Parcours en images et en vidéos de l'exposition

RÉSEAUX-MONDES
Mutations / Créations 5

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°543 du 16 mars 2022




Réseaux-Mondes
Mutations / Créations 5

23 février - 25 avril 2022

Tout est-il devenu réseau ? Le réseau ne cesse de se démultiplier : réseau d'information, réseau de communication, réseau biologique, réseau de pouvoir, réseau de neurones, réseaux sociaux...
Cette exposition interroge la place du réseau dans la société actuelle, innervée par les réseaux sociaux et la dématérialisation du réseau, à travers les œuvres d'une soixantaine d'artistes, architectes et designers. De la naissance de la société de l'information après-guerre, jusqu'à l'omniprésence actuelle de l'Internet à l'échelle mondiale, le réseau tisse partout sa toile, dans l'espace et le temps. Plus que jamais, Internet est aujourd'hui au cœur des enjeux sociétaux et des mutations artistiques et technologiques. Mais le premier réseau est aussi celui du vivant, qui relie les espèces entre elles, générateur de nouvelles formes de connexions.

 
Texte du panneau didactique.
 
Liste des artistes de l'exposition.


1 - Réseau global

Scénographie
1 - Réseau global

Dans les années 1950 émergent les premières expressions artistiques d'un réseau global. Les villes utopiques des années 1960 sont conçues comme des infrastructures de réseaux, à l'instar de New Babylon de l'artiste néerlandais Constant, où le Spatiovore est une station pour les migrants. Apparaissent à cette époque des projets de mégastructures modulaires et extensibles à l'infini, intégrant des cellules d'habitation. En 1969, Allan Kaprow réalise Hello, une des premières œuvres interactives fonctionnant en réseau, aux connexions à la fois virtuelles et physiques. Dans les années 1980, le réseau informatique devient médium artistique. À l'heure de l'art télématique utilisant les réseaux de télécommunications planétaires, les données de l'information constituent le sujet même de l'œuvre.

Texte du panneau didactique

 
 

PAMAL_Group (featuring Jacques-Elie Chabert & Camille Philibert + Eduardo Kac). Profound Telematic Time (P.T.T), 2020. 3 étagères métalliques noires alignées parallèlement, 27 objets : 9 par étagère X 3 étagères, 3 tablettes, 3 objets par tablette (minitels, ordinateurs, archives). PAMAL_Group (avec les archives des œuvres de Jacques-Elie Chabert & Camille Philibert + Eduardo Kac).

 

 
Günther Domenig [1934, Klagenfurt (Autriche) - 2012, Graz (Autriche)] et Eilfried Huth [1930, Pengalengan (Indonésie). Vit et travaille à Graz (Autriche)]. Medium Total, 1969-1970. Plexiglas, peinture et résine. Collection Frac Centre-Val de Loire.

Günther Domenig et Eilfried Huth sont des figures majeures de l'architecture radicale autrichienne. Inspirés par la cybernétique, ils envisagent l'architecture comme un organisme interagissant avec son environnement. En 1970, ils conçoivent un projet utopique pour l'avenir de l'humanité : Medium Total. Cette architecture en cellules peut s'adapter à son environnement en s'étendant ou en se contractant. Elle fonctionne comme un système neuronal parcouru de multiples flux d'informations : les cellules interagissent avec la matrice, qui traite chaque information afin de s'autoréguler. Dans un contexte marqué par la guerre froide et la peur de la surpopulation, Medium Total est pensée pour agir comme un pansement recouvrant et protégeant les territoires menacés.

 
Constant, Spatiovore, 1959

Constant Nieuwenhuys, dit Constant, est l’un des fondateurs en novembre 1948 du  groupe CoBrA, dont l’acronyme est issu des villes d’origine de ses membres (Copenhague, Bruxelles, et Amsterdam). En 1956, il abandonne la peinture pour se consacrer à un projet urbain qui l’occupera pendant dix-huit ans : New Babylon, premier projet utopique de ville globale, évolutive et interconnectée. Véritable toile sans fin recouvrant toute la surface de la Terre, New Babylon prend la forme d’une architecture labyrinthique en réseau, traversée par le nomadisme des populations. Au sein de ce projet, le Spatiovore, espace architectural générique, est une station destinée à accueillir les migrants au cours de leur traversée de la Terre.

Maquette d'architecture : plexiglas, métal, bois peint / 35 × 90 × 64 cm. Achat 1999. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle, Paris Photo © J.C. Planchet, Centre Pompidou – Mnam-Cci / Dist. Rmn-Gp © Fondation Constant / Adagp, Paris, 2022.

 
Diller Scofidio + Renfro. Blur Building, Yverdon, Suisse. Projet réalisé pour la Swiss Expo.02, 2001 - 2002. Maquette, structure de tenségrité. Bois, maille et acrylique. Don des architectes en 2020. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.

À l'occasion de l'Exposition nationale suisse de 2002, l'agence
d’architecture new-yorkaise Diller Scofidio + Renfro imagine
Blur Building [Bâtiment flou], un pavillon multimédia sur le lac
de Neuchatel à Yverdon-les-Bains. L’eau du lac est projetée
sous forme de brouillard sur la structure par 35 000 buses
haute pression. Les visiteurs s'égarent dans une architecture
atmosphérique et hors-sol, connectant le climatique et le digital.
Un système météo intelligent capable de lire les conditions
climatiques changeantes régule la pression de l'eau qui donne
forme à une architecture connectée. Blur Building décline le blanc
sous sa forme optique, mais aussi acoustique, à travers le « bruit
blanc » des buses à pulsation et un environnement sonore immersif
conçu par l'artiste suisse Christian Marclay..

Tableau chronologique (début)
 
Nicolas Schöffer, Sans titre, 1947

Le chercheur et artiste Nicolas Schöffer, représentant majeur de l’art cinétique et précurseur de l’art électronique et numérique, développe dès la fin des années 1940 ses idées prospectives, inspiré tant par le peintre Piet Mondrian que par l’émergence de sciences comme la cybernétique. Dans cette peinture, il utilise des formes issues de l’abstraction géométrique pour figurer un réseau de rectangles en aplats de couleur blanche reliés par des lignes épaisses. Cette œuvre annonce les travaux de sculpture cybernétique de l’artiste, théorisés dès 1948 avec le spatiodynamisme, défini comme « l’intégration dynamique de l’espace dans l’œuvre plastique », à la croisée des sciences et des technologies.

Peinture, 40 × 30 cm. Collection FRAC Centre-Val de Loire. © Adagp, Paris, 2022. Photo © Collection FRAC Centre-Val de Loire.

 
Uta Eisenreich. Network, 2002. Photographie. Reproduction. Courtesy de l'artiste, Uta Eisenreich, et Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam.

Avec la série Network, réalisée en 2002 avec les élèves d’une école primaire suisse, elle travaille sur les liens invisibles d'amitié ou de jalousie qui unissent ou séparent les enfants, analysant leur position dans le réseau social que constitue une classe. L'artiste a posé une série de questions aux enfants, comme «quel camarade connais-tu le moins bien ?», « de qui es-tu le plus jaloux? », ou encore « chez quels camarades es-tu déjà allé jouer ?». Les réponses données sont matérialisées par un fil coloré tendu par les enfants, chaque question étant représentée par une couleur de fil (respectivement blanc, jaune et bleu). Les photographies, qui semblent à première vue représenter un simple jeu d'enfants, révèlent en réalité les structures et les réseaux de relations inhérents à chaque groupe social, laissant apparaître centre, périphéries, et éléments hors réseaux.

David Chavalarias (Directeur de Recherche CNRS) / Institut des Systèmes Complexes de Paris Île-de-France. Écouter la politique. 6 vidéos HD 1920 x 1080, 12mn.

À l'Institut des Systèmes Complexes de Paris Île-de-France, le directeur de recherches au CNRS David Chavalarias et son équipe développent des outils d'analyse de l'évolution des espaces socio-numériques à partir de masses de données du web. Ces six vidéos cartographient des prises de parole récentes de personnalités politiques sur Twitter autour de thématiques contemporaines comme le changement climatique ou la vaccination. L'orientation politique de chaque personnalité (représentée par un point) est déduite à partir de ses interactions avec toutes les autres (représentées par des liens). Le calcul du nombre de messages émis quotidiennement par chaque communauté politique permet de générer une bande audio, où l'activité de chacune est associée à un type de son. À la visualisation de l'évolution des réseaux politiques se superpose ainsi l'orchestre virtuel de leurs discours.

 
Allan Kaprow, Hello, 1969

Allan Kaprow invente en 1959 le « happening », qu’il définit comme une intervention artistique qui doit se fondre « dans le milieu naturel et dans la vie urbaine ». En 1969, il réalise Hello, un des premiers happening vidéo interactif fonctionnant en réseau, pour « The Medium is the Medium », une émission de télévision expérimentale et artistique. Kaprow relie en temps réel des individus se trouvant sur quatre sites, à Boston, grâce à un réseau de télévisions en circuit fermé. L’artiste propose aux participants de se signaler à la caméra d’un « Hello I see you [Bonjour je vous vois] » lorsqu'ils reconnaissent leur propre image ou celle d'un ami. Parmi l’une des premières œuvres fonctionnant en réseau, Hello offre une critique de la technologie et de sa dimension communicationnelle, tout en utilisant celle-ci comme nouveau matériau de création. Juxtaposant des situations médiatisées, l’artiste coordonne l’événement tel un chef d’orchestre.

Hello in James Seawright, Otto Piene, Thomas Tadlock, Aldo Tambellini, WGBH, Nam June Paik, Allan Kaprow, Fred Barzyk, The Medium Is the Medium, 1969. Capture vidéo / Vidéo, 30 min, U-matic, NTSC, couleur, son / Achat, 1990. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle, Paris. © Allan Kaprow Estate © Estate of Nam June Paik © Adagp, Paris, 2022 © Droits réservés. Photo © Service de la documentation du Mnam Centre Pompidou – Mnam-Cci / Dist Rmn-Gp.

 
Team X. ZUP du Mirail, Toulouse, Occitanie. Projet réalisé, 1961 – 1962. Maquette du plan masse. Bois. Don des architectes en 1994. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.

Team X est une agence d'architecture spécialisée dans les logements de grande ampleur, fondée par Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods. En 1961, Team X est choisie par la mairie de Toulouse pour concevoir un projet d'urbanisation pour la ZUP du «Mirail». Ce projet prend le contre-pied des grands ensembles construits jusqu'alors et regroupe de grands immeubles en tripodes, des immeubles bas et des maisons individuelles. Des coursives extérieures ménagent des lieux de rencontre entre les habitants et la ville, assurant les connexions vers le centre-ville et déterminant des unités en réseau. Le projet du Mirail s'inscrit dans un plan plus large prévu pour cinq quartiers de Toulouse, dont seuls trois ont été réalisés. Le projet est remodelé, puis restera inachevé en 1972.



2 - Critique des réseaux

Scénographie
2 - Critique des réseaux

Les artistes du Net.art sont les premiers à interroger la dimension politique et esthétique de l'Internet. Ils élaborent un art en réseau, issu des mouvances hackers et nourri des pratiques de programmation collaborative à code ouvert. Les réseaux numériques, apparus au 21e siècle, laisseront poindre la censure et la société de surveillance. À l'heure d'une dépendance envers les plateformes technologiques, de nouvelles infrastructures de contrôle observent les corps et leur intimité. Elles vont jusqu'à prédire des émotions collectives en traçant les sentiments exprimés sur les réseaux sociaux. Des satires sociales et politiques, à l'instar de la vidéo Screen Talk de Neïl Beloufa (2014), mettant en scène une mystérieuse pandémie, font la critique d'un réseau totalisateur et addictif - loin de l'utopie émancipatrice à l'origine d'Internet.

 
Texte du panneau didactique.
 
Jill Magid. Legoland, 2000. Vidéo infrarouge, 6 min, n&b. Courtesy de l’artiste et LABOR, Mexico.

L'artiste Jill Magid s'infiltre lors de performances dans de grandes institutions « protectrices » telles que les agences de renseignement ou la police, avec lesquelles elle entend initier des relations intimes afin d'en révéler les réseaux invisibles de pouvoir. En 2000, alors que les grandes villes s'équipent de systèmes de surveillance vidéo, elle imagine le dispositif Surveillance Shoe, dont elle tire la vidéo Legoland, où une caméra de surveillance greffée à une paire de talons hauts dévoile l'entrejambe de l'artiste déambulant dans la ville. Magid déplace les réseaux de surveillance afin qu'ils transgressent jusqu'à l'intime et choisit de les utiliser à des fins de représentation. Renversant le rapport de domination, Magid invente une nouvelle façon d'observer la ville et de s'y représenter alors que l'architecture devient indissociable du corps surveillé.

Simon Denny, Crypto Futures Game of Life Board Overprint. Collage: Twists & Turns, 2018

En 2018, l’artiste Simon Denny réalise une série de sculptures-collages visant à rendre visible les mécanismes internes et effets sociétaux cachés de la blockchain. Lorsqu’elle apparaît en 2008, la blockchain est vue comme une utopie ; un réseau alternatif et décentralisé, permettant à chacun de partager en toute sécurité ses données sans intermédiaire. Crypto Futures Game of Life Board Overprint Collage: Twists & Turns explore les incohérences de cette technologie capitaliste, devenue système de promotion des entrepreneurs et technologues. L’œuvre dénonce les arnaques de la blockchain et l'exploitation de ses utilisateurs, mettant l'accent sur les récits de trafic de données. Ce collage se présente comme une nouvelle édition du « Game of Life », jeu de simulation mis au point par John Conway en 1970 où des automates cellulaires se reproduisent individuellement, en analogie avec le vivant.

Impression digitale sur planche du « Milton Bradley’s Game of Life Twists & Turns », spinner et cartes bancaires, structure de rack de serveur, plexiglas découpe laser, pièces de rack de serveur, 72 × 100 × 23 cm. Courtesy of the artist and Buchholz Gallery, Berlin/Cologne/New York. Photo © Nick Ash.

Simon Denny, Crypto Futures Game of Life Board Overprint. Collage: Twists & Turns, 2018 (voir ci-dessus)
 
Neïl Beloufa, Screen Talk, 2014-2022

En 2014, l’artiste Neïl Beloufa réalise une mini-série décrivant un monde affecté par une mystérieuse pandémie. Originellement fictive, cette série devient terriblement actuelle en 2020. Beloufa imagine alors une nouvelle version du projet, radicalement satirique, à travers une plateforme interactive en ligne. Sur le modèle d’un jeu vidéo, l’utilisateur progresse en débloquant les épisodes de Screen Talk où prennent vie des personnages individualistes et opportunistes au sein d’un monde ultra-connecté et racoleur. Dans un contexte sans précédent de consommation effrénée d’images sur internet, Beloufa s’interroge sur les nouvelles modalités de diffusion et de réception des œuvres d’art. Toute production humaine semble contaminée par une nouvelle condition numérique, qui brouille les régimes de la fiction et du réel.

Capture vidéo. Vidéo, son, couleur, 58 min. Produit par Bad Manners avec le soutien de DICRéAM. © Adagp, Paris, 2022 © Courtesy of the artist, Neïl Beloufa.
 
Neil Beloufa. Screen Talk, 2014-2020. Série co-écrite avec Léo Maret et Jory Rabinovitz. Vidéos et site Internet. Vue de la console de jeu.
 
Mika Tajima, Human Synth (Paris), 2021

Avec Human Synth (Paris), Mika Tajima révèle le pouvoir des nouvelles technologies à s’imposer comme technique prédictive de l'état émotionnel collectif, en s’appuyant sur le traçage minutieux des émotions humaines exprimées sur les réseaux sociaux. L’installation abrite un système qui extrait et analyse en temps réel les messages envoyés sur la plateforme Twitter à Paris grâce à un outil de traitement de langage. Les données identifiées comme sentiments sont rendues visibles sous la forme évolutive d’un nuage de fumée numérique, dont la teinte et la vitesse expriment les changements collectifs de tendances affectives. Si la fumée invoque d’anciennes pratiques divinatoires, elle donne ici forme à un contrôle immatériel des émotions fondé sur l’usage d’algorithmes prédictifs et la collecte massive de données des utilisateurs, pour connaître en temps réel, anticiper, voire façonner les comportements collectifs du réseau Internet.

Programme d’analyse prédictif des sentiments personnalisé, moteur de jeu, Alienware VR PC, Twitter API; vidéo, couleur; durée infinie. Dimensions variables.
Vue de l’installation “Mika Tajima: PSYCHO GRAPHICS” Kayne Griffin Corcoran, Los Angeles, 2019. © Mika Tajima Courtesy of the artist, Kayne Griffin Corcoran (Los Angeles), Taro Nasu (Tokyo).

 
JODI. http://wwwwwwwww.Jodi.org/, 1995. Vidéo, version démo du site internet. Courtesy de l’artiste, collectif JODI.

Au tournant des années 1990, une génération d'artistes du Net issue des mouvances hackers, interroge la dimension politique du réseau Internet. Le duo d'artistes JODI, formé en 1994 par Joan Heemskerk et Dirk Paesmans, figure parmi les premiers à appréhender Internet comme une matière artistique et plastique avec ses erreurs et dysfonctionnements. L'interface du site web wwwwwwwww.jodi.org apparaît comme un paysage chaotique et autonome, vaste réseau labyrinthique de signes et de figures animées, cachant dans son code source les plans de la bombe atomique. Le langage informatique est radicalement perturbé rendant superflue toute interaction.

RYBN.ORG. Offshore Tour Operator, 2021. Moniteur, programme, son, photographies, impression graphique sur papier, mallette, Raspberry Pi, antenne GPS, batterie. Collectif RYBN.ORG.

La plateforme de recherche expérimentale RYBN.ORG propose une installation sous forme d'enquête visant à mettre au jour les logiques sous-jacentes des paradis fiscaux et de la finance offshore. Offshore Tour Operator rassemble différents modules qui génèrent un réseau de données factuelles, auquel s'ajoute l'instrument « Offshore Tour ». Ce prototype a été mis au point lors de voyages, pour percevoir et traquer tous les signes et impacts de l'activité offshore - globale et fantomatique - dans le réseau urbain. Assisté par GPS, l'outil oriente le voyageur vers les adresses liées aux Offshore Leaks, Bahamas Leaks, Panama Papers et Paradise Papers, puisées dans la base de données internationale des journalistes d'investigation (ICIJ).

 
Mark Lombardi. Bill Clinton, the Lippo Group, and Jackson Stephens of Little Rock, Arkansas (3rd version), 1998. Crayon de couleur et mine graphite sur papier. Dépôt de la Centre Pompidou Foundation, 2018. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.

L'artiste Mark Lombardi produit dans les années 1990 des séries de sociogrammes et diagrammes en réseau détaillant les structures souterraines du pouvoir tissées entre puissances politiques, économiques et criminelles à l'échelle globale. Flux d'argent, relations d'alliance et d'influence entre personnalités, réseaux criminels, sont autant d'éléments qui lui permettent d'établir un réseau de récits, ou « structure narrative ». Avec cette œuvre réalisée en 1998, Lombardi représente graphiquement les liens entre l'ancien président Bill Clinton, le conglomérat maritime Lippo Group et le banquier d'investissement de l'Arkansas Jackson Stephens, tous impliqués dans une série d'événements financiers et politiques des années 1980 jusqu'à la campagne présidentielle de 1992.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement de ce diagramme.

 
Katja Trinkwalder & Pia-Marie Stute. Accessories for the Paranoid, 2017. Accessoires électroniques et polystyrène. Vidéo, 3 min 50 sec. Courtesy des artistes Katja Trinkwalder et Pia-Marie Stute.

Les designers Katja Trinkwalder et Pia-Marie Stute s'intéressent aux effets du numérique sur la vie quotidienne. Avec Accessories for the Paranoid, elles imaginent quatre prototypes qui permettraient de protéger l'espace domestique du système capitaliste de surveillance. En générant de fausses données, ces objets cachent les identités de leurs usagers derrière un voile d'informations fictives et permettent à l'utilisateur de reprendre le contrôle de sa vie privée, devenant ainsi activiste du réseau. Trinkwalder et Stute parviennent à rendre visibles ces réseaux de surveillance qui se sont insidieusement formés autour des usages numériques, pour mieux s'en protéger.



3 - Nœuds et réticulations

Scénographie
3 - Nœuds et réticulations

Le mot «réseau » apparaît pour la première fois au 12° siècle (retis) pour nommer le filet ou le nœud. Dans Le Rêve de D'Alembert (1769), Diderot met en avant la notion de reticulum, « ce qui relie ». Au milieu du 19e siècle, l'architecte et historien Gottfried Semper voit dans le tissage l'origine textile de l'architecture. Le nœud n'est pas seulement récurrent dans la philosophie, l'histoire des idées, des religions, les mathématiques et l'urbanisme, il «connecte» aussi l'histoire de l’art au design et à l'architecture. Plusieurs œuvres élaborées à partir de matériaux textiles sont présentées dans cette section, explorant les métamorphoses du nœud, des enchevêtrements, à l'instar de l'Anthologie des regards de Julien Prévieux, qui reproduit à l’aide d'un fil de laine collé au mur le cheminement du regard de Brian Price, professeur en visual studies, face à la vidéo Patterns of Life, créée par l'artiste.


 
Texte du panneau didactique.
 
Leonardo Mosso. Sventolente, n. d. Bois et ligaments EPDM. Don de Leonardo Mosso et Laura Castagno-Mosso en 2017. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.
 
Tomás Saraceno, Solitary semi-social mapping of DDO 78 by a solo Nephila senegalensis – one week and a duet of Cyrtophora citricola – two weeks, 2017  

Tomás Saraceno débute la série des Spider maps en 2017, où de longs fils de soie d’araignées sont étendus pour cartographier la toile finement maillée de l’animal. Issue de cette série, cette œuvre superpose de manière esthétique la toile tissée pendant sept jours par l’araignée Nephila senegalensis, à celle créée en deux semaines par un duo de Cyrtophora citricola. L’œuvre rend visible un réseau arachnéen ouvert et privé de centre, peuplant d’habitude l’espace de manière inaperçue. Placée au centre de l’observation du spectateur, ce réseau permet d’envisager de nouvelles formes de connexions entre les espèces, ainsi que des alternatives durables d’habiter et de percevoir les environnements. 

Soie d’araignée et encre sur papier d’archivage, 120 × 195 cm. Courtesy Galerie Natalie Seroussi. Photo © Andrea Rossetti.

 
Julien Prévieux, Anthologie des regards, 2017

Pour Anthologie des regards, l’artiste Julien Prévieux reprend un principe propre aux domaines du marketing et de la psychologie : l’oculométrie ou eye-tracking. Ce protocole permet, grâce à des techniques de mesure, de décrire l’évolution d’un parcours visuel et d’identifier précisément ce qui attire l’œil. Ici, c’est le regard de Brian Price, professeur en visual studies à l'université de Toronto, sur la vidéo Patterns of Life, créée par l’artiste, qui est retranscrite par un fil de laine continu collé au mur qui matérialise le réseau géométrique complexe créé par l’enchevêtrement du regard. Loin de toute volonté d’optimisation visuelle, Prévieux rend visible ces tracés oculaires producteurs de formes, qui apparaissent tels des «regards fantômes».

Regard de Brian Price sur Patterns of Life (2015) de Julien Prévieux. Installation temporaire, laine, colle à chaud, 400 × 220 cm. Blackwood Gallery, Toronto, Canada © Julien Prévieux. Photo © Toni Hafkenscheid.

 
Richard Vijgen, WifiTapestry 2.0, 2021 

Pour « Réseaux-Mondes », Richard Vijgen crée une nouvelle version de l’œuvre WifiTapestry 1.0 (2017) : la WifiTapestry 2.0. Cet ensemble, composé d’une tapisserie murale et d’un contrôleur, est créé pour visualiser les signaux et fréquences émises par les appareils électroniques dans un espace donné. Lorsqu’il détecte une activité, le contrôleur convertit les signaux sans fil en courant électrique agissant directement dans la tapisserie. Une fois pris dans le réseau d’éléments thermiques intégrés à cette dernière, le courant est transformé en chaleur et les fils thermochromiques changent de couleur. Les flux de données apparaissent ainsi comme des traces visuelles d'un réseau invisible. 

Laine, pigments thermochromes, matériel électronique, 115 × 175 × 4 cm. © Richard Vijgen, 2021.

 
Hella Jongerius. 3D Weaving Research Objects [objets de recherche en tissage 3D], 2019. Sélection de 24 éléments. Technique mixte. Don de l’artiste en 2020. Centre Pompidou, Musée national d’art
moderne/Centre de création industrielle, Paris.

À l'occasion de son exposition « Entrelacs, une recherche tissée » en 2019, Hella Jongerius transformait la Fondation Lafayette à Paris en laboratoire de recherche pour interroger les enjeux de production et de consommation du textile à l'ère des tissus jetables. Les échantillons de l'ensemble 3D Weaving Research Objects, confectionnés par les designers et tisserands du JongeriusLab, sont le résultat d'un processus collectif de création in situ. Uniques par leur couleur et leur réseau en maillage, les échantillons interrogent la dimension tactile des matériaux textiles et contribuent à la revalorisation du tissage comme savoir-faire et vecteur d'innovation culturelle, à fois industriel et artisanal.

 
David-Georges Emmerich. Bateaux-Mouches, 1970. Dodécaèdre. Maquette. Métal, peinture. Collection Frac Centre-Val de Loire.

En 1970, l'architecte et professeur hongrois David Georges Emmerich reçoit une commande pour les bateaux-mouches à Paris. Il imagine un « établissement flottant à usage hôtelier », une capsule habitable, dont la construction n'aboutira pas. Ce projet fut la première tentative de réalisation à grande échelle de structures autotendantes, dans lesquelles l'équilibre entre traction et compression permet d'imaginer des architectures sans fondation ni façade. Ici, le projet se décline selon une structure constituée de trois polyèdres autotendants de 20 mètres de haut, destinés au ponton des bateaux-mouches, près du pont de l'Alma à Paris. Dans cette architecture dépourvue d'angle droit, l'espace devient tout à la fois fluide et rythmé, articulant intérieur et extérieur dans une même dynamique.

 
Serge Mouille. Objet Radiolaire, 1960 - 1980. Métal, fil. Don de l’Indivision Mouille en 2010. Centre Pompidou, Musée national d’art
moderne/Centre de création industrielle, Paris.
Scénographie
 
David Georges Emmerich. Théâtre mobile, n. d. Plastique, métal. Collection Frac Centre-Val de Loire.
 
Robert Smithson. Forking Paths (Chemins de bifurcation), 1971. Mine graphite sur papier. Don d’Hélène et Nicolas Gheysens, 2021. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.
 
Serge Mouille. Objet Radiolaire, 1960 - 1980. Métal, fil. Don de l’Indivision Mouille en 2010. Centre Pompidou, Musée national d’art
moderne/Centre de création industrielle, Paris.
 
Marcel Wanders. Knotted Chair [Chaise tricotée], 1996. Aramide, carbone, résine époxy. Don du Studio Wanders en 2016. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.
 
Samuel Tomatis. Alga - Vannerie, 2019-2021. Algue Sargasse, Siguine, Bakoua. Courtesy de l’artiste, Samuel Tomatis.

Diplômé de l'ENSCI-Les Ateliers, le designer français Samuel Tomatis défend une approche du design durable, engagée et collective. Entouré d'une équipe scientifique pluridisciplinaire, il s'intéresse pour la série Alga à la transformation d'algues invasives et nocives en une matière première durable destinée à la production industrielle. Utilisée pour la réalisation de vanneries, cette innovation contemporaine est combinée à des techniques vernaculaires de vannerie traditionnelle des artisans guadeloupéens. Entrelacées selon un système complexe de nœuds et de tressages, ces bandes d'algues passent du statut de déchet organique à celui d'objet de design.

 
Sheila Hicks. Prayer Rug, 1972-1973. Laine, coton. Don de l’artiste, 2017. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris.
 
Daniel Widrig. Node Chair, 2021. Impression 3D, acide polyactique. Design par Daniel Widrig, Londres.


4 - Le réseau du vivant

Scénographie avec, au centre de la salle, de DRIFT (Lonneke Gordijn & Ralph Nauta) : Flylight, 2022 (voir plus-bas)
4 - Le réseau du vivant

La viralité numérique s'est doublée de la prise de conscience de notre coexistence en réseau avec les autres espèces au sein d'une infinité d'écosystèmes. Une nouvelle écologie artistique intègre ce principe d'interdépendance avec toutes les formes du vivant, à l'image de Flylight de DRIFT. Cette installation composée de tubes de verre reproduit, grâce à un logiciel de simulation, le comportement des oiseaux lorsqu'ils se déplacent en nuée. Les technologies sont ainsi explorées comme des outils de communication inter-espèces, aspirant à connecter les mondes entre eux, à l'instar de nimiia cétiï de l'artiste Jenna Sutela. De la même manière, les spécificités du Physarum polycephalum - organisme unicellulaire « intelligent » - sont étudiées par des architectes pour mettre en œuvre de nouveaux protocoles d'urbanisation et d'interventions sur le territoire, fondés sur la biologie et l'intelligence artificielle.

 
Texte du panneau didactique.
 
Jenna Sutela. I Magma, 2019. Verre soufflé, lampe à lave liquide, matériel électronique. Courtesy de l’artiste.

I Magma est une lampe à lave en verre soufflé à l'effigie de l'artiste,
faisant partie d'une série plus large. invoquant l'aspect chimique
de la cognition, ce portrait neuroplastique, initialement présenté
avec une application pour appareils mobiles, réunit à la fois
matière et données. Les gouttes de liquide coloré en mouvement à
l'intérieur de la tête de verre, telles une matière indigo et orange
remplaçant la matière grise, fonctionnent comme une graine
destinée à alimenter des divinations générées par l'intelligence
artificielle de l'application. En référence à l'expérimentation des
lampes à lave comme générateurs de nombres aléatoires chez Sun
Microsystems dans les années 1990, l'artiste renverse le processus
pour chercher des motifs et des significations dans la lave. Cet
objet, ainsi que l'application, se situent à la croisée du mysticisme
et de l'informatique.

 

Bio-digital Coexistence est une réalisation de l’ecoLogic Studio avec The Synthetic Landscape Lab à l’université d’Innsbruck et le Urban Morphogenesis Lab de la Bartlett School of Architecture UCL, Londres. Equipe projet : Claudia Pasquero, Marco Poletto avec Greta Ballschuh, Joy Boulois, Sheng Cao, Korbinian Enzinger, Claudia Handler, Riccardo Mangili, Alessandra Poletto, Emiliano Reale, Eirini Tsomokou, Oscar Villareal.

Vidéo
   
Studio Formafantasma. Cambio, 2020  

Cambio est une exposition-enquête menée depuis 2020 par le Studio Formafantasma, duo de designers formé par Andrea Trimarchi et Simone Farresin. Cambio porte sur l'extraction, la production et la distribution des produits du bois, de l’époque coloniale jusqu’à l’essor d’un marché industriel mondial, dont les impacts sur la biosphère sont sans commune mesure. Pensée pour « Réseaux-Mondes », cette version du projet regroupe des pièces de bois provenant de la xylothèque du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris et la vidéo Quercus, portée par la voix du philosophe Emanuele Coccia établissant un dialogue entre une recherche archéologique et des questionnements contemporains, suggérant quant à elle un changement de perspective des rapports entre humains, écosystèmes et réseaux vivants, en renversant l’usage des technologies utilisées par l’industrie du bois pour l’abattage des arbres.

Quercus, 2020. Capture vidéo. Vidéo, son, couleur, 13min 6 sec. © Studio Formafantasma.

 
Studio Formafantasma. Cambio, 2020 (voir ci-dessus)
Studio Formafantasma. Cambio, Quercus, 2020 (voir ci-dessus). Capture vidéo. Vidéo, son, couleur, 13 min 6 sec. © Studio Formafantasma.
 
DRIFT (Lonneke Gordijn & Ralph Nauta), Flylight, 2022

L’installation met à jour la part d’intelligence collective dans le comportement unique et auto-organisé des oiseaux lorsqu’ils se déplacent. Ce mouvement collectif, reproduit grâce à un logiciel de simulation multi-agents, intègre un réseau plus vaste : il est aussi provoqué par des stimuli externes. Les capteurs incorporés aux tubes identifient la présence du spectateur et entraînent le déplacement de l’essaim vers lui. Symboles de liberté, les oiseaux témoignent aussi de la sécurité du fonctionnement en réseau. Flylight illustre la contradiction entre le comportement à adopter pour s’intégrer socialement et les intérêts individuels. 

Installation in situ, 2022. Verre, raccords sur mesure, LEDs, algorythme, senseurs électroniques. Courtesy Carpenters Workshop Gallery. © Studio DRIFT.

 
Trevor Paglen. CLOUD #603 Watershed, 2019. CLOUD #865 Hough Circle Transform, 2019. CLOUD #135 Hough Lines, 2019. Photographies. Impression par sublimation thermique. Commande du MGKSiegen, Siegen, Allemagne. Courtesy de l’artiste et Pace Gallery.

En 2019, Trevor Paglen développe un travail d'investigation sur la façon dont les technologies utilisées par les gouvernements et les entreprises privées à des fins de surveillance perçoivent le paysage aérien. Cet ensemble de photographies permet d'observer les masses nuageuses à travers les « yeux » de différents programmes d'intelligence artificielle de reconnaissance faciale. Les réseaux linéaires et circulaires, tracés directement sur l'image par des algorithmes, dévoilent l'incompréhension de ces systèmes face à une masse nuageuse. Le réseau nuageux semble en effet capable de défier l'intelligence artificielle, le nuage (cloud en anglais) l'emportant symboliquement sur le cloud informatique.

Jenna Sutela. Nimiia cétiï, 2018. Vidéo, couleur, 12 min 02 sec. Courtesy de l’artiste.
 
EcologicStudio (Claudia Pasquero & Marco Poletto) GAN-Physarum, 2021 

Les architectes Claudia Pasquero et Marco Poletto, fondateurs du laboratoire EcologicStudio, travaillent à partir du Physarum polycephalum, un organisme vivant unicellulaire étudié pour ses capacités d’apprentissage et de communication. Pour « Réseaux- Mondes », ils imaginent un modèle de conception urbaine faisant appel à l’union des intelligences numérique et biologique, appliquée à la ville de Paris. Pour l'œuvre GAN-Physarum (2021), un algorithme d'apprentissage composé de réseaux de neurones artificiels, s'efforce de lire la structure urbaine de Paris à travers le comportement et la perception du Physarum. L’œuvre dépeint la ville à travers les yeux d’un algorithme bio-numérique, protocole d’urbanisation du non-humain qui explore les potentialités d’un réseau hybride post-anthropocénique. 

Physarum polycephalum biological computer – Physatopia project, 2018. Tuteurs : Claudia Pasquero avec Filippo Nassetti et Emmaouil Zaroukas, étudiants : Qin Qing, Jia Itu. © Rc16, Urban Morphogenesis Lab, BPro UD, The Bartlett UCL, 2018 © Droits réservés.

Andrea Branzi. Casa Madre - Modello integrale di co-housing, 2008. Bois, métal, miroirs, cire, matériaux divers. Don de Andrea Branzi en 2018. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle, Paris AM 2018-1-58.

Andrea Branzi est une figure majeure de l'architecture et du design expérimentaux italiens. Œuvrant à un « nouveau design » qui s’appuie sur le syncrétisme entre nature et technologie, Branzi interroge le rapport de l'homme à son environnement. Casa Madre - Modello integrale di co-housing est un modèle intégral de ville qui illustre la réflexion sur la « métropole primitive » amorcée par Branzi dans les années 2000. L'espace central de la maquette, suspendu et recouvert de parois en verre, qui concentre les fonctions utilitaires, s'intègre au sein d'un modèle urbanistique incluant vivants et morts, faisant coexister différentes espèces et artefacts dans une démarche rituelle et universelle.