PAYSAGES FRANÇAIS. Une aventure photographique, 1984-2017. La BNF nous offre une exposition grandiose avec plus de 1000 tirages de photographies prises par quelque 160 auteurs. Malgré le nombre impressionnant de photos, la scénographie aérée et astucieuse permet de bien les apprécier et de se rendre compte du travail de chacun. En effet, au cours de ces trente dernières années, si les missions confiées par l’État ou d’autres commanditaires sont précises, la manière d’y répondre est laissée à l’appréciation de chaque artiste.
L’aventure commence en 1984 avec une commande de la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) à vingt-neuf photographes français et étrangers chargés de porter leur regard sur le paysage français contemporain. Il y a ceux qui s’intéressent au versant rural du territoire et ceux qui préfèrent les villes et leur mutation. Raymond Depardon jette un regard critique sur l’exploitation agricole de son enfance. Robert Doisneau revient sur les pas de ses images de la banlieue de Paris réalisées dans les années 1940.
Une décennie plus tard, le paysage est devenu un héritage à protéger. Il y a même une convention européenne pour cela ! Les photographes ont pour mission de contribuer à faire entrer certains paysages dans les sites exceptionnels comme s’il s’agissait de véritables monuments. Plusieurs suivent ainsi les grands travaux et en particulier le « chantier du siècle », le tunnel sous la Manche. Il s’agit aussi de suivre l’évolution d’un paysage d’années en année. La difficulté tient surtout aux choix à effectuer au début. Certains choisissent un parc national, d’autres un quartier ou même un village au bord de la mer qu’une maison viendra totalement cacher quelques années plus tard. L’artiste continuera à photographier du même point de vue, ne montrant alors que les transformations de la maison, par exemple dans ses rideaux ! A la même époque, le Conservatoire du littoral lance une mission pour témoigner de la beauté des espaces remarquables qu’il protège.
Peu à peu, la photographie de paysages devient un travail d’auteur à part entière, même sans commande officielle. L’un suit le cours du Rhône de sa source à la Méditerranée en décrivant ce que l’homme a fait en divers endroits. Un autre va des Ardennes au Cantal, témoignant de la désertification rurale. Un autre encore parcourt la France en montrant comment les zones commerciales ou industrielles ont défiguré le paysage. Grâce à cette liberté, le style propre à chacun de ces photographes peut transparaître dans leurs œuvres, dont certaines s’apparentent ainsi à de véritables monographies.
La dernière partie présente des photographies récentes où les artistes laissent libre cours à leurs envies. Cette fois le paysage est souvent habité et on voit même des portraits. Certains ajoutent des commentaires sur leurs images. D’autres jouent avec les paysages en ajoutant un cadre dans la photo ou en « trichant » avec les points de vue pour obtenir des effets cocasses. La plupart de ces photographies ont été réalisées dans le cadre de la mission privée France(s) territoire liquide lancée par quatre photographes. Elle s’est déroulée de 2011 à 2014 avec quarante-trois photographes.
Entre ces quatre grandes parties, les commissaires ont intercalé trois « focus » consacrés aux « lieux de travail », aux « grands ensembles » et au « no man’s land », ces territoires situés entre ville et campagne. Une exposition passionnante, très documentée mais sans excès. R.P. Bibliothèque nationale de France - site François-Mitterrand 13e. Jusqu’au 4 février 2018. Lien : www.bnf.fr.