NUITS ÉLECTRIQUES

Article publié dans la Lettre n°508 du 30 septembre 2020



 
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NUITS ÉLECTRIQUES. Le Havre a souvent été une ville pionnière en matière d’éclairage électrique. C’est ainsi que dès 1863, elle dote les phares de la Hève de l’éclairage électrique à arc.  En 1881, c’est le port qui est équipé de gigantesques pylônes électriques à arc voltaïque permettant aux navires d’entrer de nuit dans le port. Enfin, à partir de 1889, elle est l’une des premières villes à préférer l’électricité au gaz. C’est donc assez naturel que le MuMa ait choisi de consacrer une exposition à l’électricité et plus particulièrement à la représentation de la nuit par les artistes dans le cadre de Normandie impressionniste 2020, malgré le paradoxe que cela représente, les impressionnistes ne s’étant pas intéressés à ce type d’éclairage !
Le parcours comprend treize sections explorant les différents thèmes liés à la nuit et à l’éclairage électrique. Il commence tout naturellement avec les réverbères, qui apparurent avec l’éclairage au gaz et furent peu à peu remplacés par des lampes électriques. Entre 1853 et 1890, le nombre de becs de gaz parisiens passe ainsi de 12 400 à 51 500 ! Comme les arbres, ils font donc partie du paysage urbain et inspirent les peintres qui les insèrent dans leurs compositions comme le montrent, entre autres, les tableaux de Gustave Caillebotte ou de Charles Angrand. De son côté, le photographe Charles Marville fait plus de 90 clichés de réverbères, de tous types, des plus simples au plus impressionnants, pour la ville de Paris, dans les années 1860-1870.
Néanmoins, tout le monde ne bénéficie pas de ce nouvel éclairage qui est installé en priorité dans les quartiers chic ou dans les zones d’activités économiques, ce qui permet de continuer de travailler la nuit. Ainsi, le Réverbère à Arcueil (1899) d’Albert Marquet traduit plus le dénuement que la modernité.
La fin du XIXe siècle est le théâtre de grandes expositions à Paris. C’est l’occasion de mettre en avant les nouveautés apportées par l’électricité. Pour l’exposition universelle de 1878, c’est toute l’avenue de l’Opéra qui est illuminée. Celle de 1881 (900 000 visiteurs) consacre le triomphe de Thomas Edison, qui vient d’inventer la lampe à incandescence en 1879. En 1889, la tour Eiffel, brillamment éclairée au gaz, est visible de loin, grâce au phare fonctionnant à l’électricité installé à son sommet. L’apothéose est atteinte avec l’exposition universelle de 1900 (50 millions de visiteurs) consacrée à la « fée électricité ».
La généralisation de l’éclairage artificiel soutient le développement de la déambulation nocturne et offre de nouveaux sujets aux artistes, tel Le Moulin rouge ou Place Blanche (terrasse d’un café) (1896) de Pierre Bonnard ou Le Moulin rouge la nuit (vers 1907) d’Auguste Chabaud.
On l’a vu, l’éclairage urbain n’est pas le même partout. Il reste des zones sombres ou partiellement éclairées. C’est un autre sujet pour des artistes comme Steinlen ou Eugène Jansson dont on voit le sinistre Logement prolétaire (1898).
Une section est spécialement consacrée aux « lumières de la nuit havraise ». C’est l’occasion de présenter un tableau expérimental de Claude Monet, Le Port du Havre, effet de nuit (1872-1873), sans suite jusqu’en 1901. Gaston Prunier, de son côté, réalise 12 eaux-fortes tout à fait remarquables pour illustrer le volume Le Havre, effets de soir et de nuit (1892).
Si les impressionnistes sont peu intéressés par la nouvelle lumière, en revanche les néo-impressionnistes s’en emparent, exploitant les recherches sur la lumière de Chevreul, qui montrent que la couleur est magnifiée quand elle est composée de touches juxtaposées de couleurs vives complémentaires. Les toiles de Louis Hayet (La Parade, 1888 ; Fête foraine, la nuit, vers 1888), de Louis Valtat (L’Omnibus Paris-Bastille, 1895) ou encore de Maximilien Luce (Le Louvre et le Pont Neuf, la nuit, vers 1890-1892) nous en apportent la preuve.
En plus de la section consacrée aux photographies de réverbères, nous avons une section dédiée à la photographie et une au cinématographe. Il faut des trésors de patience ou d’imagination pour photographier ou filmer la nuit avec des pellicules peu sensibles. Gabriel Loppé, Paul Martin ou Léon Gimpel résolvent le problème avec des temps de pose très longs, jusqu’à une demi-heure, tandis que Georges Méliès fait appel à des trucages et à la coloration à la main de ses films. Une exposition originale, très complète avec ses 150 œuvres de quelque 70 artistes, mais souffrant d’un manque de lisibilité en ce qui concerne les panneaux didactiques. R.P. MuMa, Musée d’art moderne André Malraux. Jusqu’au 1er novembre 2020. Lien : muma-lehavre.fr


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