szafran (1934-2019). Carnet (études de nus, portraits et autoportraits), vers 1960. 23 dessins au crayon graphite sur papier. Collection Lilette Szafran.
 
Sam Szafran (1934-2019). Carnet (études et retranscription d’un texte de Gustave Courbet). 62 dessins au crayon graphite sur papier. Collection particulière.


PARTIE 3 - L'INVASION DE L'INTÉRIEUR

2 - Feuillages à l'atelier

Scénographie
Feuillages à l’atelier

« Puis il y a un saut dans l’univers du végétal, observe l’écrivain américain James Lord. Des plantes ! Des juxtapositions à l’infini de feuilles avec leur palpitation, leur perfection et profusion à la limite du perceptible, chaque feuille enluminée dans l’air vibrant, avec une précision jardinière. » Pour que ses compositions deviennent encore plus foisonnantes, Szafran envisage des formats de plus en plus importants, qu’il est impossible d’exécuter au pastel. Il se tourne vers l’aquarelle, qui permet des dimensions plus grandes et lui offre une nouvelle voie d’expérimentation technique.
Il n’abandonne pourtant pas le pastel et se lance le défi d’associer les deux au sein de certaines œuvres, jonglant entre le sec et le mouillé. Szafran peint les plantes de son propre atelier, qui dans la réalité et sur le papier, deviennent monumentales. Il ne cesse jusqu’à la fin de sa vie de revenir aux motifs végétaux dans un permanent « clin d’œil à Matisse », qui l’avait précédé dans le goût pour les grandes plantes ornementales dans l’atelier.
 
Texte du panneau didactique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Feuillages, 1986-1989. Aquarelle sur papier, 149 x 99 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.
 
Sam Szafran (1934-2019). Feuillages avec personnage, 1984. Pastel sur carton. Collection particulière.   

La série des pastels bleus de Szafran constitue un ensemble énigmatique et restreint, d'une grande sophistication technique. L'artiste recouvre d'abord une feuille de pastel (n°7261 Roché) broyé puis travaille en transférant la couleur sur le support de la composition. En répétant cette opération, il crée une forêt de feuilles entrelacées : une jungle dense, impénétrable, à l'effet onirique.
 
Sam Szafran (1934-2019). Végétation dans l'atelier, 1980. Aquarelle et pastel sur papier, 106,5 x 75 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

À la fin des années 1970, Szafran commence à travailler à l'aquarelle, une technique dont il se sert à l'origine pour rehausser les gravures réalisées à l'atelier de son ami Piero Crommelynck. Combiner le pastel et l'aquarelle, réaliser une synthèse entre « le sec et le mouillé » comme avant lui Degas, devient un nouveau défi, auquel il se consacre particulièrement dans ses séries de plantes.
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (L’Atelier à Malakoff), 1999. Aquarelle et crayon sur papier. Collection particulière.
 
Sam Szafran (1934-2019). Lilette dans les plantes, 1987. Fusain, aquarelle et crayon sur papier. Collection Lilette Szafran.
Scénographie
 
Sam Szafran (1934-2019). Lilette dans les feuillages (Hommage à Georges Perec), février – août 2003. Aquarelle sur papier, 94 x 149 cm. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

Szafran a souligné l’importance de la poésie et de la littérature pour son travail. Lorsqu'il se trouve dans une impasse, c’est vers les écrivains qu’il se tourne pour trouver une solution plastique. Ainsi, il reprend le credo de Georges Perec : « Il faut regarder le monde en biais, c'est alors qu'il apparaît en grand relief ». Il rend ici hommage à l’auteur d'Espèces d'espaces (1974) – titre qu’il aurait pu faire sien.
 
Sam Szafran (1934-2019). Hommage à Jean-Clair pour son exposition « Cosmos », 2012. Aquarelle, 237 x 318. Collection particulière. © Sam Szafran, ADAGP, Paris 2022. Photo © Musée d’Orsay / Sophie Crépy.

Szafran décrit son hommage à son ami Jean Clair, membre de l’Académie Française, comme « une expérience métaphorique liée à l’exposition que Jean Clair a organisée sur l’idée du ciel, du cosmos, l’idée de l’espace, de la lumière, idée qu’on retrouve dans la peinture au cours des siècles. (…) On retrouve dans ce projet ce que j’aime, à savoir le mélange entre les disciplines, entre les scientifiques et les artistes. »
 
Sam Szafran (1934-2019). Sans titre (Jean Paget dans les feuillages), juillet 1971. Pastel sur calque contrecollé sur carton. Collection particulière, courtesy galerie Claude Bernard.
 
Portrait de Sam Szafran.
 
William Trichter. Sam Szafran dans son atelier, 1981 (extraits) (vidéo)
 
 
Sam Szafran - Bande annonce