ROUX !
De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel

Article publié dans la Lettre n° 475
du 20 mars 2019


 
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ROUX ! De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel. Dans quel lieu pouvait-on le mieux présenter une exposition consacrée au thème de la rousseur et plus précisément à la chevelure rousse ? Assurément, le musée national Jean-Jacques Henner était prédestiné. Il est installé dans un hôtel particulier de la plaine Monceau, construit au XIXe siècle pour le peintre Guillaume Dubufe qui en fit sa demeure et son atelier. En 1921, Marie Henner, nièce du peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905), l’achète et en fait, en 1924, un musée dédié à son oncle. Les trois étages sont utilisés pour l’accrochage, très dense, de quelque trois cents œuvres de Henner, évoquant son itinéraire de son Alsace natale à Paris, en passant par la Villa Médicis, où il a séjourné suite à son prix de Rome, ainsi que son atelier place Pigalle. Ce qui frappe dans ses toiles et ses dessins c’est l’obsession du roux, de tout temps remarquée, pour les chevelures de ses personnages. C’est donc ce caractère emblématique de la peinture de Henner qui motive cette exposition.
Celle-ci se déploie, en cinq sections, à côté des toiles de Henner, dont la quasi-totalité est à sa place habituelle, sur tous les niveaux. Elle rassemble des peintures, croquis de mode, affiches, photographies, dessins, masques, films, soit une centaine de pièces.
Le parcours commence dans le Salon aux colonnes avec la première rousse de Henner, Idylle (1872), accrochée à côté d’autres de ses œuvres comme La Liseuse (1883) ou le portrait de La Comtesse Kessler (vers 1886) et des toiles de peintres ayant représenté des rousses, comme Renoir (Jeune femme à la rose, 1918-1919), Edgard Maxence (Femme à l’orchidée, vers 1900), Carolus-Duran (Lilia, 1889) ou Charles Maurin (Composition, vers 1892). Cette salle s’ouvre sur le Jardin d’hiver et sa verrière où sont présentées des reproductions et illustrations d’œuvres littéraires du XIXe siècle ayant des rousses comme icônes (par exemple Nana de Zola). On y voit aussi des photographies de rousses prises par Geneviève Boutry et un documentaire de Géraldine Levasseur, Dans la peau d’une rousse (2012). L’une des femmes rousses interrogées dans ce film explique que, sans être connue, quand elle entrait quelque part, tout le monde la regardait. C’était la même chose pour Sonia Rykiel qui est évoquée au premier étage.
A l’occasion du quarantième anniversaire de la maison Rykiel, sa fille Nathalie a demandé secrètement à trente couturiers de créer des silhouettes illustrant la femme Rykiel. Nous voyons ici les « robes hommage » de Castelbajac, Gaultier et Margiela.  À côté de ces robes, nous avons des masques tatanua de Papouasie Nouvelle-Guinée et des portraits d’indiens avec des crêtes rousses. En effet cette couleur incarne aussi bien la sauvagerie que la séduction, le drame et la vitalité.
À l’étage au-dessus, une petite pièce rassemble des sanguines de Henner et les croquis au feutre réalisés pour les robes hommage vues précédemment. Henner avait une prédilection pour la sanguine qui lui permettait de mettre en valeur les chevelures flamboyantes de ses personnages comme Andromède, Judith ou La Vérité.
La quatrième section, au même étage, est consacrée à l’imaginaire autour du roux et ses multiples aspects. Étant peu nombreux (moins de 2% de la population), les roux pouvaient susciter aussi bien la fascination que la répulsion. Les roux étaient considérés comme des traîtres violents et les rousses comme des sorcières luxurieuses ! Le héros de Jules Renard, « Poil de Carotte », était l’objet de sévices. A l’inverse, de nombreux héros, comme Peter Pan ou Tintin, sont roux. À côté de ces personnages de bandes dessinées, nous avons des affiches anciennes pour des marques comme le Cachou Lajaunie, le vin Mariani, l’encre L. Marquet ou Les Folies-Bergère.
Dans la dernière section, dans le grand atelier du troisième étage, on se pose la question « Pourquoi tant de roux ? », dans l’œuvre de Jean-Jacques Henner. Et c’est vrai que les murs sont couverts de tableaux de toutes tailles où non seulement les nus féminins sont roux pour la plupart d’entre eux mais le Christ aussi est roux ! Dans ce dernier cas, Henner n’était pas le premier peintre à représenter le Christ avec ce type de chevelure. Manet et Gauguin l’avaient précédé. Si les personnages de Henner sont pour la plupart roux, ses modèles ne l’étaient pas nécessairement et il demandait à certains de venir avec une perruque rousse. Ce qui est sûr c’est que le roux, en apportant du rouge à la toile, met en valeur les personnages et permet de trancher avec d’autres couleurs, comme le vert. Outre l’opportunité de visiter le musée Jean-Jacques Henner, cette exposition nous permet donc d’aborder le roux des chevelures d’une manière complète et variée. Une vraie réussite. R.P. Musée national Jean-Jacques Henner 17e. Jusqu’au 20 mai 2019. Lien : www.musee-henner.fr.


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