PICASSO
Bleu et rose

PICASSO. Bleu et rose. Avec cette exposition, le musée d’Orsay nous montre que Picasso est aussi un peintre appartenant au XIXe siècle. Arrivé en octobre 1900 à la gare d’Orsay, tout juste inaugurée, le jeune Pablo Ruiz (1881-1973) qui signe bientôt Picasso, est confronté aux œuvres de David, Delacroix, Ingres, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Cézanne, Courbet, Manet et des impressionnistes. Il emprunte ainsi à Van Gogh et Toulouse-Lautrec leur manière pour peindre certains de ses autoportraits.
Avec près de 300 œuvres dont 80 peintures de Picasso, 11 sculptures, 5 carnets, 24 estampes, plus d’une centaine de dessins et de nombreux documents, la présente exposition dresse un panorama complet de cette période féconde qui s’étend d’octobre 1900 (Picasso n’a que 19 ans) à novembre 1906 (Picasso a 25 ans). Le parcours, globalement chronologique, montre que la période bleue et la période rose ne sont pas strictement délimitées. Peu à peu Picasso s’est mis à utiliser majoritairement du bleu dans ses tableaux peints à Paris, influencé sans doute par son habitude de travailler la nuit à la lampe à pétrole, puis le rose est apparu, surtout après son séjour avec Fernande Olivier à Gósol, petit village des Pyrénées catalanes.
Les premières salles nous montrent un jeune homme plein d’ambition. Il a déjà bénéficié d’une véritable exposition à Barcelone, au cabaret Els Quatre Gats, fondé sur le modèle du Chat Noir parisien. Il a aussi exposé une grande toile, Derniers Moments, à l’exposition universelle de Paris de 1900 et la galerie Vollard lui offre ses cimaises en 1901. Il y présente 64 toiles qui remportent un vrai succès tant commercial que critique.
Cependant tout n’est pas rose pour le jeune Picasso. Avec le bleu c’est la tristesse qui s’exprime. Le suicide, pour raison sentimentale, de son ami Carles Casagemas l’affecte beaucoup. La rencontre qu’il fait avec les détenues de la prison pour femmes de Saint-Lazare à Paris, dont la plupart sont des prostituées, éventuellement enfermées avec leur enfant, lui inspire des images de solitude et de malheur.
Durant cette période bleue, Picasso ne se limite pas qu’à la peinture. Il dessine beaucoup. C’est ce que nous montre la première des deux salles intitulées « Les bleus de l’abîme ». En contrepoint de ce Picasso qui « croit l’Art fils de la tristesse et de la Douleur », il réalise de nombreux dessins érotiques, une constante dans son œuvre, dont quelques-uns sont exposés là.
Vient ensuite le chef d’œuvre qu’est La Vie (1903). Outre ce tableau qu’il réalisa en recouvrant Derniers Moments, on peut voir des esquisses préparatoires de celui-ci, montrant à quel point Picasso était méticuleux dans son travail.
On s’immerge alors peu à peu dans ce qui deviendra la période rose. Dès les premiers mois de l’année 1905, sans changer le style des figures, la gamme de couleurs de Picasso s’élargit allant du rouge le plus vif au blanc laiteux. C’est durant cette période qu’il réalise le cycle des Saltimbanques, développé simultanément en peinture, sculpture, gravure et dessin. L’exposition nous en présente de nombreux exemples, à part le célèbre La Famille de saltimbanques, légué à la National Gallery of Art de Washington, sous réserve qu’il ne soit pas prêté.
Les deux dernières salles nous montrent l’ultime évolution de Picasso durant cette période. Comme Cézanne, il représente ses modèles, surtout des femmes, en utilisant une construction par articulation de formes essentielles. Poussant plus loin ses recherches, il en sortira, à l’été 1907, Les Demoiselles d’Avignon, puis viendra le cubisme.
Une exposition magistrale, avec des explications claires, bénéficiant d’une scénographie remarquable et de beaucoup d’espace. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 6 janvier 2019. Lien : www.musee-orsay.fr.