LES MILLE ET UNE NUITS

Article publié dans la Lettre n° 350
du 11 février 2013


LES MILLE ET UNE NUITS. Dans une scénographie digne des contes que l’on peut lire dans ce monument de la littérature universelle, les commissaires de cette magnifique exposition nous font revivre la genèse et les fantasmes engendrés par Shahrâzâd. Comme on le sait, trompé par son épouse et décidé à se venger de toutes les femmes, le sultan Shâhriyâr épouse chaque jour une vierge qu’il déflore puis fait exécuter le lendemain. Shahrâzâd, fille du grand vizir décide, avec la complicité de sa sœur Dunyâzâd, de mettre fin aux agissements du sultan par le seul pouvoir de sa parole. Chaque soir elle lui raconte une histoire sans la terminer, le laissant sur sa faim. L’une d’entre elles, la plus longue, l’épopée du roi ‘Umar an-Nu’mân, se déroule d’ailleurs sur les Nuits 45 à 145 ! Shahrâzâd se révèle si captivante que le tyran, auquel elle donne trois garçons, lui accorde la vie sauve au bout de la mille et unième nuit.
Avant d’en arriver à la forme que l’on connaît aujourd’hui, ce livre s’est constitué au fil des siècles avec bien des vicissitudes. Ses origines se trouvent dans les histoires des conteurs indo-persans auxquels s’ajoutèrent plus tard des contes arabes. Le plus ancien document où ces contes sont mentionnés date de 879 après J.-C. et fut découvert, avec deux cent mille autres manuscrits, dans une synagogue du Vieux Caire. Malheureusement il ne contient que la page de titre et le prologue du récit ! Tout le reste a disparu. Si les érudits persans et arabes n’attachaient pas beaucoup d’importance à un ouvrage mélangeant la prose et la poésie, l’arabe classique et l’arabe dialectal, des écrivains avaient néanmoins réunis ces récits, ajoutant les leurs à ceux de leurs prédécesseurs. En dehors des deux feuillets mentionnés plus haut, les plus anciens manuscrits connus remontent au XVe siècle. Sur les 140 qui ont été recensés, seuls vingt d’entre eux sont illustrés.
La première traduction de Mille et Une Nuits a été faite par Antoine Galland (1646-1715) entre 1704 et 1717. Il ajouta trois contes devenus très célèbres: Ali Baba et les quarante voleurs, Aladin et la lampe merveilleuse et Sindbad le marin. Cela n’avait rien de choquant dans la mesure où, au cours du deuxième millénaire, chaque adaptateur, traducteur, copiste ou conteur, en avaient fait autant, puisant dans les récits immémoriaux des mondes grec, hébraïque, mésopotamien, perse, égyptien, arabe. La traduction de Galland, douze volumes qui eurent un immense succès, étaient abondamment illustrée mais … trop décente !
En effet, les récits des Mille et Une Nuits se passent dans des palais, des villes (Bagdad, Damas, Le Caire), dans des contrées fabuleuses et dans des champs de bataille sanglants. Les aventures amoureuses y tiennent une place importante et les récits érotiques ne manquent pas. C’est pourquoi Richard Burton en proposa une magistrale édition en anglais en seize volumes (1885-1888) et Joseph-Charles Mardrus une autre, en français (1899-1904). A partir de là, Shahrâzâd fut propulsée dans les arts et sur les écrans et devint le mythe que l’on connaît.

L’exposition commence par nous présenter quelques-uns des plus beaux et des plus anciens manuscrits de ce livre ainsi que les traductions mentionnées ci-dessus. Puis elle nous entraîne dans un parcours où l’on entend quelques-uns des récits des Mille et Une Nuits, nous montrant au passage des objets anciens en relation avec ces récits, comme des lampes, des armes, des portes, des céramiques, etc. Enfin elle se termine par des extraits des nombreux films, de Méliès, Pasolini, Togo, Reineger, etc., des évocations de pièces de théâtre et par un grand nombre de réalisations artistiques faites par les plus grands maîtres, tels des tableaux, dessins, gravures, vêtements, bijoux, automates, etc. s’inspirant de ces contes. C’est en tout plus de 350 objets que l’on peut voir pour illustrer ce livre fabuleux. Un voyage très agréable et instructif. Institut du Monde Arabe 5e. Jusqu’au 28 avril 2013. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.imarabe.org.


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