Parcours en images et en vidéos de l'exposition

NÉO-ROMANTIQUES
Un moment oublié de l’art moderne 1926-1972

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°569 du 3 mai 2023





Musée Marmottan Monet


1 - Une peinture oubliée

Scénographie
Une peinture oubliée

Il est plutôt réconfortant de penser que l'histoire de l'art moderne, dont on imagine connaître les moindres détails, recèle encore des zones d'ombre et des terres inexplorées. C'est que le grand récit de cette histoire de l'art au cours du XXe siècle se paie de silences et d’omissions que le temps contribue à réparer. Tel est le cas du courant néo-romantique resté dans les marges des mouvements artistiques, tout en jouissant d'une réputation discrète et du soutien de personnalités aussi fameuses que l'esthète et poétesse Gertrude Stein, l'écrivain Julien Green ou le cinéaste, peintre et dramaturge Jean Cocteau.
La présente exposition est la première d'une telle ampleur à être consacrée à ce mouvement depuis son apparition en 1926. Elle rassemble à nouveau, à près de cent ans d'écart, les participants de la manifestation initiale qui, organisée à l'improviste par de jeunes artistes liés d'amitié, devait cristalliser une nouvelle sensibilité et trouver un écho non seulement en France mais en Europe et aux États-Unis jusque dans les années 1970
 
Texte du panneau didactique.
 
Sir Francis Rose.  L’Ensemble, 1938. Huile sur toile, 200,5 x 350,5 cm. England & Co. Gallery. © Estate of Sir Francis Rose / photograph. © England & Co.

Une académie imaginaire.
Artiste excentrique et touche-à-tout, Sir Francis Rose (1909-1979), dont on retrouvera un ensemble d’œuvres dans le parcours de l’exposition, passa son adolescence dans le sud de la France et fréquenta très tôt un milieu dont sa mère, particulièrement fantasque, était familière: de la danseuse Isadora Duncan à Jean Cocteau, Christian Bérard ou l’écrivain et peintre Max Jacob. II s’installa à Paris entre 1929 et 1936, se forma auprès des artistes Francis Picabia et José Maria Sert, avant de se voir chaperonné par Gertrude Stein qui lui témoigna une indéfectible amitié. Jamais à court d’entregent, il mena dès les années 1930 une carrière internationale entre Paris, Londres et New York.
La toile imposante que l’on présente ici, composée en 1938, fut exposée au Petit Palais l’année suivante et revient aujourd’hui à Paris pour la première fois. Elle rassemble des figures aussi diverses que l'historien Henry-Russell Hitchcock, le danseur Serge Lifar, le galeriste Georges Maratier, l'écrivain Louis Bromfield, le musicien Virgil Thomson ou la poétesse Natalie Clifford Barney ; ils entourent Christian Bérard, Pavel Tchelitchew, Jean Cocteau, Gertrude Stein ou Alice B. Toklas dans ce que l’on peut considérer comme une sorte d’académie imaginaire du néo-romantisme.


1 - « Picasso et après... »

Scénographie
« Picasso et après... »

… Ou « d'après Picasso »? Le double sens du titre (After Picasso) du premier ouvrage consacré aux Néo-Romantiques en 1935 par leur ami, critique et collectionneur américain, James Thrall Soby (1906-1979), donne une clef de lecture essentielle du mouvement.
« Après Picasso »: comme les maniéristes du XVIe siècle italien, qui eurent à s'affirmer devant les œuvres écrasantes de Léonard, Raphaël ou Michel-Ange, Bérard, Tchelitchew et les frères Berman se trouvèrent confrontés à la création déjà immense et multiple de Picasso et durent trouver une façon d’y répondre.
« D'après Picasso »: ils le firent en partie en retournant pour ainsi dire cette œuvre contre elle-même, et en s’appuyant sur la thématique mélancolique, le chromatisme contenu des périodes rose et bleue pour tracer une nouvelle voie face à celles du cubisme et de l’abstraction dans lesquelles Picasso était alors engagé et qui dominaient la scène artistique, au risque de se figer en un nouvel académisme.

On ne saurait évidemment réduire l’approche néo-romantique à cette seule grille de lecture: le premier surréalisme, l’œuvre de Giorgio de Chirico, la peinture «Métaphysique» italienne - que les jeunes artistes découvraient alors chez des galeristes influents comme Paul Guillaume -, les œuvres des frères Le Nain, de Degas, Manet ou Vallotton comptent aussi parmi les sources d'inspiration puissantes du nouveau «climat»  néo-romantique qui apparaît au tournant des années 1920.
 
Texte du panneau didactique.
 
Giorgio de Chirico (1888-1978). Mélancolie d’un après-midi, 1913. Huile sur toile. Paris, Centre Pompidou - Musée national d’art moderne. Centre de création industrielle.
Denis Polge, né en 1972. Dix portraits, 2023. Peinture à l’huile sur bois.

Peintre, sculpteur, céramiste, Denis Polge s’intéresse depuis longtemps aux Néo-Romantiques, dont on retrouve un certain écho dans son œuvre. Il a dressé, à l’invitation du musée Marmottan Monet, et spécialement pour l’exposition, une galerie de portraits des principaux protagonistes du mouvement.
 
Carlo Carrà (1881-1966). Ponte Caricatore, 1930. Huile sur toile. Paris, Centre Pompidou - Musée national d’art moderne. Centre de création industrielle. Don de M. Frua de Angeli en 1932.
 
Carlo Carrà (1881-1966). Marine avec figures, vers 1940.  Tempera sur toile. Faenza, Pinacoteca Comunale.


2 - Galerie Druet, Rue Royale, février 1926

Scénographie
Galerie Druet, Rue Royale, février 1926

Fin février 1926, quelques jeunes artistes, tout juste sortis de l’académie Ranson où ils avaient suivi les cours des peintres Edouard Vuillard, Félix Vallotton et Maurice Denis, profitèrent des liens de l’un d’entre eux, Pierre Charbonnier (1897-1978), avec la galerie Druet, pour organiser un accrochage de fortune. Outre ce dernier, artiste encore largement sous-estimé, il s’agissait de Christian Bérard et Thérèse Debains, d’un jeune prodige hollandais, Kristians Tonny, et de trois jeunes Russes ayant fui la révolution de 1917 : Pavel Tchelitchew, Eugène Berman et son frère Léonide.

Ils se distinguaient à quelques traits : le retour à la figuration dans le contexte du cubisme triomphant, une certaine prédilection pour la représentation du visage et celle de paysages plutôt fantomatiques, une pâte souvent épaisse et granuleuse, le refus des contrastes de valeurs au profit d’infimes variations tonales dont résultait une surface picturale sombre, parfois à la limite du monochrome. C'était une peinture de la mélancolie, de l’exil et de la nostalgie.

Aussi discrète et improvisée qu’elle fut, cette exposition précipita un sentiment et une attente diffus et fut considérée par des personnalités aussi diverses que Gertrude Stein, le critique Waldemar-George et James Thrall Soby, auteur, quelques années plus tard, d’un livre fondateur sur le mouvement, comme la manifestation d'un nouvel esprit du temps qui devait passer dans l’histoire sous le terme de néo-romantisme.
 
Texte du panneau didactique.
 
Pierre Charbonnier (1897-1978). Portrait de Georges Hugnet, n.d. Huile sur toile. Collection particulière.

Passé par l’École des beaux-arts de Lyon, puis celle de Paris, Pierre Charbonnier (1897-1978) suivit les cours de l'académie Ranson. C'est là qu’il fit la connaissance de Christian Bérard et des autres futurs Néo-Romantiques. Il fut d’ailleurs l’initiateur de l'exposition de 1926 à la galerie Druet. Mais s’il était au nombre des peintres exposés, il demeura extérieur au mouvement et suivit son propre chemin, s'intéressant notamment au cinéma - il est l’auteur d’un remarquable film d'animation, La Fortune enchantée (1936), et reste aujourd’hui connu pour avoir été pendant 40 ans le décorateur des films de Robert Bresson. Son œuvre picturale, discrète, loin des modes, reste à découvrir.
 
Eugène Berman (1899-1972). Les chevaux d'Apollon, 1932. Huile sur toile. Paris, collection José Quiroga.
 
Christian Bérard  (1902-1949). Autoportrait, vers 1930. Huile sur toile. Paris, collection José Quiroga.
 
Jean-Francis Laglenne (1899-1962).  Fleurs, 1923. Huile sur toile. Paris, Centre national des arts plastiques. En dépôt au Musée d'Art et d'Industrie André Diligent - La Piscine, Roubaix.
 
Léonide Berman (1898-1976). Marais salants, 1931. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Thérèse Debains (1897-1975). Paysage, vers 1926. Huile sur toile. Paris, collection José Quiroga.
 
Eugène Berman (1899-1972). Portrait de jeune fille, 1928. Huile sur toile. Paris, collection José Quiroga.


3 - Christian Bérard

Scénographie
Christian Bérard

Fils unique d’une famille bourgeoise parisienne, Christian Bérard (1902-1949) montre très tôt des dispositions pour le dessin et passe dès le début des années 1920 par l'académie Ranson. C’est là qu’il fait la connaissance d’Eugène et Léonide Berman, de Thérèse Debains et de Pavel Tchelitchew avec lesquels il participe à l’exposition séminale de la galerie Druet en 1926.
Le succès de ses premiers décors de théâtre dans les années 1930, et celui des illustrations - tant de livres que de magazines - qu’il exécutait avec une rapidité et une virtuosité déconcertantes, l’éloignent peu à peu de la peinture et lui vaut une réputation de touche-à-tout mondain et frivole qui le desservira longtemps.
Il exprimait son désir de retourner à la peinture lorsqu'il meurt prématurément en 1949, usé par le travail, le succès et la drogue.
Clochard magnifique aux vêtements maculés de peinture et à la barbe «constellée de diverses créatures», selon l’une des rédactrices de mode qu’il côtoyait, Bérard reste aujourd’hui connu du grand public pour les décors et costumes qu’il imagina pour les films La Belle et la Bête (1946) ou L’Aigle à deux têtes (1947) de Jean Cocteau. Mais son œuvre picturale fut constamment et discrètement recherchée par des amateurs aussi éclairés que Julien Green, l’écrivaine, peintre et mécène Marie-Laure de Noailles ou le couturier Yves Saint Laurent. Le temps semble être venu désormais d’apprécier à leur juste mesure ses toiles poétiques et troublantes, qui enchantent par leur beauté mélancoliques.
 
Texte du panneau didactique.
 
Christian Bérard (1902-1949). Portrait de Boris Kochno, 1929. Huile sur toile. Monaco, Nouveau Musée National de Monaco. Ancienne collection Boris Kochno.
Christian Bérard  (1902-1949) et Jean-Michel Frank. Paravent à quatre feuilles réalisé pour l’appartement de Claire Artaud, 1936.
Huile sur toile, bois moulé doré, 105 x 212 cm.
Paris, Alexandre Biaggi. © Droits réservés.
 
Christian Bérard  (1902-1949). Deux autoportraits sur la plage, 1933. Huile sur toile, 79 x 114 cm. Collection particulière. © studio Christian Baraja SLB.
 
Alexandre Serebriakoff (1907-1994). Intérieur, Le vestibule – Rue Casimir Delavigne, 1947. Aquarelle, crayon graphite et encre noire et brune rehaussé de gouache sur papier vélin, 33,6 x 45,1 cm. Monaco, Nouveau musée National Monaco. © Droits réservés.
Scénographie
 
Christian Bérard (1902-1949). Portrait de jeune homme avec paysage, n.d. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Christian Bérard (1902-1949). Lavis original pour Intermezzo de Jean Giraudoux. Neuchâtel, Ides et Calendes, 1946. Collection particulière. Ancienne collection Hélène Anavi.
Scénographie
 
Victor Grandpierre et Christian Bérard (1902-1949). Christian Bérard dessinant les costumes du Songe d'une nuit d'été au château de Montredon, juillet 1942. Tirage argentique avec rehauts d’aquarelle de Christian Bérard. Paris, Alexandre Biaggi.
 
Christian Bérard (1902 1949). Autoportrait, 1930. Huile sur toile. Monaco, Nouveau Musée National de Monaco. Ancienne collection Boris Kochno.
Scénographie
 
Christian Bérard (1902-1949). Portrait d’une femme (Hélène Gordon-Lazareff), 1939. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Christian Bérard (1902-1949). Portrait d’une femme (Hélène Anavi), 1948. Huile sur toile, 60 x 50 cm. Collection particulière. © studio Christian Baraja SLB.

Née à Beyrouth dans une famille juive d’origine roumaine, de nationalité américaine, Hélène Anavi (1904-1984) fut avec son mari, le banquier Claude Hersaint, une figure du tout Paris artistique et mondain du milieu du XXe siècle. Le couple constitua une impressionnante collection d’artistes contemporains, de Miro à Balthus (qui fit d’elle un célèbre portrait), et de Dali à Georges Mathieu. Après son divorce en 1960, Hélène Anavi s'installa dans un moulin du sud-ouest de la France, entourée du plus clair de la collection. Très proche de Christian Bérard, elle possédait plusieurs œuvres de l'artiste - dont ce portrait et les trois volumes de théâtre de Jean Giraudoux, enrichis de lavis en double page, présentés ici.


4 - Pavel Tchelitchew

Scénographie
Pavel Tchelitchew

Issu de l'aristocratie russe, scénographe avant d’être peintre, Pavel Tchelitchew (1898-1957) fuit son pays natal après la révolution d'Octobre 1917. II se réfugie avec sa famille à Kiev et suit pendant deux ans les enseignements de la peintre constructiviste Alexandra Exter et d’Isaac Rabinovitch, qui exerceront sur lui une profonde influence. Un nouvel exil à Odessa précède un séjour à Istanbul où il réalise sa première scénographie de théâtre, travail qu’il poursuivra dans le Berlin des années 1920.
Il s’installe à Paris en 1923 et décide de se consacrer exclusivement à la peinture. Il présente au Salon d’automne de 1925 quelques tableaux, dont un mythique Panier de fraises, immédiatement remarqués par Gertrude Stein qui lui propose d'acheter l’ensemble de son œuvre. Il participe l'année suivante à l’exposition de la galerie Druet et trouve très vite des amateurs inconditionnels en la personne de la poétesse Edith Sitwell, à Londres, ou du balletomane, critique et collectionneur Lincoln Kïrstein, à New York.
Le galeriste Julien Levy, inlassable défenseur des Néo-Romantiques, organise en 1934 la première exposition personnelle de Tchelitchew aux États-Unis et ce dernier s’y installe la même année avec son compagnon, l'éditeur et poète Charles Henry Ford.
Il se voit consacrer une exposition monographique au Musée d’art moderne de New York dès 1942, et développera ensuite diverses manières qui s’éloignent toujours plus du chromatisme sombre et resserré de ses années parisiennes pour aboutir à des œuvres aux contrastes violents, à l’imagerie hallucinée, dans lesquelles certains ont pu voir la préfiguration de l’art psychédélique des années 1970.
Il passe ses dernières années en Italie, où il meurt en 1957.
 
Texte du panneau didactique.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Clown (dit aussi Clown vert), 1929. Huile sur toile. New York, collection halley k harrisburg et Michael Rosenfeld.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Portrait de Charles Henri Ford, 1945. Encre sur papier. Collection particulière.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Autoportrait, 1924. Huile sur toile. Paris, Centre Pompidou. Musée national d'art moderne - Centre de création industriel. En dépôt au Musée des Beaux-Arts de Nancy. Legs de Mme Alexandra Zaoussailoff en 1974.
Scénographie
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Nu, 1926. Huile, sable et café sur toile, 99,5 x 64 cm. Collection de Georgy et Tatiana Khatsenkov. © Maxime Melnikov.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Couple dans les nuages (n°72), 1932. Encre et lavis sur papier. Collection particulière.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957).  Interior Landscape, vers 1947. Huile sur toile, 80,6 x 65,4 cm. New-York, Michael Rosenfeld Gallery. © Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC.

«En fait, pour Tchelitchew, rien n'est simultané; tout s'ordonne pour la vision dans un mouvement de préséance où les couleurs se succèdent prestement. Pour apprendre à voir dynamiquement, j'ai écouté la leçon du peintre. L'œil, m'a-t-il dit, obéit à la loi des quatre éléments. L'œil d'abord voit l'ocre, la couleur solide, la couleur sans drame, symbole de la terre. Puis l’œil soumis à la dialectique la plus simple, celle du haut et du bas, voit le bleu symbole des légèretés aériennes. La chimie rétinienne commence: ocre et bleu donnent ensemble «l'illusion du vert»; l'illusion de l'élément trompeur qu'est l'eau féminine. Cette eau n'a pas de géométrie personnelle, elle prend pour ses reflets la géométrie des autres. Mais voici enfin le principe floral qui enflamme les objets: le rose le plus léger, le rose complémentaire pictural du vert, le rose qui est le premier feu. Pour Tchelitchew, un blanc naîtra au terme de toutes ces couleurs légendaires, un blanc de pure lumière, un blanc éthéréen. »
Gaston Bachelard, préface d’une exposition à la galerie Rive Gauche, Paris, 1954.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Le cheval, 1956. Crayon de couleur et pastel sur papier noir. Paris, collection José Quiroga.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Tête, 1950. Pastel sur papier. New York, avec l’aimable autorisation de la Michael Rosenfeld Gallery LLC.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). The Sun, 1945. Tempera sur isorel. New York, avec l’aimable autorisation de la Michael Rosenfeld Gallery LLC.
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Trois portraits de Joella Levy, n.d. Encre brune et lavis sur papier. Collection particulière.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Nu, 1926. Huile, sable et café sur toile. Monaco, collection Georgy et Tatiana Khatsenkov.
 
Pavel Tchelitchew (1898-1957). Nus masculins, vers 1920. Huile sur toile. Monaco, collection Georgy et Tatiana Khatsenkov.


5 - Eugène Berman

Scénographie
Eugène Berman

Eugène Berman (1899-1972) appartenait à une famille aisée de Saint-Pétersbourg, ville qu’il dut fuir, en même temps que son frère Léonide, lors de la révolution de 1917. À Paris, ils s’inscrivent, sur la recommandation de leur professeur, Nicolas Roerich, à l’académie Ranson, où ils ne tardent pas à se lier avec certains de leurs condisciples parisiens, futurs membres du courant néo-romantique. Un premier voyage en Italie, la découverte de Giorgio de Chirico, mais aussi la rencontre avec deux architectes et décorateurs, Emilio Terry et Jean-Charles Moreux sont autant d'éléments qui décident assez tôt de l’inspiration et des sujets de Berman, dont les toiles aux teintes sourdes se couvrent de mystérieuses scènes urbaines, de paysages mélancoliques, déserts ou parsemés de ruines, qui rappellent ceux de certains peintres et graveurs italiens du XVIIe siècle.
Il est tout naturellement appelé à prolonger cet imaginaire dans des décors et scénographies - de théâtre, de ballet et d'opéra -, aussi bien en France qu'aux États-Unis, où il s’installe au milieu des années 1930. Une rupture s’opère dans sa peinture, dont les couleurs se font plus vives, contrastées, voire saturées, tandis qu’il développe un nouvel univers visuel fondé sur la transfiguration du paysage américain.
Le suicide de sa femme, l’actrice Ona Munson, qui inspira d'innombrables variations sur le thème d’une créature mythologique à la chevelure flamboyante, compte sans doute parmi les motifs de son départ des États-Unis après-guerre, et de son installation définitive à Rome, où il peut donner libre cours à sa fascination pour le monde antique et les objets archéologiques. II lègue à l’état italien, à sa mort en 1972, l’importante collection qu’il a rassemblée lors de ses voyages - véritable musée qui fait écho à celui, imaginaire, de son œuvre.
 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Berman (1899-1972). Vase en verre de Murano, vers 1950. Collection particulière.
 
Eugène Berman  (1899-1972). Sunset (Medusa), 1945. Huile sur toile, 146.4 x 114.3 cm. Gift of the North Carolina State Art Society (Robert F. Phifer Bequest) in honor of Beth Cummings Paschal, G.74.8.2. Raleigh, North Carolina Museum of Art. © Raleigh, North Carolina Museum of Art.
 
Eugène Berman  (1899-1972). Dormeurs près de statue et campanile, 1932. Huile sur toile, 92,1 x 73 cm. Collection de Georgy et Tatiana Khatsenkov. © Maxime Melnikov.
Scénographie
 
Voir ci-dessous.
 
Voir ci-dessous.
Eugene Berman (1899-1972). Scéne de la Vie des Bohémiens pour la salle à manger de James Thrall Soby, 1936. Cinq huiles sur panneau. Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art. Don de James T. Soby en mémoire de son père, Charles Soby.

Auteur de l’étude séminale sur les Néo-Romantiques (After Picasso, 1935), James Thrall Soby (1906-1979) fit partie du petit groupe de collectionneurs, conservateurs et galeristes qui prirent fait et cause aux États-Unis pour le mouvement dès les années 1930. Inlassable défenseur de Berman en particulier, il lui commanda en 1936 une série de panneaux en trompe-l’œil pour la salle à manger de sa résidence à Farmington, près de Hartford. Marqués par le souvenir d'un récent voyage de Berman en Sicile, ces panneaux retrouvent l'esprit des grands décors du baroque italien et comptent parmi les œuvres les plus remarquables de l’artiste.
 
Eugène Berman (1899-1972). Marie-Laure de Noailles, 1938. Huile sur toile. Collection particulière.

Mécène, écrivain et peintre, égérie mondaine des années 1920 aux années 1960, Marie-Laure de Noailles (1902-1970) servit de modèle aux nombreux artistes qu’elle côtoyait - de Picasso à Valentine Hugo en passant par Balthus, Dora Maar ou Giacometti. Christian Bérard, puis Eugène Berman réalisèrent son portrait, deux toiles qui eurent les honneurs du fumoir de l’hôtel particulier de la place des États-Unis qu’elle possédait avec son mari. On notera dans la composition du grand tableau de Berman, au mur de ce que l’on imagine être l’atelier de l'artiste, une variation de ce portrait de Marie-Laure de Noailles en bohémienne, où elle se tient debout, en extérieur et, surtout, de dos, singularité éminemment bermanienne.
 
Eugène Berman (1899-1972). À la recherche des nuages évanouis, 1940. Huile sur toile, 59 x 72 cm. Paris, Alexandre Biaggi. © Droits réservés.
Scénographie
 
Eugène Berman (1899-1972). Mélancolie, 1937. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Eugène Berman (1899-1972). Médusa, 1968. Huile sur toile, 30 x 40 cm. Collection particulière. © studio Christian Baraja SLB.
 
Eugène Berman (1899-1972). Vase en verre de Murano, série «Ruines», pour la maison Venini, vers 1950. Collection particulière.

En 1951, Eugène Berman répondit, en même temps que les artistes et designers Gio Ponti, Piero Fornasetti ou Tobia Scarpa, à l'invitation de Paolo Venini (1895-1959), fondateur de la célèbre verrerie vénitienne éponyme, qui souhaitait donner un tour contemporain à sa production. Berman imagina une série de vases et d'objets qu’il rassembla sous le titre de Rovine («Ruines»). Exécuté selon la technique du «scavo », qui cherche à retrouver, par l’application d’une poudre minérale sur la surface de l’objet, l’aspect des verres antiques après leur extraction lors de fouilles (scavi), le vase de couleur verte est ponctué d’applications rubanées et de mascarons à têtes de lion. On retrouve le même motif dans le vase de couleur bleue, moins travaillé, mais toujours exécuté selon la technique du scavo, qui pourrait être un essai ou un prototype dont les exemples sont rares.
 
Eugène Berman (1899-1972). Paysage d'Italie, 1929. Huile sur toile. Collection particulière.


6 - Léonide Berman

Scénographie
Léonide Berman

La vie de Léonide Berman (1896-1976) reste étroitement liée jusqu’à la déclaration de guerre de 1939 à celle de son frère Eugène. Même enfance privilégiée à Saint-Pétersbourg, mêmes dispositions pour le dessin et l’art en général, même exil à Paris quand ils sont chassés de leur Russie natale par les événements d'octobre 1917. Et c’est ensemble qu’ils s’inscrivent à l’académie Ranson, où Léonide est rapidement emporté dans un imbroglio sentimental avec Thérèse Debains et Christian Bérard. II trouve une inspiration particulière dans le paysage littoral français, depuis la Côte d’Azur jusqu’à la mer du Nord, qui confère à son œuvre une tonalité chromatique restreinte, d’ocres et de camaïeux perlés de verts, et lui permet de jouer du contraste entre l’immensité de l’espace et les limites de la toile.
Il s’installe en 1946 aux États-Unis et reprend, sous le nom de Leonid, le fil d’une œuvre dont les paysages, d’une palette désormais différente, sont aussi bien américains que japonais, indiens, thaïlandais, anglais, italiens ou portugais. Il a laissé un important journal, écrit en français, dont une partie, source précieuse sur les débuts du néo-romantisme, a été publiée en 1976 à New York sous le titre The Three Worlds of Leonid.
 
Texte du panneau didactique.
 
Léonide Berman (1898-1976). Fillette à l'araignée, vers 1946. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Léonide Berman (1898-1976). Malamocco, Lagune Vénitienne, 1948. Huile sur toile, 91, 5 x 71 cm. Collection de Georgy et Tatiana Khatsenkov. © Maxime Melnikov.
 
Léonide Berman (1898-1976). Portrait de Georges Hugnet, 1931. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Léonide Berman (1898-1976). Sachuest Point, Sakonnet River, Rhode Island, 1951. Huile sur toile. New York, avec l’aimable autorisation de la Michael Rosenfeld Gallery LLC.
 
Léonide Berman (1898-1976). Le Chalutier, 1935. Huile sur toile. Paris, collection Patrick Mauriès.
 
Léonide Berman (1898-1976). Pêcheurs avec nasses, vers 1940. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Léonide Berman (1898-1976). Pêcheuses de crevettes, 1948. Huile sur toile. Collection particulière.

Si les premiers rivages français que découvrit Léonide Berman furent sans doute méditerranéens, ce sont ceux de la Manche et de la mer du Nord, révélés lors d’un séjour à Boulogne-sur-Mer en 1929, qui devaient le marquer et fixer pour de longues années son imaginaire topographique et sa palette. «J'avais trouvé mon sujet», écrivit-il plus tard, «la mer, l’espace et la solitude.» Par la suite, jusqu’à son départ de France, il exploita inlassablement ces côtes et ces lumières sur des petites toiles aux coloris sourds, plus proches de certains tableaux vénitiens d’un Francesco Guardi que des impressionnistes, où l’espace semble se déployer à l’infini, piqueté ici et là par les silhouettes plus ou moins ténues des humains et de leurs outils.


7 - Thérèse Debains

Scénographie
Thérèse Debains

Née en 1897 à Versailles, où elle vécut longtemps en compagnie de sa mère et de sa sœur, Thérèse Debains est sans conteste la figure la plus élusive du néo-romantisme, au point d’être régulièrement ignorée jusque dans les chroniques de l’époque. Élève à l’académie Ranson, elle fit pourtant partie du premier cercle du mouvement : d’une beauté solaire, elle était considérée comme l’un des talents les plus prometteurs du groupe et avait noué une amitié passionnée avec Bérard, auquel elle était liée par une culture et un goût communs. Le duo fascinait en particulier Léonide Berman qui y voyait, ainsi qu’il l’écrivit plus tard, «deux êtres qui étaient typiquement français, au physique comme au moral». Un triangle amoureux ne tarda pas à se nouer aux conséquences plutôt désastreuses.
Quoiqu'elle ait poursuivi une longue carrière de peintre jusqu’à sa disparition en 1974, Thérèse Debains s’effaça très tôt derrière son œuvre, produisant essentiellement des portraits, des tableaux de fleurs et des paysages de Bretagne dans une gamme de couleurs claires et transparentes qui semblent marquer comme un retour vers le post-impressionnisme de ses débuts. Il est permis d’espérer que la présente exposition marque le début de sa redécouverte et permette de retracer enfin le parcours de cette artiste injustement sous-estimée.
 
Texte du panneau didactique.
 
Thérèse Debains (1897-1975). Paysage de Bretagne, n.d. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Thérèse Debains (1897-1975).  Portrait de jeune femme, vers 1948.  Huile sur panneau, 48 x 38 cm. Collection particulière. © studio Christian Baraja SLB.
 
Thérèse Debains (1897-1975). Portrait de jeune garçon, s. d. Huile sur panneau, 58 x 50 cm. Collection particulière. © Photo François Fernandez Nice ADAGP 2022.


8 - Kristians Tonny

Scénographie
Kristians Tonny

D'origine hollandaise, arrivé à Paris en 1913, Kristians Tonny (1907-1977) commença une carrière d'enfant prodige, exposant pour la première fois dans une galerie parisienne en 1920 puis à Amsterdam quatre ans plus tard.
Dessinateur remarquable, il fut l’objet, comme Tchelitchew ou Berman, de l’engouement de Gertrude Stein, puis se gagna le soutien de Chick Austin qui lui commanda une fresque pour l’auditorium du Wadsworth Atheneum en 1937. En dépit de sa profonde implication dans le mouvement néo-romantique, l’œuvre de Tonny garde une qualité particulière et s’inscrit dans la continuité de la tradition de fantaisie extravagante et grotesque qui, notait James Thrall Soby, remonte à Jérôme Bosch et Brueghel. Il cultive d’un côté un univers grouillant, un dessin touffu, saturant l’espace de la toile ou du papier; et de l'autre, des portraits fouillés, «nordiques, précis plutôt que teintés de sentiments comme pouvaient l’être ceux de Bérard» (Soby).
Après avoir quitté Paris pour Tanger, puis les États-Unis et le Mexique à la fin des années 1930, Tonny revint en Europe juste avant la guerre et se rallia au surréalisme qu’il essaya d’acclimater aux Pays-Bas. De retour à Amsterdam en 1949, il passa la dernière partie de sa vie à poursuivre dans le silence une œuvre abondante et solitaire jusqu'à sa mort en 1977.
 
Texte du panneau didactique.
 
Christian Bérard (1902-1949). Les Musiciens, Projet de décor pour Marie-Blanche de Polignac, vers 1937. Peinture à l'huile sur maquette en plâtre. Londres, collection Julia and Michael Pruskin.
 
Kristians Tonny (1907-1977). D’après Van Eyck (Gertrude Stein), 1930-1936. Encre noire et tempera sur isorel collée sur carton. Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art. The Ella Gallup Sumner and Mary Catlin Sumner Collection Fund. Don de James T. Soby en mémoire de son père, Charles Soby. © Allen Phillips / Wadsworth Atheneum.
 
Kristians Tonny  (1907-1977). Autoportrait, n.d. Huile sur toile, 95 x 75 cm. Collection particulière. © studio Christian Baraja SLB.


9 - Christopher Wood,
Sir Francis Rose

Scénographie
Christopher Wood,
Sir Francis Rose


Figures intermédiaires entre l’Angleterre et la France, dont ils étaient également familiers, fréquentant les cercles de Gertrude Stein et des Noailles comme ceux de l’establishment artistique britannique, Christopher Wood (1901-1930) et Sir Francis Rose (1909-1979) offrent deux éminentes figures d’«irréguliers», proches en esprit comme dans leurs parcours des Néo-Romantiques parisiens.
Artiste remarquable à la vie aventureuse, disparu prématurément, le premier partagea l’opium avec Jean Cocteau et fut lié au poète Max Jacob, au compositeur Georges Auric, à Christian Bérard et au peintre Jean Hugo. Restreinte, par la force des choses, son œuvre est cependant d’une grande richesse stylistique. L’admirable portrait de Jean Bourgoint à ceci d’exemplaire qu’il représente une figure de la bohème artistique et littéraire de l’époque, modèle supposé, avec sa sœur Jeanne, des Enfants Terribles de
Cocteau.
En 1925, peu avant sa mort, Wood rencontra Sir Francis Rose qui devint son amant, complice et modèle. Peintre, scénographe, illustrateur, familier du beau monde comme des milieux interlopes, ce dilettante émérite bénéficia du soutien inébranlable de Gertrude Stein. Il eut droit en 1938 aux honneurs du Petit Palais où fut présenté, en même temps que des œuvres inspirées par un voyage en Chine, l’Ensemble que l’on peut voir à l’entrée de l’exposition. Sir Francis Rose appartient de plein droit à l’histoire de ces excentriques anglais dont Edith Sitwell disait qu’ils étaient le produit de l’incomparable «sens de l’infaillibilité qui est l’apanage et la particularité de la nation Britannique».
 
Texte du panneau didactique.
 
Sir Francis Rose (1909-1979). Personnage d’après Le Nain, n.d. Huile sur panneau. Collection particulière.
 
Christopher Wood (1901-1930). Garçon avec un chat (Jean Bourgoint), 1926. Huile et graphite sur toile. Cambridge, Kettle's Yard, University of Cambridge.
 
Sir Francis Rose (1909-1979). L'ange et le prince, 1932. Huile sur toile, 114 x 88, 5 x 5 cm (avec cadre). Collection particulière. © studio Christian Baraja SLB.


10 - 17 place Vendôme, 5 juillet 1939

Scénographie
17 place Vendôme, 5 juillet 1939

En 1939, René Drouin, qui avait jusqu'alors mené une carrière de designer au goût moderniste, s’associa avec un ami fraîchement arrivé de Roumanie, Leo Castelli, pour ouvrir une galerie place Vendôme, dans l'immeuble mitoyen de celui de la créatrice de mode Elsa Schiaparelli. Ils confièrent la direction artistique de l'exposition inaugurale à une jeune artiste, native de Trieste comme Castelli, et déjà bien introduite dans les milieux artistiques et mondains parisiens, Leonor Fini (1908-1996).
Amie de Max Ernst, Paul Éluard et Salvador Dali, elle l'était aussi de Pavel Tchelitchew et d’Eugène Berman; et elle associa ce dernier au projet de l'exposition dont le thème était les meubles oniriques. II imagina un cabinet-ruine qui répondait à l’«armoire anthropomorphe», bordée de créatures ailées aux chevelures ondoyantes, qu'avait pour sa part composée Fini et qu'elle compléta de deux panneaux en grisaille, dans l'esprit des Costumes grotesques imaginés vers 1700 par Nicolas de Larmessin, représentant la Peinture et l'Architecture.
L’armoire de Berman, conservée au Victoria & Albert Museum de Londres, et les deux panneaux de Leonor Fini, provenant d’une collection privée américaine, sont réunis ici pour la première fois depuis l'exposition de juillet 1939, qui marqua une césure  importante dans l’histoire du néo-romantisme.
 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Berman (1899-1972). Garde-robe en trompe-l’œil pour la galerie René Drouin, place Vendôme, 1939. Toile peinte sur châssis en pin. Londres, Victoria and Albert Museum.

Cette impressionnante garde-robe fut présentée lors de l'exposition inaugurale de la galerie Drouin, en 1939, et à l’invitation de l'artiste Leonor Fini. La forme est un simple parallélépipède surmonté d’un fronton triangulaire, et couvert d’un savant trompe-l'œil où l'artiste donne libre cours à sa fascination pour les architectures de Palladio et de Serlio, mais aussi pour la thématique de la ruine qui traverse toute son œuvre. Rare mobilier que Berman ait réalisé dans sa carrière, cet objet en trompe-l’œil lui permit de mener plus loin encore ses recherches sur l'illusionnisme en peinture, passant de la toile à un objet en trois dimensions.
 
Leonor Fini (1908-1996). L'Architecture, 1938-1939. Huile sur panneau. Collection Warren H. Lortie, avec l’aimable autorisation de la Weinstein Gallery.
 
Leonor Fini (1908-1996). La Peinture, 1938-1939. Huile sur panneau. Collection Warren H. Lortie, avec l’aimable autorisation de la Weinstein Gallery.
 
Eugène Berman (1899-1972). Femmes sur la plage, 1937. Encre, lavis et gouache sur papier. Collection particulière.
 
Eugène Berman (1899-1972). Napolitaines, 1935. Encre et aquarelle sur papier. Collection particulière.


11 - Italies

Scénographie
Italies

L'Italie, son paysage et son art, qu’il soit ancien ou moderne, rayonne au cœur de l’imaginaire néo-romantique. Christian Bérard et les frères Berman en particulier firent plusieurs voyages dans la péninsule dès les années 1920, et ils s’avouèrent marqués de façon indélébile tant par la peinture «métaphysique» d’un de Chirico ou d’un Carlo Carrà, comme on l’a vu au début de ce parcours, que par la remise en lumière des maîtres du Quattrocento ou encore par la peinture du Baroque italien. À quoi s’ajoutait, dans le cas d’Eugène Berman, la fascination pour l’architecture du classicisme et du Barocco.
Si Waldemar-George essaya de rapprocher les Néo-Romantiques de certains courants artistiques et critiques italiens proches du fascisme, lesquels prônaient le retour à une «romanité» originaire, il est clair que le rêve italien des Néo-Romantiques tenait plus à la nostalgie et à la réinvention d’un héritage ou d’une mémoire; les frères Berman ainsi que Tchelitchew furent profondément impressionnés par l'architecture de Saint-Pétersbourg, ville «italienne» s'il en est ; Pavel Tchelitchew et Eugène Berman choisirent de retourner à Rome, après la guerre, et d’y passer leurs dernières années.
 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Berman (1899-1972). La Nuit des Rois, 1938. Aquarelle, encre et gouache sur papier. Rome, Galleria del Laocoonte.
 
Eugène Berman (1899-1972). Don Quichotte, n.d. Aquarelle, encre et gouache sur papier. Paris, Alexandre Biaggi.
 
Eugène Berman (1899-1972). Esquisse pour Rigoletto, 1951. Encre de Chine et pastel sur papier. Rome, Galleria del Laocoonte.
 
Eugène Berman (1899-1972). Roma, 1954. Aquarelle, encre et gouache sur papier. Paris, Alexandre Biaggi.
 
Eugène Berman (1899-1972). Rome II, 1951. Aquarelle, encre et gouache sur papier. Paris, Alexandre Biaggi.


12 - Scènes de théâtre

Scénographie
Scènes de théâtre

Le théâtre, le ballet, l’opéra occupent une place fondamentale tant dans la pratique que dans la thématique des Néo-Romantiques. Thématique dérivée pour une part du Picasso des périodes rose et bleue, de ses familles de saltimbanques, de ses personnages de commedia dell’arte et de ses travestissements multiples qui seraient, selon Jean Starobinski, «une façon détournée et parodique de poser la question de l’art». Elle trouvait aussi son origine, particulièrement dans le cas des Berman et de Tchelitchew, dans la fréquentation du théâtre et de l’opéra dès leur adolescence et dans leur proximité avec l’univers de Diaghilev et des Ballets russes. C’est donc tout naturellement qu’ils furent ensuite amenés à collaborer directement avec les plus grandes scènes, du Théâtre des Champs-Élysées au Metropolitan Opera et à la Scala.
Christian Bérard, de son côté, marqua profondément de son empreinte le monde du théâtre parisien, par ses collaborations avec Louis Jouvet, et celui du cinéma, avec les décors et costumes qu’il exécuta pour Jean Cocteau. Art de la représentation, du décalage, de la citation et de la métamorphose, la scénographie, au sens large, correspondait parfaitement à l’un des aspects de la sensibilité des Néo-Romantiques : ils y excellèrent souvent, sans que cela soit porté à leur crédit, dans la mesure où l’on a souvent considéré ce genre de création comme une forme d’art secondaire ou impure.
 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Berman (1899-1972). Albrecht dans Giselle, n.d. Aquarelle, encre et gouache sur papier. Paris, Alexandre Biaggi.
 
Eugène Berman (1899-1972). Green Hunting Man, 1941. Encre, huile et gouache sur papier. Collection particulière.
 
Eugène Berman (1899-1972). Lithographies pour Mozartiana  de Raffaele Carrieri. Milan, Piero Fornasetti, 1956. Paris, collection Patrick Mauriès.
 
Eugène Berman (1899-1972). Roméo et Juliette, vers 1943. Aquarelle et encre sur papier. Paris, Alexandre Biaggi.
 
Christian Bérard (1902-1949). Sans titre, 1929. Encre noire et gouache. Collection particulière.


13 - Un bal de papier

Scénographie
Un bal de papier

Avec le galeriste Julien Levy, Arthur-Everett « Chick » Austin, conservateur du Wadsworth Atheneum de Hartford, l’un des plus anciens musées des États-Unis, compta parmi les indéfectibles défenseurs des Néo-Romantiques, qu’il fit régulièrement venir à Hartford et auxquels il consacra plusieurs expositions.
Fidèle à son goût pour le théâtre et l'illusion - il pratiquait la prestidigitation sous le nom de The Great Osram, et se fit construire une pseudo-villa vénitienne de seulement quelques mètres de large - il invita, en 1936, Tchelitchew et Berman à concevoir le décor d’un «Paper Ball» dans l’une des salles du musée dont les deux artistes mirent des heures à couvrir les murs d’une résille de papier et où ils créèrent, dans la foulée, les costumes des invités.
Alexander Calder, autre artiste que défendait déjà Austin, se joignit à eux en imaginant une ménagerie de carton dont les costumes de chevaux, d’éléphants et de lions contrasteraient avec les dentelles découpées des autres accoutrements.
Le très rare document, filmé pour l’occasion, retrouvé dans les archives du Wadsworth Atheneum, offre un fascinant témoignage des préparatifs, du déroulement et de l'après-coup de la fête. Il offre une ponctuation toute trouvée au parcours de la présente exposition, illustrant le goût du théâtre, du jeu sur les apparences et la conscience aiguë de l’éphémère caractéristiques de l’esprit du néo-romantisme.
 
Texte du panneau didactique.
 
Le Cirque des Chiffonniers (vidéo)


Cliquer ici ou sur l'image pour voir la vidéo