Parcours en images de l'exposition

LOUIS BOULANGER
Peintre rêveur

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°564 du 22 février 2023



 

Affiche de l'exposition


Consacrer une rétrospective à Louis Boulanger, que Victor Hugo appelait « mon peintre », ne pouvait se faire ailleurs que dans cette maison qu’il a si souvent côtoyée. Cette exposition nous ramène plus largement aux sources du Romantisme, au début des années 1820, parmi les «nobles noms rayonnant d’espérance» dont se souvient son camarade de bataille le peintre Eugène Devéria. Cette génération qui n’avait pas vingt ans, se retrouvait chez les Devéria et rêvait de réformer les arts, les lettres et la musique, pour créer une esthétique moderne. L’année 1827, tel un putsch, installe la « nouvelle école » romantique. Louis Boulanger porte l’un des principaux coups à la doctrine classique avec Le Supplice de Mazeppa (Rouen, musée des Beaux-Arts), toile monumentale puisant son sujet chez Byron et sa référence picturale chez Rubens. Sa carrière est lancée, les choix de l’artiste resteront toujours radicaux.
Son idéal trouve dans son amitié avec Victor Hugo l’expression la plus parfaite du désir de croiser les arts. Le peintre donne corps aux textes du poète en les transposant dans ses œuvres, tandis que l’auteur révèle la poésie profonde des toiles de son ami. Boulanger sera de toutes les luttes, de l’essor de la lithographe jusqu’au théâtre, où il habille les drames d’Hugo et de Dumas.
Ami fidèle et éternel poète, Boulanger conservera toute sa vie la nostalgie de ces temps exaltants, qu’il défend en peinture jusqu’à sa mort, en 1867. Souvent évoqué comme l’illustrateur d’Hugo, il est en réalité l’un des penseurs du mouvement et sa vie, à elle seule, une «histoire» du romantisme.

 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Rosine et Figaro dans Le Barbier de Séville, vers 1830. Aquarelle sur papier. Paris, collection Jean-Christophe Baudequin, courtesy galerie La Nouvelle Athènes.

Défendre un répertoire et des auteurs mésestimés est l'un des enjeux du groupe d'amis, parmi lesquels figurent des comédiens comme Régnier. Molière et Beaumarchais, figures centrales de l’histoire de la Comédie-Française, n'y sont plus joués que par obligation, et Boulanger et Devéria opèrent une véritable promotion en multipliant les compositions empruntées aux pièces phares de ces auteurs.


1 - Un peintre dans le cénacle romantique

Scénographie

Né en 1806 à Vercelli dans le Piémont, Louis Boulanger montre durant son enfance à Paris un goût prononcé pour les lettres. L’amitié qu’il tisse avec les neveux de son professeur de latin, Achille et Eugène Devéria, sera déterminante. Achille, l’aîné de cette famille d’origine créole, formé chez Lafitte et Girodet, s’est déjà fait un nom dans l’illustration et il infuse les idées nouvelles dans l’esprit de Louis et d’Eugène. En 1821, les deux étudiants poursuivent en complément leur apprentissage avec l’académicien Guillaume Guillon Lethière, sans doute choisi pour ses origines guadeloupéennes et sa peinture moins marquée par le néoclassicisme des derniers élèves de David.
La grande maison familiale des Devéria - 45, rue Notre-Dame-des-Champs - devient à partir de 1824 le quartier général de tous ceux qui veulent renouveler les arts. Les médaillons de David d’Angers conservent le visage de ce cénacle, au sein duquel Louis Boulanger et Victor Hugo sont parmi les personnalités les plus engagées. Dans un atelier pris avec Eugène Devéria, Louis prépare le Salon de 1827 et s’imprègne de la vie artistique, notamment au théâtre où son rêve de fraternité des arts s’incarne le mieux.

 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867) et Achille Devéria (1800-1857). Kan-Kao, 1822. Crayon et craie blanche sur papier. Dijon, musée des Beaux-Arts.

Rares sont les Chinois présents à Paris, aussi la possibilité de portraiturer Kan-Kao, ou Kan-Gao, ramené en octobre 1820 à Paris par le capitaine de vaisseau Philibert pour lui enseigner le français, est une véritable aubaine pour Achille Devéria et Louis Boulanger. L'un des frères Devéria, Théodule, avait embrassé comme leur père la carrière de marin et avait embarqué sur L'Amphitrite avec Philibert. Ce portrait réaliste, dessiné sur le vif, tranche avec celui, peint, de Delaval (conservé à Versailles), au costume et au décor exotiques.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Léopoldine à quatre ans, 1827. Huile sur toile. Paris, maison de Victor Hugo. Don d'Alice Leckroy, Georges et Jeanne Hugo, en 1903. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées. 

Ce portrait, dans lequel se sent la forte personnalité artistique de Louis Boulanger, fait partie des trois tableaux refusés par le jury au Salon de 1827, où triomphe en revanche son Supplice de Mazeppa. L'absence de réalisme, la recherche narrative et la palette évoquant l'influence de la peinture anglaise sont trop en rupture avec les canons de l'exposition officielle.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Adèle à la cerise, 1831-32. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Paganini jouant, vers 1832. Encre sur papier. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Paganini en prison, 1832. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris. Lithographie sur papier.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Herminie et Tancrède, vers 1826. Aquarelle et plume sur papier.

Parmi les auteurs du nouveau panthéon romantique, le Tasse et les auteurs de la Renaissance italienne remplacent ceux de l'Antiquité, chers à la génération précédente. La Jérusalem délivrée est l’une des sources favorites du jeune peintre.
 
Guillaume Guillon Lethière (1760-1832). Carlo et Ubaldo dans les jardins d'Armide, vers 1815-1820. Huile sur toile.

Parmi les peintres qui émergent sous la Révolution, Guillon Lethière montre un goût moins marqué que les élèves de David pour l'esthétique néoclassique. Même si Boulanger ne se revendique pas vraiment de lui, il retient de son professeur un sens de la couleur et de la narration. Il reprend notamment en 1824 la composition de ce tableau inspiré de La Jérusalem délivrée du Tasse, pour une toile de sujet identique, qu'il expose plus tard au Salon de 1833.


2 - Le temps des coups d'éclat

Scénographie

À la fin de l’année 1827, Le Supplice de Mazeppa, sujet emprunté à l’écrivain anglais Lord Byron, impose Louis Boulanger au Salon parmi les jeunes chefs de file du romantisme victorieux. Sa toile monumentale revendique Rubens comme modèle et renverse la hiérarchie des genres en traitant un sujet littéraire à travers la peinture d’histoire. L’État préfère à son tableau, ainsi qu’à celui de Delacroix, ceux de Devéria et Scheffer, ce qui convainc Boulanger de conserver une certaine radicalité. L’éditeur Henri Gaugain, conscient du tournant qui s’opère, acquiert et offre en 1835 ce tableau de cinq mètres de haut au musée de Rouen. Gaugain a déjà compris l’impact du jeune artiste et réalise avec lui et Achille Devéria des albums de lithographies pionniers, où l’image prévaut sur le texte, tels Souvenirs du théâtre anglais à Paris.
C’est néanmoins avec Charles Motte, l’un des éditeurs-lithographes les plus engagés dans la promotion de la «nouvelle école», que Louis Boulanger se montre le plus innovant. En 1829 il développe à son paroxysme son idéal d’échange entre les arts, avec une série de lithographies mais aussi d’aquarelles et de peintures à partir du recueil Les Orientales de son ami Hugo, qui en contrepartie versifie les œuvres de Boulanger.

 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Sara la baigneuse [Les Orientales de Victor Hugo], 1830. Lithographie sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Le Feu du ciel, 1829. Huile sur toile. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.

Ce grand tableau prend sa source dans le poème d'ouverture des Orientales, véritable synthèse du monstrueux et du sublime. Dès 1829 il a appartenu à Hugo, qui ne s'en est jamais séparé au gré de ses déménagements. Boulanger en tire en 1832 chez Lemercier l'une de ses magistrales lithographies de grand format et aux noirs profonds, qui le font comparer à l'Anglais John Martin. Le sujet l'occupera jusqu'à la veille de sa mort, au Salon de 1867, où il repart du souvenir de cette esquisse pour en réaliser un tableau abouti, racheté lors de sa vente après-décès par sa veuve et qui n'est jamais réapparu.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Les Fantômes [Les Orientales de Victor Hugo], vers 1829. Lithographie sur papier publiée chez Charles Motte. Paris, maison de Victor Hugo.
Louis Boulanger (1806-1867). Le Feu du ciel, 1832. Lithographie sur papier publiée chez Lemercier. Paris, maison de Victor Hugo.

Comme dans la Ronde du Sabbat quatre ans plus tôt, Boulanger brouille les frontières entre la lithographie et la peinture, en adoptant un format inhabituel pour une estampe. Au-delà de la virtuosité technique qu'implique la réalisation d'une planche si ambitieuse, Le Feu du ciel revendique une esthétique propre à la lithographie, véritable éloge du noir, et une égalité avec la peinture. L'avantage est son coût plus modique et la possibilité de toucher le plus grand nombre. Le sujet est pris dans Les Orientales d'Hugo (1829), avec pour vocation de donner à voir l'esthétique de son ami, dont la carrière s'est envolée entre-temps avec la sortie de Notre-Dame de Paris, en 1831.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Orientale, vers 1827-1828. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.

L'imaginaire de l'Orient est véhiculé tant par le souvenir de la campagne d'Égypte que par Le Giaour de Lord Byron ou Les Mille et Une Nuits, Il est une source d'inspiration primordiale pour les jeunes peintres. Eugène Devéria et Boulanger ne dérogent pas à la règle, avec des sujets « indiens », comme les catalogues le mentionnent régulièrement. Cette belle aquarelle, typique de l’art de Boulanger, n'a été présentée dans aucune exposition au moment de sa réalisation.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Les Fantômes [Les Orientales de Victor Hugo], vers 1829. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.

La publication du recueil de poésies Les Orientales, en 1829, ouvre un pan iconographique de l'œuvre de Louis Boulanger, qui met la lithographie, le dessin et la peinture au service de la traduction, dans le monde des images, de l'univers de son ami. Les fantômes donnent lieu à deux lithographies chez Motte, une aquarelle et un dessin. Emblématiques du romantisme noir de Boulanger, ces visions alliant le pittoresque au grotesque et le fantastique au frénétique incarnent son ambition de porter à l'image l'univers poétique, dans la continuité de Füssli ou de Goya.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Hamlet, acte 5, scène 1, 1827. Lithographie en couleurs. Paris, collections de la Comédie-Française.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Personnages en costumes grecs dans un intérieur, vers 1827. Huile sur toile. Paris, collection particulière.

Le comte Demetrius Palatiano, introduit par Richard Parkes Bonington, devient un modèle populaire entre 1826 et 1827 dans les ateliers parisiens, où le philhellénisme déchaîne les passions en pleine guerre d'indépendance grecque. Il pose en costume souliote pour le jeune Anglais, mais également pour Delacroix, et sans doute ici pour Boulanger, qui en tire ce tableau qu'il n'a jamais exposé, en dépit de son format et de sa grande réussite picturale. Le second personnage se retrouve dans d’autres compositions de Boulanger et d'Achille Devéria. La composition a été  lithographiée en 1828 sous le titre Un chef Albanais.


3 - Un romantique au Salon

Scénographie

Le jeune peintre bouscule les règles académiques et affirme un univers sombre et dramatique et déchaîne haines et passions. Le refus, en 1831, de la monumentale Mort de Bailly, de la Chasse infernale en 1835, du Roi Lear en 1836 ou de la Mort de Messaline en 1843 l’affectent mais multiplient ses soutiens inconditionnels, notamment dans la revue L’Artiste, auprès de la jeunesse Romantique ou d’admirateurs, tels le duc d’Orléans, dont les commandes assurent sa liberté picturale et sa subsistance financière.
Le Salon s’ouvre sous la monarchie de Juillet à des genres et formats auparavant jugés indignes de ce cadre officiel. Boulanger privilégie les sujets littéraires, pris chez le Tasse, Cervantès, Goethe et Hugo, explore les sujets espagnols, érige l’aquarelle et les petits formats empâtés en techniques romantiques par excellence. Laissant de côté les considérations commerciales, il cherche avant tout à faire la démonstration des références qui lui sont chères. Entre 1837 et 1843, la fraternité des arts et la représentation du génie sont ses sujets de prédilection, avec une galerie de portraits habités par une flamme intérieure : Achille Devéria mais aussi les écrivains Balzac, Antoine Fontaney, Pétrus Borel, Francis Wey et Hugo réaffirment la place du groupe dans son cheminement artistique.

 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Mort du cheval de Mazeppa, 1839. Lithographie sur papier éditée chez Lemercier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées (non exposée, remplacée par une lithographie en noir et blanc, inversée, de 1839).

Dans Les Orientales, Hugo transpose en vers Le Supplice de Mazeppa de son ami, à qui il dédicace le poème qui révèle la complexe iconographie du génie indompté développée par Boulanger. Le peintre reviendra à plusieurs reprises sur l'histoire de Mazeppa, notamment en 1839 dans une série de six lithographies avec Achille Devéria, et au Salon de 1843 avec un tableau à deux mains avec son élève Louis Amiel (mairie de Dol-de-Bretagne).
 
Louis Boulanger (1806-1867). Ronde du Sabbat [Odes et ballades de Victor Hugo], 1861. Huile sur toile. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées (non exposée, remplacée par une lithographie sur papier de 1828).

C'est avec les sujets inquiétants et diaboliques que Boulanger s'impose dans le monde de la lithographie. La Ronde du Sabbat, feuille monumentale imprimée par Charles Motte, l'éditeur des romantiques, entérine quelques mois après le Salon la place acquise par Boulanger avec Le Supplice de Mazeppa. Le sujet est pris dans un poème des Odes et ballades d'Hugo, dédicacé à Charles Nodier, maître incontesté du frénétique. Le succès est tel que la lithographie connaît deux tirages.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Fleurs des champs,  1837. Huile sur toile. Paris, collection particulière, courtesy galerie Chaptal.

Utilisant la lithographie pour produire des œuvres originales, Boulanger ne rechigne pas à y recourir pour reproduire et diffuser ses œuvres, en particulier lorsqu'elles ne sont pas présentées au Salon. C'est le cas de cette composition, publiée en 1837 sous le titre Fleurs des champs. S'il a profondément marqué son temps avec ses sujets diaboliques, Boulanger a aussi contribué à une iconographie pittoresque, notamment dans les albums de sujets de la vie moderne composés avec Devéria, Charlet, Scheffer ou Noël. Cette toile, réalisée l'année où il envoya au Salon des portraits de proches, laisse supposer un réseau de collectionneurs achetant ses œuvres hors de l'exposition officielle et qui apprécient la profonde poésie de ce peintre à part.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Don Quichotte et Sancho Pança, vers 1857-1859. Huile sur toile. Paris, collection Paoli, courtesy galerie La Nouvelle Athènes.

La fascination de Boulanger pour l'Espagne passe par sa littérature, notamment Miquel de Cervantès et son personnage Don Quichotte chez qui se retrouve le grotesque cher à Hugo. Don Quichotte fait l’objet d’une véritable passion chez les romantiques : en 1836 l'édition abondamment illustrée par Tony Johannot diffuse largement le texte, et inspire Antonin Moine pour deux petits bronzes. Au Salon de 1835, Boulanger expose l'épisode des Noces de Gamache et revient aux aventures du chevalier errant en 1857 avec deux sujets qui réjouissent la critique, heureuse de retrouver les thèmes de sa jeunesse. Ce tableau pourrait être daté des années 1830, lorsque Paris s’éprend du roman, et crée un écho direct aux sculptures de son ami Antonin Moine.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Folie du roi Lear, 1836. Huile sur toile. Paris, Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.

Shakespeare est l’une des sources de prédilection de Louis Boulanger. Il reviendra notamment à plusieurs reprises sur Le Roi Lear, au Salon de 1834 puis à nouveau au Salon de 1836 avec ce tableau, qui est refusé par le jury. Très intéressé par la question de la narration et du narrateur, l'artiste ne se concentrant pas sur un théâtre vu mais sur un théâtre lu, propice à l'imagination. La revue L'Artiste, vouée aux artistes romantiques, s'offusque du jugement du jury et reproduit le tableau, que Boulanger renverra quelques années plus tard au Salon de 1853. Il est acheté par Renduel, qui réédite la même année les œuvres d'Hugo illustrées par Boulanger.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Liberté, allégorie des journées de juillet 1830, vers 1830. Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

L'avènement de la monarchie de Juillet et l'arrivée au pouvoir de Louis-Philippe, franc soutien des romantiques, apportent un élan dans les arts. Boulanger, comme Delacroix avec La Liberté guidant le peuple, songe à une allégorie. Il envoie finalement au Salon de 1831 un Départ du roi pour l'Hôtel de Ville (non localisé, 160 x 130 cm).
 
Louis Boulanger (1806-1867). Scène de la Renaissance, vers 1830-1832. Huile sur toile. Paris, Édouard Cattagni.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Achille Devéria, 1837. Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des Peintures.

Ce portrait d'Achille Devéria a ancré l'image d’un artiste austère, loin de la franche générosité qui le caractérise. Boulanger a su capter la fièvre du scientifique, tenant à la main, dans une idée faustienne de la collection, l’une des précieuses pièces de son médaillier. Devéria construira son existence sur la quête du savoir, qu’il réunit dans des recueils avant de terminer sa vie, de 1848 à 1857, comme conservateur au département des Estampes de la BnF, dont il a conçu le classement. Il mourra dans son bureau un 23 décembre peu avant minuit.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Madame Victor Hugo, 1839. Huile sur toile. Paris, maison de Victor Hugo.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Céleste Devéria, vers 1835-1840. Huile sur carton. Paris, collection particulière.

Céleste Motte, fille de l'imprimeur-lithographe romantique Charles Motte, épouse en 1829 Achille Devéria, bras droit de son père. Ensemble ils auront sept enfants, dont un égyptologue, conservateur au Louvre, et un éminent sinologue. Céleste est le principal modèle de son mari, si bien que son visage est indissociable de la monarchie de Juillet, tant il a circulé dans les milliers d'estampes d'Achille, En 1838, Eugène Devéria, à Milan, s'étonne de voir les artistes italiens et autrichiens peindre Céleste, à force de copier les lithographies de son frère. Boulanger en trace un portrait qui n'est pas sans évoquer les visages des Trois Amours poétiques, auxquelles il a donné les traits de celle qui a enchanté le salon des Devéria.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Trois Amours poétiques : Beatrix, Laure, Orsolina, vers 1839-1840. Huile sur toile.  Toulouse, musée des Augustins.

Les auteurs de |a Renaissance italienne, notamment Dante, Pétrarque et l’Arioste, forment un nouveau panthéon pour la «nouvelle école» romantique, véhiculant un idéal poétique autant qu'amoureux. Dans cette grande toile, que le duc d'Orléans fait envoyer à Toulouse pour enrichir le musée, Boulanger met à l'honneur les muses des poètes, à l'instar du sculpteur Henry de Triqueti qui, la même année, les place dans les niches du piédestal du vase de Dante et de Pétrarque qu'il réalise pour Ferdinand d'Orléans.


4 - Boulanger, Hugo et Dumas :
regarder la littérature

Scénographie

Victor Hugo, rencontré en 1824, devient un alter ego avec qui rêver d’abattre les barrières entre les arts. Après les Orientales, Notre-Dame-de-Paris donne lieu à une série de huit aquarelles plongeant dans l’univers truculents du roman, que Boulanger aborde avec une exactitude d’historien.
Peu enclin dans un premier temps à abuser de l’illustration, dont l’abondance au sein du livre risque de détourner du texte, Hugo doit se plier, sous la monarchie de Juillet, à cette nouvelle exigence éditoriale. D’abord engagée dans la recherche de fraternité des arts, la vignette devient en effet un enjeu commercial déterminant le succès d’une publication. Boulanger, qui a déjà mis l’œuvre d’Hugo en image, est l’artiste tout désigné pour accompagner les rééditions de son ami. Dumas à son tour le sollicite pour ses Crimes célèbres, registre iconographique dont Boulanger a le secret.
La littérature est plus que jamais au cœur de ses préoccupations. Traducteur visuel d’écrits du présent ou du passé, révèle également le génie des auteurs. Le Triomphe de Pétrarque, commandé par le marquis de Custine et connu grâce à un carton préparatoire, réunit la génération romantique invitée à poser pour cette allégorie d’un nouveau panthéon, où la Renaissance remplace l’Antiquité des classiques.



 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Après le duel [illustration pour Marion de Lorme], vers 1836. Lavis de sépia sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Honoré de Balzac, 1836. Huile sur toile. Tours, musée des Beaux-Arts, dépôt du département des Peintures du musée du Louvre.

L'écrivain du cénacle Antoine Fontaney témoigne dans son Journal des séances de pose de Balzac en septembre 1836 : «Description de ses robes blanches. Il n’a plus voulu d'autre costume depuis qu'il a visité les Chartreux. Il ne fait blanchir une robe qu'une fois. Il ne se tache jamais d'encre.» Ce portrait emblématique n'est connu que par cette esquisse, qui laisse imaginer la forte impression qu'a pu produire le tableau de l'auteur à succès au Salon de 1837, aux côtés entre autres de ceux de Fontaney et de Devéria. Alors que d'autres se font représenter en Costume bourgeois, les membres du cénacle se font inscrire à la postérité comme des personnalités habitées et hors des normes.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Victor Hugo, 1837. Craie de cire et gouache sur papier. Paris, Société historique et littéraire polonaise, Bibliothèque polonaise de Paris.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Le Sire de Gyac [d'après Alexandre Dumas], vers 1832. Aquarelle sur papier. Collection particulière, courtesy galerie La Nouvelle Athènes.

Cette aquarelle et sa voisine constituent une paire qui a appartenu à François Buloz, directeur de la Revue des Deux Mondes à partir de 1831. Si le sujet de la seconde n'est pas identifié, la première est pris dans une nouvelle d'Alexandre Dumas, publiée en 1832 dans ce périodique (qui devient avec Buloz le réseau de diffusion de la littérature romantique) Le Sire de Gyac, reprise en 1835 sous le titre La Main droite du Sire de Giac, il y a fort à penser que la seconde, également transmise par Buloz à sa fille Marie Pailleron, puise son sujet dans une nouvelle de Dumas, ou du moins dans un texte paru dans la revue.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Sujet non identifié, vers 1832. Aquarelle sur papier. Orléans, musée des Beaux-Arts.
 
Louis Boulanger (1806-1867). L'Empoisonnement de la marquise de Ganges; La Marquise de Ganges, vers 1838. Aquarelle sur papier. Villers-Cotterêts, musée Alexandre Dumas.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Exili apparaissant au chevalier de Sainte-Croix dans un cachot de la Bastille; La Marquise de Brinvilliers, vers 1838. Aquarelle sur papier. Villers-Cotterêts, musée Alexandre-Dumas.
Scénographie
Série d’aquarelles inspirées de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Salon de 1833.

Le désir romantique de démocratiser les arts passe par le recours à des techniques moins coûteuses et appropriées aux petits formats : lithographie, lavis ou aquarelle. Cette dernière, très influencée par l'art britannique, est l'expression même du romantisme et exacerbe la spontanéité du pinceau et la fraîcheur des couleurs, rehaussées de gouache et de gomme arabique. Cette série n'a pas vocation à être gravée en illustrations. C'est une approche de l'œuvre en une succession d'images construisant un ensemble narratif. Notre-Dame de Paris, publiée deux ans avant que Louis Boulanger expose au Salon ces aquarelles, connaît un succès tonitruant. Le but est moins de promouvoir le roman que de permettre aux lecteurs de pleinement percevoir l'esthétique du livre.
 
Texte du panneau didactique
 
Louis Boulanger (1806-1867). Claude Frollo et la Esmeralda. Illustration de « Notre-Dame de Paris », vers 1831. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Esmeralda enlevée par Quasimodo et Claude Frollo appelle Phœbus au secours, 1831. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Esmeralda chez Madame de Gondelaurier, 1831. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Esmeralda choisit Gringoire pour époux, 1831. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Esmeralda défendue par la Sachette, 1831. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Sachette, la Esmeralda et Claude Frollo, 1831. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Procession du pape des fous [illustration pour Notre-Dame de Paris], vers 1836.  Aquarelle et lavis de sépia sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.


5 - La réforme du théâtre

Scénographie

Convaincu du rôle de l’artiste de faire revivre la trame de l’histoire, Boulanger accorde une grande importance à l’exactitude des vêtements et des accessoires, copiés sur  des documents du temps, sur lesquels repose la sacro-sainte couleur locale chère aux romantiques. Ce souci en fait un allié précieux du baron Taylor, nommé en 1825 commissaire royal près le Théâtre-Français, avec le souhait de réformer le costume, jusqu’alors confié aux comédiens, pour donner à la scène une plus grande véracité historique. En 1827, la Comédie-Française publie même les dessins de Boulanger pour l’adaptation de Quentin Durward de Walter Scott, première collaboration, qu’il prolonge à partir de 1830 avec le théâtre d’Hugo puis de Dumas, dans une démesure de moyens qui rend parfois difficile les représentations. Hernani, en 1830 sera une étape cruciale dans l’histoire du drame, mais un gouffre financier, comme Caligula de Dumas en 1837, qui marque la naissance du trio que Dumas et Boulanger forment avec Eugène Giraud, amis désormais inséparables.
Le costume connaît un engouement sans précédent et justifie le succès ou l’échec d’une pièce. Pour Boulanger, il fait partie intégrante du drame romantique, et ses maquettes transforment les comédiens en véritable personnages sortis de ses tableaux.



 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Charles VII chez ses grands vassaux [Alexandre Dumas]. Paris, collections de la Comédie-Française. © Comédie Française.
Scénographie
Dumas revient en 1837 à la Comédie-Française avec le premier drame romantique à sujet antique, qu'il conçoit dans une mise en scène à grand spectacle. Les cent costumes romains sont confiés à Boulanger et à Eugène Giraud, qui semble intégrer le trio à cette date, pour ne plus le quitter. Les amis voyageront notamment ensemble en Espagne en 1846. Sans doute cette recherche pour habiller Caligula attise-t-elle l'intérêt de Boulanger pour le registre antique, qu’il développera à partir de cette date avec La Mort de Messaline en 1843 où La Douleur d'Hécube commandée en 1849. Giraud, qui collabore pour la première fois avec la Comédie-Française, en devient alors le dessinateur régulier, poste qu'il occupera jusqu'au début des années 1860.
 
Texte du panneau didactique
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Litière de Richelieu [Marion de Lorme], vers 1836. Aquarelle sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.
Louis Boulanger (1806-1867). Projet de costume pour Ruy Blas au théâtre de la Renaissance, 1838. Aquarelle et graphite sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.
De haut en bas et de gauche à droite :
- Ruy Blas, 2e acte
- Ruy Blas, 3e acte
- La Reine, 1er acte

- Ruy Blas, 5e acte
- Don Guritan, 2e acte
- Don Guritan, 4e acte
- Ruy Blas, 1er acte
- Don César de Bazan

En 1838, Hugo et Dumas ouvrent le théâtre de la Renaissance, destiné à présenter leur répertoire. Ruy Blas, qui lance la programmation, reçoit un accueil mitigé, y compris de ses soutiens habituels. Les costumes du XVIIe siècle de Boulanger sont pourtant parmi les plus admirables qu'il ait réalisés pour donner la pleine mesure des personnages d’Hugo.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Guanhumara [projet de costume pour Les Burgraves au Théâtre-Français], 1842-1843. Lavis d'encre sur papier bleu. Paris, collections de la Comédie-Française.

Avec Les Burgraves, Hugo se confronte en 1843 à un XIIe siècle peu représenté au théâtre, rendant plus indispensable que jamais l'intervention de Boulanger, dont les costumes donnent cohérence visuelle et couleur locale à la pièce. La critique a vu dans ce texte la chute du drame romantique. Les trente-trois représentations sont pourtant couronnées de succès et ramènent à une esthétique aux sources du romantisme.
 
Eugène Giraud (1806-1881). Heure de la nuit (Mlle Abit) [projet de costume pour Caligula au Théâtre-Français], 1837. Aquarelle et graphite sur papier. Paris, collections de la Comédie-Française.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Le Page laquez [projet de costume pour Mlle Despréaux dans Hernani de Victor Hugo au Théâtre-Français], vers 1829-1830. Aquarelle et graphite sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.

Au théâtre, Boulanger travaille avec les artistes de l'ombre enrôlés par le baron Taylor et son bras droit Duponchel - deux fidèles du salon de Charles Nodier. C'est naturellement lui qui est chargé de donner un modèle à Mlle Despréaux pour son costume dans Hernani de Victor Hugo, créée le 25 février 1830. Les premiers rôles doivent encore fournir leur costume, et l'enjeu est de les contraindre à suivre une esthétique commune plutôt que de reprendre un vêtement de leur garde-robe. Boulanger pense le costume dans une approche picturale, composant l'ensemble de la pièce comme un tableau mis en mouvement.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Cherea (Firmin) [projet de costume pour Caligula au Théâtre-Français], 1837. Aquarelle et graphite sur papier. Paris, collections de la Comédie-Française.
Louis Boulanger (1806-1867). L'Affront [Lucrèce Borgia], 1833-1834. Aquarelle sur papier.
Paris, maison de Victor Hugo. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.


6 - Le grand décor

Scénographie

Boulanger fait preuve dès ses débuts d’une appétence pour les très grands formats, qui dénotent à la fois son ambition de peintre d’histoire et son goût pour la monumentalité. Si pour des raisons d’espace cette exposition ne peut montrer que partiellement cet aspect, celui-ci imprègne sa carrière, dans un équilibre permanent entre formats liés au grand genre autant qu’au grand décor. Cette approche n’est pas sans lien avec l’exemple de Rubens et de Véronèse, étudiés avec passion au Louvre. Comme eux, Boulanger pose ce double enjeu de l’histoire et du décor dans Le Triomphe de Pétrarque, réalisé en 1836 pour l’hôtel particulier de Custine, avant de continuer à Versailles avec la Procession des députés des États-Généraux à Versailles, 4 mai 1789, puis pour la Chambre des Pairs (Sénat).
Une dimension décorative naît plus clairement à partir de 1846 avec la salle à manger de l’hôtel Mahler (52, rue du Faubourg Saint-Honoré), pour laquelle Boulanger peint une Danse des Muses et un Festin à la mode vénitienne, inspiré de Véronèse, qu’il accompagne de deux trumeaux et quatre dessus-de-porte sur les quatre saisons. Ce motif des saisons revient jusqu’à sa mort dans des décors aujourd’hui disparus. En 1859, la grande allégorie de La Paix entre l'abondance et le travail est acquise par l’État pour servir de plafond au nouveau musée Massey à Tarbes, mais elle est depuis restée en réserve, éclipsant ainsi la recherche de Boulanger dans le grand décor.



 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Ophélie, vers 1850-1860. Huile sur toile. Paris, collection particulière, courtesy galerie La Nouvelle Athènes.

Le format de ce tableau évoque les panneaux de décor que Boulanger réalise dans les vingt dernières années de sa carrière, sans que l'on sache s'il a dépassé l’état de projet. L'artiste revient ici à l’un des sujets phares de ses débuts, pris dans Hamlet de Shakespeare, qu'il aborde dans une composition tournoyante rappelant celle de la Ronde du Sabbat, qu'il transpose en 1861 à l'huile sur toile, la recherche de couleurs argentées commune à ces deux œuvres laisse penser que cette petite esquisse lui est sans doute contemporaine.
Louis Boulanger (1806-1867). Festin à la mode vénitienne, 1846-1851. Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

Ces panneaux appartiennent au grand décor commandé en 1846 pour la salle à manger de l'hôtel Mahler, 52, rue du Faubourg Saint-Honoré. Le descendant du commanditaire a fait don, en 1913, au musée Carnavalet, d'une partie de l'ensemble, à savoir le Festin à la mode vénitienne et La Danse des muses, auxquels s'ajoutaient des dessus-de-porte et deux trumeaux vendus séparément. Fidèle à ses convictions esthétiques, Boulanger emprunte à Véronèse les modèles de son décor, avec une couleur locale qui trahit les heures passées au Louvre à copier son maître.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Marie Madeleine, vers 1840. Encre sur papier. Paris, collection particulière.

Louis Boulanger a fait de la plume sa technique graphique de prédilection. Ce choix atypique (les artistes utilisent plutôt le crayon graphite) évoque très directement le dessin du XVIIe, qui reste le modèle affirmé de Boulanger. Il a réalisé des centaines de feuilles à sujets littéraires ou, comme ici, de figures de la Passion abordées dans une veine baroque.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Marie Dumas, vers 1855-1856. Pierre noire, craie blanche et sanguine sur papier. Paris, maison de Victor Hugo.

En 1831, Dumas est père pour la deuxième fois. Marie, qu'il a avec la comédienne Belle Krelsamer, lui donne le goût de la paternité, et il reconnaît son fils, Alexandre, né sept ans plus tôt d'une relation avec sa voisine de palier. En 1856, Victor Hugo, en exil, ne peut assurer son rôle de témoin pour le mariage de la jeune femme et demande à Boulanger de le remplacer, avec d'autant plus de légitimité que son amitié avec Dumas n'a jamais faibli. C'est sans doute à cette occasion qu'il dessine ce portrait.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Les Anges et les instruments de la Passion, vers 1850. Huile sur toile. Paris collection particulière.

Les commandes religieuses qu'il reçoit à partir de 1845 confrontent Boulanger à une iconographie qu'il avait jusqu'alors laissée de côté. Parallèlement eux grands formats, de petites compositions comme celle-ci tissent un lien entre la mélancolie de l'artiste et la Passion du Christ.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Paysage, vers 1846. Aquarelle sur papier brun. Paris, maison de Victor Hugo.


7 - Conserver, se souvenir et transmettre, le legs romantique

Scénographie

Les derniers feux du romantisme dans le cœur du public affectent Boulanger, qui n’en dépose pas pour autant les pinceaux. À côté des portraits mondains, genre triomphant du Second Empire, il bénéficie de commandes publiques et d’achats de l’État en faveur des églises, qui lui valent des revenus réguliers et la possibilité de continuer de travailler dans le grand format.
Sa peinture se teinte également de lumière à la suite du voyage à Madrid qu’il réalise en 1846, pour le mariage du duc de Montpensier, avec les Dumas père et fils, Auguste Maquet, Amédée Achard, Eugène Giraud et Adolphe Desbarolles. Les amis prolongent leur périple vers l’Andalousie puis l’Afrique du Nord, d’où Boulanger rapporte des croquis qui alimentent jusqu’à sa mort ses tableaux lumineux. Les sujets littéraires restent toutefois plus que jamais son centre d’intérêt. Ses soutiens lui obtiennent en 1849 la commande de La Douleur d’Hécube, en 1855 l’achat de Saint Jérôme et les Romains fugitifs d’après Chateaubriand et surtout, en 1860, la nomination à la direction de l’École et du musée des Beaux-Arts de Dijon. Marié en 1856, après la mort de sa sœur Annette, père en 1860 d’un Louis-René qui deviendra à son tour peintre, Boulanger défend depuis Dijon ses idéaux de jeunesse. Velléda de Chateaubriand, La Ronde du sabbat et les brigands de Notre-Dame de Paris d’Hugo, Virgile, en écho à Dante, viennent rappeler le temps des convictions. Il meurt le 5 mars 1867 à Dijon, salué dans la presse qui pleure le plus vaillant soldat du romantisme.



 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Boulanger (1806-1867). La Douleur d’Hécube, 1850. Huile sur toile. Draguignan, musée des Beaux-Arts.

Régulièrement soutenu par l'État, Boulanger reçoit la commande, en 1849, d'une Douleur d'Hécube qu'il termine pour le Salon de 1850 (qui ouvre le 30 décembre). Ce sujet antique pourrait sembler étonnant pour un peintre habitué au Moyen Âge ou au XVIIe siècle, mais il le puise dans l'Enfer de Dante, l'une de ses sources favorites, en pendant d'un autre épisode, La Prison d'Ugolin et de ses fils. Comme dans La Folie du Roi Lear, la composition se concentre sur le sentiment dramatique qui émane de la reine de Troie « qui se met à aboyer comme un chien tant la douleur avait bouleversé son esprit » en découvrant le corps noyé de son fils Polydore, dernier de ses dix-neuf enfants, encore en vie après la guerre de Troie.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Rencontre de Gil Blas et de Melchior Zapata, 1859. Huile sur toile. Paris, galerie La Nouvelle Athènes.

En 1857 et 1859, la critique du Salon reçoit avec enthousiasme le retour de Boulanger aux petits sujets littéraires. Parmi les épisodes pris notamment chez Shakespeare, Walter Scott et Cervantès, cette scène de l'Histoire de Gil Blas de Santillane, roman picaresque de Lesage publié en 1715, renoue avec les sujets de jeunesse du peintre. Il n'est pas rare que Boulanger envoie au Salon des tableaux anciens, cherchant plus à réunir des séries thématiques qu'à faire la démonstration de ses dernières productions. Il semble toutefois que celui-ci ait été peint peu de temps avant, avec un goût renouvelé pour les thèmes qu'il apprécie déjà dans le théâtre de Molière ou de Beaumarchais.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Jeunes musiciens aragonais, vers 1846. Huile sur toile. Paris, collection particulière, courtesy galerie La Nouvelle Athènes.
 
Eugène Giraud (1806-1881). Souvenir du voyage de Paris à Cadix en 1846, vers 1847. Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

Ce tableau peint au retour du voyage de Madrid jusqu'en Afrique du Nord réunit le groupe d'amis avec, de gauche à droite : Giraud, de profil au-dessus du guide, Boulanger dessinant, Desbarolles, Dumas père, Maquet et Dumas fils.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Danseuse espagnole, après 1846. Encre sur papier. Dijon, musée des Beaux-Arts.

Fasciné de longue date par l'Espagne, Boulanger rapporte de son voyage un répertoire d'images prêtes à alimenter vingt ans de compositions. Après les fantômes et les conversations en costume du XVIIe siècle, les danseuses reviennent régulièrement sous sa plume.
Scénographie
 
Louis Boulanger (1806-1867). Adélaïde Boulanger, née Lemonnier-Delafosse, 1858. Huile sur toile. Paris, Musée du Louvre, département des peintures.

Toute sa vie, Louis vécut avec sa sœur aînée, Annette. Artiste comme lui, restée célibataire, obligeant sans doute Boulanger à une vie d'abnégation pour celle qui a tenu leur maison. La mort d’Annette, en 1853, marque un tournant pour Boulanger qui n’a jamais eu la vie sulfureuse de ses compagnons romantiques. En 1856, il épouse Adélaïde Lemonnier-Delafosse, de vingt-trois ans sa cadette. Leur amour dure onze ans, jusqu’à la mort du peintre. Adélaïde se remarie avec M. Vallée dont elle portera le veuvage. Ce portrait de la fin de la vie de l'artiste conserve la manière de ses tableaux des années 1830, avec un goût inchangé pour les contrastes ténébreux.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Le Martyre de saint Laurent, 1856. Huile sur toile. Paris, Conservation des œuvres d'art religieuses et civiles, église Saint-Laurent.

Louis Boulanger bénéficie au début du Second Empire de deux commandes de la préfecture de la Seine pour des églises de Paris : Les Âmes dans le purgatoire et Les Âmes délivrées, en 1855, pour l'église Saint-Roch, puis l’année suivante ce tableau pour l'église Saint-Laurent (10e arrondissement). Loin des modèles contemporains de la peinture religieuse, incarnés par les élèves d'Ingres, il emprunte à la peinture napolitaine du XVIIe siècle (Ribera, Giordano) sa composition, son coloris et la puissance de ses figures. Ce choix continue de défendre un panthéon romantique qui cherche à régénérer la peinture en puisant ses formes chez les grands maîtres flamands et italiens, comme Hugo le demandait en 1827 dans la Préface de Cromwell.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Ne crains rien, tu portes César et sa fortune [ou La Barque de César], 1865. Huile sur toile. Vic-sur-Seille, Musée départemental Georges-de-La-Tour.

Au salon de 1865, Boulanger crée la surprise en continuant de renouveler son répertoire à la lueur de la littérature antique. Le sujet de sa Barque de César est pris chez Plutarque, auteur qu'il a croisé, comme Virgile, dans l'Enfer de Dante, l'une de ses sources de prédilection. Le tableau est aujourd’hui perdu, mais la composition est connue grâce à cette esquisse.
 
Louis Boulanger (1806-1867). Les Laboureurs de Virgile, 1863. Huile sur toile. Paris, collection Olivier d'Ythurbide et Benoît Fauquenot.

Les années passées à Dijon, à transmettre ce qui fut son idéal, conduisent Boulanger à repenser les grands sujets de sa carrière. À la suite de La Ronde du Sabbat, il se tourne à nouveau vers des figures littéraires de l'antiquité, la Velléda de Chateaubriand ou Les Bergers de Virgile, déjà abordés dans une autre composition au Salon de 1845. L'influence de la peinture du XVIIe siècle n'est pas étrangère au traitement du sujet, alors qu'il dirige l'école et le musée des Beaux-Arts.