Parcours en images de l'exposition
REVOIR WATTEAU
Un comédien sans réplique, Pierrot, dit le Gilles
avec des visuels
mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue
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Titre de l'exposition |
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Entrée de l'exposition.
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Jean-Baptiste Pater (1695-1736). Réunion de comédiens italiens dans un parc, vers 1725-1730. Huile sur bois. Londres, Lent by His Majesty King Charles III from the British Royal collection.
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Scénographie. |
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Antoine Watteau. Pierrot, dit autrefois le Gilles, vers 1719. Huile sur toile, 184 × 155 cm. Paris, musée du Louvre département des Peintures. © RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Mathieu Rabeau.
Pour cette composition énigmatique, dont aucun contemporain de Watteau ne fait jamais mention, le peintre adopte certains codes des grandes toiles peintes publicitaires disposées à l'entrée de théâtres dans les foires parisiennes. Un Pierrot grandeur nature apparaît immobile et muet tandis que, derrière lui, des personnages comiques semblent mener une intrigue mystérieuse. La toile a peut-être été exécutée vers 1719, l'année où la Comédie-Française a fait interdire toutes les représentations des compagnies de théâtre se produisant dans les foires dont Pierrot était le personnage vedette.
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Cartel destiné au jeune public.
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Commentaires sur les personnages du tableau (voir ci-dessous). |
Pierrot, bien que créé par la troupe de la Comédie-Italienne, est le personnage vedette du théâtre de la Foire au début du 18e siècle. Ce gentil naïf, bon vivant, apparaît ici particulièrement figé et muet. En 1719, le Comédie-Française avait fait interdire les représentations du théâtre de foire.
Crispin est le personnage comique vedette de la Comédie-Française et n’apparaît pas normalement sur scène avec Pierrot. Watteau a peint cette figure ironique d'après ses propres traits. Crispin, qui ricane en regardant les spectateurs, semble se réjouir de l'immobilité forcée de Pierrot.
L’Âne sur lequel est monté Crispin est un animal traditionnellement assimilé à la bêtise. L'animal apparaissait parfois dans des scènes de comédie.
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Ce Terme, statue d'ornement sans bras ni jambes, présente une tête de faune aux oreilles pointues. Cette divinité de la mythologie grecque était assimilée à l'univers de la comédie. Watteau l’associe souvent au personnage de Pierrot.
Ce Personnage doté d'une curieuse coiffe «à crêtes» est probablement Momus, dieu de la moquerie dans la mythologie romaine. Ce personnage ironique, qui apparaît surtout sur la scène du théâtre de la Foire, est assimilé au registre de la raillerie et de la folie «douce».
Les Deux Personnages arborent des costumes aux couleurs vives qui évoquent le répertoire du théâtre comique, mais sans qu'on puisse les identifier précisément. Ils sont peut-être deux amoureux de la comédie.
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Panneau didactique. |
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Panneau didactique. |
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Antoine Watteau. La Partie quarrée, 1714. Huile sur toile, 50 × 63 cm.
San Francisco, The Fine Arts Museum, Museum Purchase, Mildred Anna Williams Collection.
© Photo Joseph McDonald. Courtesy of the Fine Arts Museums of San Francisco.
Contrairement à celles de Gillot, les œuvres de Watteau rassemblant des personnages du théâtre comique ne représentent pas des scènes de comédies précisément identifiées. Dans un élégant jardin un peu à l'abandon, les comédiens se sont isolés pour une réjouissance à quatre, «une partie quarrée». Mais Pierrot, à qui l'on n'a pas laissé de place sur le banc, semble maladroit et mis à l’écart. |
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Karel Dujardin. Les Charlatans italiens, dit aussi Les Comédiens italiens, 1657. Huile sur toile, 45 × 52 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. © GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Tony Querrec.
Le peintre a fixé l'apparence d'une des troupes italiennes itinérantes du 17e siècle. Les acteurs interprètent des comédies burlesques improvisées en plein air sur des tréteaux rudimentaires et avec une simple toile peinte suspendue comme support de publicité. On retrouve les personnages fétiches de ce répertoire avec leurs costumes extravagants: Matamore (représenté sur la toile peinte), Scaramouche (en noir), Polichinelle (derrière le rideau) et Arlequin (à la guitare).
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Cartel destiné au jeune public.
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Marcel Carné (1906-1996), réalisateur, Jacques Prévert (1900-1977), scénariste. Les Enfants du paradis, 1945. Film, 182 minutes (2 extraits d'une durée totale de 3 min).
Le film Les Enfants du paradis raconte l'histoire du mime Jean-Gaspard Deburau (1796-1846), qui a transformé le personnage de Pierrot au début du 19e siècle. Une scène semble inspirée du tableau du Louvre et présente une parade, petite représentation donnée devant le théâtre pour attirer le public, où un acteur muet et immobile en costume de Pierrot est moqué par les autres comédiens. |
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Cartel destiné au jeune public.
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1 - Pierrot et le théâtre comique au temps de Watteau
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Scénographie
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Au début du XVIIIe siècle, le théâtre comique est représenté à Paris par différentes troupes qui se livrent une concurrence acharnée. Les deux troupes officielles ont chacune leurs personnages vedettes : Crispin, le valet manipulateur, triomphe à la Comédie-Française alors que les serviteurs bouffons Arlequin et Pierrot jouent pour la Comédie-Italienne. Cette dernière est toutefois interdite entre 1697 et 1716. Entretemps, les compagnies privées qui jouent un répertoire burlesque, parfois mimé, pendant les foires parisiennes, remportent un grand succès en empruntant Pierrot et Arlequin, mais leur activité est souvent empêchée voire interdite par les troupes officielles. Le «théâtre de la Foire», saisonnier, offre des parades représentées sur des tréteaux en extérieur pour attirer le public dans les salles. De nombreuses gravures font alors la publicité de ces spectacles très populaires. |
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Texte du panneau didactique. |
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Entourage de Claude Gillot (1673-1722). Le Tombeau de maître André: Arlequin soldat gourmand, vers 1709-1712. Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des Peintures.
Gillot s'était spécialisé dans la représentation de pièces célèbres de la Comédie-Italienne. La toile représente une scène du Tombeau de maître André, pièce créée en 1695. Arlequin (en habit multicolore) profite de la querelle opposant Mezzetin (en rose) et Scaramouche (en noir) pour boire une bouteille de vin que ses compagnons se disputent. Pierrot (en blanc) s'est interposé entre les adversaires. L'image utilise les poncifs de la scénographie théâtrale de l'époque: le plancher de la scène et un décor citadin probablement peint sur une toile de fond. |
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Scénographie |
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Bernard Picart. Arlequin, vers 1696. Plume et encre noire, lavis gris, rehauts de blanc, 12 × 8 cm. Paris, musée du Louvre, département des Arts Graphiques, Recto. © 2009 Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn, / Suzanne Nagy.
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Gérard Edelinck (1640-1707), d'après Théodor Netscher (1661-1728). Crispin [portrait de l'acteur Raymond Poisson, créateur du rôle], 1682. Eau-forte et burin. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild.
Watteau s’est souvenu, au moment de la conception du Pierrot du Louvre, de cette gravure d'après un célèbre portrait de l'acteur Poisson (1630-1690), créateur du personnage de Crispin. La peinture s'inspire de la disposition asymétrique des arbres de part et d'autre de la figure principale, placée sur un tertre, devant un horizon très bas. Watteau a repris sur sa toile, en l’inversant, la tête de Crispin avec sa calotte noire et son large col blanc. |
2 - Watteau et le théâtre
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Scénographie
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Originaire de Valenciennes, le peintre Antoine Watteau (1684-1721) s’installe à Paris vers 1702. Son intérêt pour l’univers du théâtre, qui semble très précoce, est conforté par sa collaboration, datée vers 1705-1709, avec Claude Gillot qui s’est spécialisé dans les représentations des scènes de la Comédie-Italienne. Watteau développe par la suite une production personnelle où le répertoire théâtral comique tient une place importante. On a par ailleurs conservé des autoportraits où le peintre semble se représenter selon les codes de la comédie. Ce choix est singulier à une époque où le statut social des comédiens demeure assez peu valorisé.
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Texte du panneau didactique. |
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Claude Gillot et un collaborateur (Antoine Watteau ?). Arlequin empereur de la lune, vers 1707-1709. Huile sur toile, 65 × 82 cm. Nantes, musée d’Arts de Nantes. © Musée d'arts de Nantes / Cécile Clos.
La comédie Arlequin empereur dans la Lune est créée par les comédiens italiens en 1684. La scène présente Arlequin qui apparaît dans une carriole appelée à de multiples transformations comiques pour berner le docteur (en costume noir à gauche). La peinture reprend avec des variantes une composition gravée d’après Gillot (présentée à côté). On sait que Watteau a produit un dessin pour cette composition et on lui attribue l'exécution d'une partie de la présente peinture. |
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Benoît Audran (1698-1772) d'après Antoine Watteau (1681-1721). Buste d'homme riant, dit aussi Portrait de Watteau dessiné par lui-même dans son lit, vers 1727. Burin et eau-forte. Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et Photographies.
Réalisée d’après un dessin aujourd’hui disparu, cette gravure a été parfois identifiée, dès le 18e siècle, comme un autoportrait tardif de Watteau alité et probablement déjà malade. Le peintre meurt en 1721, probablement de la tuberculose. Les traits fins sont identiques aux quelques portraits assurés de l'artiste. Le personnage de Crispin, représenté en bas à gauche sur le Pierrot du Louvre, arbore ce même visage au sourire moqueur. |
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Louis Crépy d’après Antoine Watteau. Autoportrait d’Antoine Watteau, vers 1727. Burin et eau-forte, 22,2 × 13,5 cm. Paris, BnF, département Estampes et photographie. © Bibliothèque nationale de France.
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Gabriel Huquier (195-1772) d'après Claude Gillot (1683-1722). Arlequin empereur dans la Lune, vers 1730. Eau-forte et burin.
Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographies.
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3 - Watteau et la conception du Pierrot
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Scénographie
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Le Pierrot du Louvre est un tableau mystérieux. Les circonstances de son exécution sont inconnues et son sujet est difficile à décrypter. On a supposé, sans preuve, que la toile avait servi d’enseigne pour un café tenu par un ancien acteur spécialiste du rôle de Pierrot ou de publicité pour un spectacle de théâtre de foire. Son attribution à Watteau est parfois discutée et l’œuvre, en effet, se distingue, par son grand format, des autres peintures du maître. Pourtant la représentation frontale et symétrique du Pierrot, «droit comme un i», est probablement une invention de Watteau. Certains éléments singuliers de la composition apparaissent dans d’autres œuvres du maître tels que la sculpture à tête de faune ou l’association surprenante de Pierrot avec le personnage de Crispin. Le style et la qualité exceptionnelle de l’exécution plaident pour l’attribution à Watteau.
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Texte du panneau didactique. |
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Antoine Watteau. L’Amour au théâtre italien, vers 1716-1717 ? Huile sur toile, 37 × 48 cm. Berlin, Gemäldegalerie. © Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie Jörg P. Anders. Marque du Domaine Public 1.0 universel.
Autour d'un Pierrot joueur de guitare, Watteau a rassemblé les principaux personnages de la Comédie-Italienne qui semblent saluer à la fin d'un spectacle donné de nuit dans un élégant jardin. Le tableau a un pendant présentant des acteurs de la Comédie-Française. Watteau a peut-être peint cette paire, confrontant les deux troupes officielles, au moment où les comédiens italiens sont autorisés à revenir jouer à Paris en 1716.
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Antoine Watteau. Pierrot content, vers 1712-1713 ? Huile sur toile, 35 × 31 cm. Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza. © Museo Nacional / Thyssen-Bornemisza.
Dans un jardin idéal, propice à la fête, quatre personnages en costume de théâtre comique écoutent une joueuse de guitare. Pierrot apparaît au centre de la toile et indifférent aux relations qui se nouent entre les couples autour de lui. Watteau reprend et simplifie ici la composition d'un tableau, aujourd'hui perdu, mais connu par la gravure, Les Jaloux, qui lui a valu son agrément auprès de l'Académie royale de Peinture en 1713. |
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Antoine Watteau (1684-1721), retouché par Charles Louis Simonneau (1645-1728). Les Habits sont italiens, vers 1720. Eau-forte et burin. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild.
Cette gravure est l’une des très rares estampes originales exécutées par Watteau. Elle a été retouchée ensuite par le graveur Simonneau. La composition, rassemblant des comédiens italiens dans un paysage et un Pierrot figé, semble annoncer le tableau du Louvre. On retrouve aussi la sculpture à tête de faune qui symbolise la comédie. Le poème gravé sous l'image oppose avec ironie les répertoires comiques français et italiens. |
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Antoine Watteau. La Coquette, vers 1713. Pierre noire, gouache et aquarelle, 21 × 42 cm.
Londres, The British Museum. © The Trustees of the British Museum. |
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Antoine Watteau. Les Comédiens italiens, 1720. Huile sur toile, 64 × 76 cm. Washington, National Gallery of Art. CCO Courtesy National Gallery of Art.
Watteau a peint ce tableau au cours d’un séjour à Londres vers la fin de sa vie. À l'époque, beaucoup d'acteurs français s'étaient réfugiés en Angleterre après que la Comédie-Française ait fait interdire les spectacles du théâtre de la Foire en 1719. Parmi les personnages comiques que Watteau a rassemblés sur scène, on reconnaît deux vedettes du répertoire de la foire: Pierrot, au centre, et Momus, dieu de l'ironie, en bas à gauche. |
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Cartel destiné au jeune public.
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4 - La Restauration de Pierrot
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Scénographie
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Chef-d'œuvre des collections de peintures françaises du musée du Louvre, le Pierrot de Watteau a récemment fait l'objet d'une campagne de restauration. Menée entre 2022 et 2024, sous la direction du département des Peintures du musée du Louvre, elle a été coordonnée par Clarisse Delmas (Centre de recherche et de restauration des musées de France) et réalisée par Jean-Pascal Viala et Luc Hurter (toile et châssis) et par Bénédicte Trémolières (couche picturale). À l’origine, l’œuvre était de plus grandes dimensions (peut-être 15 centimètres supplémentaires en largeur et 20 centimètres en hauteur environ). La toile a été découpée, probablement à la fin du 18e siècle, au moment où elle a été retendue sur son châssis actuel. Une étude de 2007 a montré que des bords peints originaux avaient été rabattus sur le châssis à droite et à gauche et dissimulés par du papier kraft. La restauration de 2022-2024 les rend visibles et confère à l'œuvre un format plus important en largeur (6 centimètres supplémentaires). Ces opérations de restauration ont aussi permis d'intervenir sur les vernis et les repeints altérés afin de rendre à l'œuvre tout son éclat.
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Texte du panneau didactique. |
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En regardant attentivement la surface picturale, on peut voir des craquelures longilignes. |
5 - La postérité des Pierrot de Watteau au XVIIIe siècle
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Scénographie
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Après 1720, la vogue du personnage de Pierrot décroît sur la scène parisienne. En revanche un nouveau personnage comique triomphe, jusqu’à la fin du siècle, dans les parades devant les salles de théâtre: «Gilles». Portant un costume blanc identique, c’est un dérivé altéré de Pierrot: valet grossier et voluptueux, souvent meneur d’intrigues au détriment de son maître Cassandre. Même si le tableau aujourd’hui au Louvre semble inconnu pendant le XVIIIe siècle, les peintres français vont pourtant continuer de s’inspirer du personnage de Pierrot tel que Watteau en avait codifié l’apparence. Il s’agit tout d’abord des artistes qui furent proches du maître de Valenciennes: Jean-Baptiste-Pater ou Nicolas Lancret. Dans les années 1780, Fragonard peint un charmant portrait d’enfant costumé en Pierrot où persiste le souvenir de Watteau.
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Texte du panneau didactique. |
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Antoine Watteau. Pierrot, vers 1717. Sanguine, pierre noire et craie blanche, 24 × 16 cm. Haarlem, Teylers Museum. © Teylers Museum. |
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Jean Honoré Fragonard. Pierrot, vers 1780-1785. Huile sur toile, 60 × 50 cm. Londres, The Wallace Collection. © Wallace Collection, London, UK. Bridgeman Images.
Vers la fin du 18e siècle, le personnage de Pierrot est souvent associé aux spectacles de marionnettes destinés aux enfants. Le tableau témoigne de cette vogue, mais rend aussi hommage à l'univers comique de Watteau, dont Fragonard était un grand admirateur. |
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Nicolas Lancret. Les Acteurs de la Comédie-Italienne, vers 1725. Huile sur bois, 26 × 22 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. © GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle.
Lancret a collaboré avec le dessinateur Claude Gillot (1673-1722) et probablement aussi avec Watteau. Ce tableau, peint peu de temps après la mort de ce dernier, s'inspire de ses compositions comiques telles que Les habits sont italiens. |
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Attribué à Antoine Watteau (1684-1721) et à Jean-Baptiste Pater (1695-1736) ? et un collaborateur anonyme. Les Comédiens italiens, vers et après 1720 ? Huile sur toile. Los Angeles, The J. Paul Getty Museum.
Ce tableau a probablement été exécuté par plusieurs artistes. La figure de Pierrot reprend et modifie un dessin de Watteau (présenté à proximité). Le tableau a été achevé, peut-être après la mort du peintre, par un ou des artistes qui se sont peut-être inspirés du Pierrot aujourd'hui au Louvre. |
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Simon François Ravenet (1706-1774) d'après Jean-Baptiste Pater (1695-1736). La Marche comique, 1739. Eau-forte et burin. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild.
Cette gravure reproduit un tableau de Jean-Baptiste Pater, qui a brièvement collaboré avec Watteau. La composition reprend des éléments du Pierrot du Louvre, comme le personnage à coiffe de fou ou le buste à tête de faune. Toutefois le sujet est moins énigmatique: des comédiens ambulants saluent leur public pendant que Pierrot présente son chapeau pour recevoir des pièces de monnaie. |
6 - La découverte du « Gilles »
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Scénographie
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La première mention certaine du Pierrot aujourd’hui au Louvre remonte à 1826. Le tableau fait alors partie de la collection privée de Dominique-Vivant Denon (1747-1825), ancien directeur du Louvre. Le tableau est aussitôt désigné comme un chef d’œuvre de Watteau et est intitulé le «Gilles» en référence au personnage des parades très en vogue durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dès lors la peinture, plusieurs fois présentée dans des expositions, devient progressivement très célèbre jusqu’à son entrée dans les collections du musée du Louvre en 1869, grâce au legs du docteur Louis La Caze (1796-1869). À la fin du XIXe siècle, sa notoriété considérable inspire même des romans ou des spectacles musicaux.
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Texte du panneau didactique. |
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Gilles Margaritis (1912-1965) et Georges Croses (1918-1992). Marcel Marceau dans le rôle du Gilles de Watteau, 1957, 2 min 20 s. Institut National de l'Audiovisuel.
Le célèbre mime Marcel Marceau (1923-2007) a joué ce sketch pour la télévision française. Il y interprète le personnage principal du Gilles qui s'échappe du tableau exposé dans la Grande Galerie du musée du Louvre. |
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Adrien Marie (1848-1891). Opéra-Comique. - Joli Gilles. Illustration publiée dans Le Théâtre illustré, 10 octobre 1884.
Paris, Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle.
L'opéra-comique Joli Gilles, créé à Paris en 1884, est un ouvrage lyrique léger entièrement inspiré du Gilles de Watteau. Les illustrations de l’époque montrent bien que les costumes et les attitudes sont repris du célèbre tableau du Louvre. |
7 - L’évolution du personnage de Pierrot au XIXe siècle
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Scénographie
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À partir des années 1820, le personnage de Pierrot est profondément transformé par un acteur de génie: Jean-Gaspard Deburau (1796-1846). Voué au théâtre intégralement mimé, la pantomime, celui-ci modifie le costume et le caractère du personnage. Sa silhouette, plus fine et perdue dans un blanc costume trop vaste, paraît androgyne. Sa personnalité, plus rêveuse et sérieuse, même dans les situations les plus comiques, peut devenir inquiétante et même aborder le registre du drame et de la tragédie. L’évolution du personnage est parallèle à la découverte progressive du «Gilles» de Watteau. Les deux s’influencent réciproquement. L’interprétation du tableau est infléchie par les textes et les spectacles consacrés au Pierrot. L’iconographie (peinte, gravée ou photographiée) du personnage, en retour, s’élabore en réaction au chef-d’œuvre du Louvre.
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Texte du panneau didactique. |
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Alcide Joseph Lorentz (1813-1889). Tournachon, Nadar j[eu]ne et Cie, artistes photographes... (1856). Lithographie [affiche]. Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et Photographies.
Cette affiche reprend un des clichés de la série de portraits photographiques du personnage de Pierrot interprété par Charles Deburau (1829-1873), fils de Jean-Gaspard Deburau (1796-1846). Cette série a été exécutée par le photographe Adrien Tournachon, dit Nadar jeune (1825-1903). À partir du milieu du 19e siècle, Pierrot devient un véritable support de publicité pour les produits les plus divers.
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Adrien Tournachon. Pierrot surpris, 1854-1855. Photographie, 28 × 21 cm. Paris, BnF, département Estampes et photographie. © Bibliothèque nationale de France.
Probablement à l'initiative de son frère Félix Tournachon, dit Nadar (1820-1910), Adrien Tournachon exécute une série photographique consacrée au personnage de Pierrot, interprété par l'acteur Charles Deburau (1829-1873), fils de Jean-Gaspard Deburau (1796-1846), le célèbre comédien réformateur du rôle. La posture choisie pour la photographie, exprimant la surprise, s'inspire probablement de l'attitude de la figure principale du Gilles de Watteau.
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Cartel destiné au jeune public.
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Cartel destiné au jeune public.
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Atelier Nadar [Paul Nadar]. Sarah Bernhardt dans «Pierrot assassin», pantomime de Jean Richepin, 1883. Photographie, 35 × 25 cm. Paris, BnF, département Estampes et photographie. © Bibliothèque nationale de France.
La grande tragédienne Sarah Bernhardt (1844-1923) interprète en 1883 le rôle-titre de la pantomime Pierrot assassin. La pièce accentue la dimension tragique et meurtrière du personnage dont l’androgynie est renforcée par l'incarnation de la comédienne. La photographie exécutée à cette occasion s'inspire à la fois de la célèbre série des Pierrots par Adrien Tournachon (1825-1903) et du Gilles du Louvre dont étaient repris le costume et l'attitude. |
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Cecil Beaton. Greta Garbo en Pierrot, 1946. Tirage photographique, 24,5 × 19,6 cm. Londres, National Portrait Gallery. Vogue. © Condé Nast.
En 1946, Cecil Beaton exécute une série de clichés de la star hollywoodienne Greta Garbo (1905-1990) costumée en Pierrot. Il y rend hommage à la fois aux photographies de Charles Deburau (1829-1873) par Adrien Tournachon (1825-1903) et au portrait de Sarah Bernhardt (1844-1923) en Pierrot photographiée par Paul Nadar (1856-1939). |
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Thomas Couture (1815-1879). Souper à La Maison d'or, vers 1855. Huile sur toile. Compiègne, Musée national du château de Compiègne.
Cette peinture est l’esquisse pour un modèle de papier peint présenté avec succès lors de l'Exposition universelle de Paris en 1855. Le titre fait allusion à un célèbre restaurant où venait se divertir la jeunesse dissipée de l’époque. L'artiste s'est probablement représenté sous les traits du jeune homme hagard en costume de Pierrot qui veille sur ses compagnons de débauche. |
8 - La modernité de Pierrot
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Scénographie
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La modernité de Pierrot
Aux XXe et XXIe siècles, le personnage de Pierrot ainsi que le tableau de Watteau, qui est régulièrement mis en valeur dans les salles du Louvre, demeurent une importante source d’inspiration pour les artistes. Les domaines du théâtre et du cinéma, avec les spectacles du Mime Marceau ou le film Les Enfants du paradis par exemple, prolongent la veine dramatique et poétique de l’interprétation du personnage. Les peintres relèvent régulièrement le défi de la représentation du «grand losange blanc qui se détache sur le ciel» du tableau de Watteau. Picasso, Derain, Gris, Rouault ou Jean-Michel Alberola se sont successivement emparés de la figure principale du tableau pour la transcrire selon leur lecture personnelle, entre vision tragique, déconstruction ludique ou effacement énigmatique.
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Pablo Picasso. Paul en Pierrot, 28 février 1925. Huile sur toile, 130 × 97 cm. Paris, Musée national Picasso, Paris. Dation Pablo Picasso. © Succession Picasso 2024 / Photo. © GrandPalaisRmn (musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.
Picasso a très fréquemment représenté le personnage de Pierrot dont il a fait un symbole de la condition, souvent précaire, des artistes. En 1926, il peint son propre fils Paul, âgé de 4 ans, dans un costume et une attitude qui évoquent le célèbre tableau de Watteau au Louvre. La pose espiègle de l'enfant semble toutefois plus dynamique et déterminée. Le masque qu'il tient a sans doute pour but de souligner le caractère ludique que présente pour ce petit garçon son déguisement de Pierrot.
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André Derain. Arlequin et Pierrot, vers 1924. Huile sur toile, 175 × 175 cm. Paris, musée de l’Orangerie. © Adagp, Paris, 2024 / photo. © GrandPalaisRmn (musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski.
Derain a peint cette représentation des deux bouffons vedettes de la Comédie-Italienne pour le marchand d'art moderne Paul Guillaume (1891-1934), dont le Pierrot offre probablement un portrait. La monumentalité de la toile ainsi que la schématisation du décor sont sans doute des références au Pierrot du Louvre. À la raideur impassible du personnage de Watteau, Derain semble cependant opposer les gestes outrés et désarticulés de ses deux figures représentées comme des pantins. |
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Cartel destiné au jeune public.
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Jean-Michel Alberola. Le Projectionniste, 1992. Sanguine, pastel, 63 × 60 cm. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle. © Adagp, Paris, 2024 / photo. © Centre Pompidou, MNAMCCI, dist. GrandPalaisRmn / Georges Meguerditchian.
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