Parcours en images et en vidéos de l'exposition

LÉON MONET
frère de l'artiste et collectionneur

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°572 du 14 juin 2023



 

Affiche sur les grilles du jardin du Luxembourg
 
Façade du Musée du Luxembourg. © Photo Simon Lerat pour la Rmn Grand - Palais, 2022.
 
Chronobiographie de Léon et Claude Monet.


Entrée de l'exposition.
Le Musée du Luxembourg propose une exposition inédite sur Léon Monet (1836-1917), le frère aîné de Claude Monet. Au moment où celui-ci, de retour au Havre, peint Impression, soleil levant, Léon fonde la Société industrielle de Rouen. Il s’associe à la puissante société suisse Geigy & C°, spécialisée dans les couleurs synthétiques à l’aniline et décide alors d’apporter un soutien actif à son frère et à ses amis impressionnistes. Ce sont les prémices de la constitution d’une remarquable collection d’art moderne. Les peintures et dessins de Monet, Sisley, Pissarro et Renoir issus de sa collection, mais aussi des estampes japonaises, des livres de recettes de couleurs, des échantillons de tissus, des documents d’archives et de nombreuses photographies de famille apportent un éclairage inédit sur cette personnalité haute en couleurs.
 
Le parcours de l’exposition met en évidence le goût de Léon Monet pour les paysages évoquant son enfance passée au Havre et à Sainte-Adresse ou ceux de son épanouissement professionnel et familial entre Rouen et les Petites Dalles sur la côte normande. Il dévoile pour la toute première fois au public le portrait énergique que Claude Monet fait de son frère aîné, en 1874. Enfin l’exposition nous conduit au cœur de la fabrication des couleurs dans une région en plein essor de  l’industrie textile et chimique. Ce développement sans précédent s’accompagne de la découverte de nombreux pigments synthétiques aux propriétés étincelantes, qui vont impacter la pratique artistique et la palette du peintre.
Texte du panneau didactique.


1 - Une jeunesse havraise

Scénographie

En 1845, Adolphe Monet, son épouse et leurs deux enfants, Claude et Léon, s’installent au Havre, accueillis par Jacques et Marie-Jeanne Lecadre, la demi-sœur d’Adolphe. Propriétaires de plusieurs magasins d’épicerie en gros, les Lecadre, sans descendance, prennent sous leur aile leurs neveux parisiens. Travailleur, le jeune Léon est recruté comme commis dans l’entreprise familiale. Il choisit bientôt une voie différente et décide d’étudier la chimie des couleurs. De son côté, Claude est un élève dissipé qui s’adonne à la caricature sur les bancs de l’école. Les feuilles de l’adolescent de quinze ans sont bientôt recherchées par les notables havrais qui n’hésitent pas à débourser un louis pour leur portrait satirique. En 1856, la rencontre avec le peintre Eugène Boudin est décisive pour le jeune artiste. C’est Boudin qui l’incite à abandonner la caricature et lui propose de l’accompagner peindre en plein-air. Il apprend le dessin et noircit sur le motif de nombreux carnets de croquis d’arbres, de bateaux et de roches sur la grève. La même année, Gustave Le Gray photographie la mer au Havre, relevant un double défi technique, celui de capter le contraste et le mouvement. En 1858, Monet présente à l’exposition de la Société des Amis des Arts du Havre son premier tableau, Vue prise à Rouelles, réalisé aux côtés de Boudin. Ce dernier présente des peintures dont Gibier et fruits sur une table dont Claude Monet s’inspirera pour sa Nature-morte aux perdrix de 1861-1862, acquise par Léon Monet.

 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Jardin en fleurs, à Sainte-Adresse, vers 1866. Huile sur toile, 65 x 54,5 cm. Musée d’Orsay, Paris, retrouvé en Allemagne après la Seconde guerre mondiale et confié à la garde des musées nationaux, 1949, dépôt au musée Fabre, Montpellier. © Rmn - Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
Scénographie
 
Gustave Le Gray. Le Soleil couronné, Normandie, 1856-1857. Tirage sur papier albuminé d’après un négatif sur verre au collodion, 31 x 41,3 cm. Marseille, MUCEM – Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée en dépôt au musée des Beaux-Arts, Troyes.© Musée des Beaux-Arts, Troyes. Photo Carole Bell, Ville de Troyes.
 
Gustave Le Gray. Les Bains Dumont à Sainte-Adresse ou Plage de Sainte-Adresse, 1856-1857. Tirage sur papier albuminé d’après un négatif sur verre au collodion. Ville de Sainte-Adresse, dépôt au MuMa, musée d'art moderne André Malraux, Le Havre.

L'album de cuir noir qui renferme 45 feuillets dessinés à la mine de plomb est une émouvante découverte. Il s'agit du premier carnet de dessins du jeune Monet, âgé de quinze ans. Six dessins portent la date de 1856, avec parfois la précision du jour – du 4 juillet au 9 août - qui permet de situer l'exécution de l'ensemble de ces croquis à l'été 1856. Les mentions précises de dates et de lieux semblent bien renvoyer à autant de séances de travail sur le motif. Comme à son habitude, Léon appose une mention, ici sur la page de garde «Acheté au Havre en 1893 - albums de dessins de mon frère Claude Monet. L. Monet». On imagine la satisfaction du collectionneur d'avoir pu acquérir les deux plus anciens carnets de dessins de son frère, les dévoilant ponctuellement à quelques amateurs. Témoignage de leur affection mutuelle, Claude le dédicace «Souvenir de jeunesse. À mon cher frère, ce 20 septembre 95. Claude Monet».

 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Étude d'arbres, 1857. Crayon sur papier. Honfleur, musée Eugène Boudin, don Michel Monet, 1956.
 
Claude Monet (1840-1926). 1er carnet de dessins, 1856.


 
Claude Monet. Premier album de dessins, acquis pas Léon en 1893. Dédicace « Souvenir de jeunesse, à mon cher frère, ce 20 septembre 95 », 1856. Crayon sur papier, 21 x 27,5 x 2 cm. Collection particulière. © Photo François Doury.


2a - La Famille Monet

Scénographie

En 1836, un an après leur union à Paris, Louise Justine et Adolphe Monet accueillent un premier fils, Léon Pascal et en 1840, un second garçon, nommé Oscar Claude. Alors que Claude se destine très jeune à une carrière artistique, Léon choisit d’étudier la chimie des couleurs. En 1865, ce dernier épouse à Paris Étiennette-Joséphine Robert dont Joseph Delattre fait un portrait au pastel quelques années plus tard. Le couple s’installe en 1869 à Déville-lès-Rouen, où Léon est représentant de commerce pour la société Geigy & C°. Lorsque son employeur ouvre en 1892 une usine à Maromme, dans les environs de Rouen, Léon en est nommé directeur et recrute à ses côtés son neveu Jean, le fils de Claude qui le secondera comme chimiste.
En 1897, deux ans après la mort de sa première femme, Léon se remarie avec Aurélie Blis. Déjà mère d’Adrienne, âgée de 11 ans, Aurélie donne naissance à Louise Monet en 1901. La famille est établie sur le site de l’usine de Maromme, dans une belle maison de maître en pierre et brique entourée d’un grand jardin, située le long de la rivière du Cailly. Parmi les familiers des lieux, on compte Blanche Hoschedé-Monet, que Léon côtoie très régulièrement depuis qu’elle a épousé son neveu Jean en 1897, mais également Claude qui, lors de ses nombreux séjours à Rouen, ne manque pas une occasion de partager la table de son frère. Ernest et Mary Billecocq et leurs enfants sont également des amis fidèles de Léon et Aurélie Monet.

 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Portrait d'Adolphe Monet, 1865. Huile sur toile. New Brunswick, Zimmerli Art Museum, don du Dr Ralph André Kling.

Portraituré seul à deux reprises en 1865, Adolphe Monet apparaît ici à mi-corps sur un fond neutre. L'expression de son visage un peu figée se rapproche d'une photo-carte de Joseph et Émile Tourtin de 1869 (vitrine arbre généalogique). Claude conserve ce portrait de son père jusqu'à sa mort tandis que l'autre version, plus esquissée, est acquise par Léon. Adolphe pose aussi pour deux grands paysages de 1867, la Terrasse à Sainte-Adresse et Jardin à Sainte-Adresse, ce dernier acquis également par Léon Monet.
 
Auguste Renoir. Claude Monet lisant, vers 1873. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet, legs Michel Monet, 1966.
 
Auguste Renoir. Claude Monet, 1875. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay, legs de M. et Mme Raymond Koechlin, 1931.
 
Claude Monet. Portrait de Blanche Hoschedé enfant, 1880. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay, dépôt au musée des Beaux-Arts, Rouen - Réunion des Musées Métropolitains (RMM).
 
Auguste Renoir. Portrait de Madame Claude Monet, vers 1873. Huile sur toile. Paris, Musée Marmottan Monet, legs Michel Monet, 1966.

Renoir est l'artiste qui a le plus souvent portraituré Claude Monet et son épouse. La dizaine de tableaux qu'il leur dédie date des séjours de Renoir à Argenteuil où le couple réside de 1871 à 1877. Représentés en buste, les modèles se détachent sur des fonds neutres et arborent des poses recherchées. L'artiste lit le journal L’Évènement en fumant la pipe. Camille, souriante, paraît se tourner vers son époux. Ces toiles, qui semblent former une paire, ont d'ailleurs été réunies un temps dans un seul cadre. Offertes par Renoir à Monet, elles sont à la fois des «portraits de famille» mais aussi un jalon important dans la genèse de la collection impressionniste de Claude Monet.

Par leurs dimensions, leur sujet et leur style, les «caricatures Billecocq», signées «O. Monet» forment un groupe homogène exécuté vers 1857. Constitué de seize dessins, dont six exemplaires sont présentés ici, l'ensemble a été acquis par Ernest Billecocq, qui fut un intime de Léon Monet. D'une feuille à l'autre apparaît le microcosme portuaire du Havre avec ses individus issus d'horizons et de milieux différents: des baigneurs, un anglais à favoris ou à moustache, un marin ou une jeune normande, représentés en buste ou en pied, de profil ou de face, autant de silhouettes croisées sur les quais du port. Les rehauts de gouache blanche ou ocre apportent une touche colorée et joyeuse à ces croquis «vivement» campés sur des feuilles de papier gris et leur confèrent déjà une tonalité picturale.

 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Anglais à moustache, vers 1857. Crayon et rehauts de gouache sur papier gris. Papier, 24 x 16 cm. Collection particulière.
 
Claude Monet. Femme à la broche, vers 1857. Crayon et rehauts de gouache sur papier gris. Collection particulière.
 
Claude Monet. Jeune Normande, vers 1857. Crayon et rehauts de gouache sur papier beige. Collection particulière.


2b - La volonté de transmettre

Scénographie

La petite-fille de Léon Monet, Françoise, a grandi dans le souvenir et l’admiration de son grand-oncle Claude Monet. Choisissant d’étudier la médecine et plus spécialement la dermatologie, elle soigne et répare la peau, munie d’un scalpel ou d’un bistouri. Avec la même assurance, la même passion, elle manie les crayons et les pinceaux. S’initiant au dessin académique dans l’atelier du peintre Robert Savary, directeur des Beaux-Arts de Rouen, elle poursuit sa formation auprès de László Mindszenti. Françoise aime dessiner les oiseaux et les fleurs, les tissus et les chapeaux, avec des couleurs vives et gaies. Elle dessine constamment ; son trait est précis, son regard souvent moqueur. En 1951, Françoise se marie. La cérémonie se déroule dans la propriété de Maromme en présence d’Aurélie Monet, sa grand-mère, de ses parents et de son frère cadet Philippe. Une photographie réunit les jeunes mariés devant le portrait de Léon par Claude Monet, immortalisant ce moment de bonheur familial. Le 21 décembre 2017, Françoise décède près de Rouen, à l’âge de quatre-vingt-onze ans, non sans avoir émis un souhait, ou plutôt deux. Celui de voir un jour l’histoire de Léon et de Claude Monet, son grand-père et son grand-oncle, révélée. Et celui que le portrait de Léon Monet, peint par Claude en 1874, exposé pour la première fois aujourd’hui, rejoigne un jour les collections publiques françaises.

 
Texte du panneau didactique.
 
Françoise Cauvin. Autoportrait, coiffure courte. Gouache, feutre noir et crayon blanc sur papier gris. Collection particulière.
Scénographie
 
Adolf Rinck. Portrait d'Adolphe Monet, 1839. Huile sur toile. Giverny, Académie des Beaux-Arts.
 
Adolf Rinck. Portrait de Louise Justine Aubrée, épouse d'Adolphe Monet, 1839. Huile sur toile. Giverny, Académie des Beaux-Arts.
Tableau généalogique de la famille Monet


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Album de photographies, 1931-1969. Cuir, carton et papier. Collection particulière.
 
Etienne-Carjat & Cie. Portrait de Léon Monet. Photographie collée sur carton, 9 x 5,5 cm. Collection particulière.


3a - Le portrait refusé. Le chef-d'œuvre révélé

Scénographie

Ce portrait inédit est la seule représentation de Léon Monet par son frère Claude. Il est daté de 1874, année décisive dans la carrière des deux hommes. Claude présente Impression, soleil levant, qui fait scandale à Paris. La même année, Léon commercialise les nouvelles couleurs à l’aniline de la Société Geigy & C° et, en homme de réseaux, fonde la Société industrielle de Rouen. C’est ce frère au tempérament fort et trempé que Claude saisit. Léon porte une redingote, ornée d’une chaîne de montre et d’une épingle bien visibles sur l’étoffe sombre ainsi qu’un chapeau melon en feutre noir. L’intensité du regard est soulignée par le sourcil relevé qui traduit une certaine autorité chez le personnage. Après l’avoir commencé en plein air dans le jardin de Maromme, Claude décide d’achever le portrait en atelier. Le peintre rouennais Joseph Delattre rapporte que Renoir et Sisley s’opposèrent à ce que Monet le retouche. Le portrait est ainsi resté tout imprégnée d’une extraordinaire vitalité. Est-ce l’aspect inachevé de l’œuvre qui déplut à Léon au point que celui-ci décida de le cacher ? Il faut davantage y voir une réaction spontanée de rejet devant l’aspect brutal presque caricatural de la vision que son frère donna de lui.


 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Portrait de Léon Monet, 1874. Huile sur toile, 63 x 52 cm. Collection particulière.


3b - Léon Monet, collectionneur

Scénographie

Léon Monet fait partie de la première génération de collectionneurs impressionnistes. Il acquiert très tôt un certain nombre de paysages et de natures mortes exécutés par son frère, à l’époque où celui-ci travaille au Havre, à Honfleur et à Étretat, et peine à trouver des clients pour ses œuvres. Ces premiers achats, dont le caractère intime et familial apparaît d’emblée, sont vraisemblablement conclus vers 1870. L’amateur apprécie le travail de Camille Pissarro, d’Alfred Sisley et d’Auguste Renoir, ainsi que celui des peintres de l’école de Rouen et cherche à les promouvoir localement, malgré l’indifférence des institutions. En 1872, il expose quatre peintures impressionnistes de sa collection à la 23e Exposition municipale de Rouen. Le 24 mars 1875, Léon est présent à la première grande vente impressionniste qui s’ouvre à l’hôtel Drouot, à Paris. Il acquiert aux moins cinq peintures, se positionnant juste après le marchand Paul Durand-Ruel qui n’en achète pas moins de 18. De Renoir, Léon Monet emporte Vue de Paris. (Institut) et de Monet, Navires en réparation. Des peintures et dessins d’artistes rouennais, moins connus mais ayant de réelles qualités artistiques, constituent un ensemble cohérent : on découvre ainsi les noms de Georges Bradberry, Marcel Delaunay, Joseph Delattre, Charles Frechon ou Narcisse Guilbert. Mais le soutien indéfectible de Léon envers son jeune frère Claude Monet, dont il acquiert plus d’une vingtaine d’œuvres, donne toute son unité et sa singularité à cette collection.

 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Navires en réparation, 1873. Huile sur toile, 71,2 x 54 cm. National Galleries of Scotland, Edimbourg, Royaume-Uni. © Creative Commons CC.
Scénographie

Ces neuf planches photographiées constituent une partie de l'album de la collection Léon Monet. Méticuleux et sérieux, l'amateur fait photographier ses chefs-d'œuvre de Monet, Renoir, Pissarro et Sisley dans leur cadre d'origine. Il les réunit dans un album relié en cuir immortalisant ainsi son musée imaginaire de la peinture impressionniste, On reconnaît quelques tableaux emblématiques de Claude Monet tels que la Nature morte aux perdrix, Chevaux à la pointe de la Hève, Adolphe Monet lisant dans un jardin et deux paysages des Petites-Dalles représentant la Falaise d'Amont et la Falaise d'Aval, tous conservés dans des collections particulières.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pissarro. La Maison au toit rouge. Photographie et carton. Album de la Collection Léon Monet, vers 1905. Par H.et E. Leconte. Collection particulière.
 
Monet. Jardin à Sainte-Adresse. Photographie et carton. Album de la Collection Léon Monet, vers 1905. Par H. et E. Leconte. Collection particulière.
 
Monet. Les Petites-Dalles. Photographie et carton. Album de la Collection Léon Monet, vers 1905. Par H. et E. Leconte. Collection particulière.
Claude Monet. La Plage de Sainte-Adresse, 1864. Huile sur toile, 30 x 69 cm.
Tochigi, Tochigi Prefectural Museum of Fine Arts. © Tochigi Prefectural Museum of Fine Arts. Ancienne collection Léon Monet.


Monet s'est placé sur la grève, en contrebas des falaises du cap de la Hève. Cette extrémité sud de la côte d'Albâtre, ce «bout du monde», est un lieu que l'artiste affectionne tout particulièrement et qu'il choisit comme sujet de plusieurs dessins et de son premier tableau de Salon, La Pointe de la Hève à marée basse, en 1865. Léon Monet acquiert de son frère quatre paysages normands exécutés en 1864, à un moment où les amateurs sont encore rares.
 
Georges Bradberry. La Plaine en septembre, vers 1908. Pastel sur papier marouflé sur toile. Collection Arnaud Tellier. Ancienne collection Léon Monet.

Bradberry est originaire de Maromme, ville industrielle de la banlieue rouennaise où Léon Monet s'installe en 1892. Il aime peindre la campagne normande, notant les plus sensibles variations atmosphériques. Maniant avec virtuosité le pastel, Bradberry signe des œuvres baignées d'une couleur et d'une lumière intenses. En 1907 il participe à la fondation de la Société des Artistes rouennais où il expose régulièrement. En 1909, il présente ce grand pastel, acquis probablement par Léon Monet à l'issue de l'exposition.
 
Alfred Sisley. Route de Louveciennes, effet de neige, 1874. Huile sur toile, 65 x 92 cm. Hasso Plattner Collection, Museum Barberini, Potsdam, Allemagne. © Hasso Plattner Collection.
 
Pierre-Auguste Renoir. Paris, l’Institut au Quai Malaquais, 1872. Huile sur toile, 46 x 56 cm. Collection particulière. © Courtesy of the painting owner.
 
Claude Monet. Vue de Sainte-Adresse, 1864. Huile sur toile, 28,7 x 40,5 cm. Collection particulière. Ancienne collection Léon Monet.
 
Cartel relatif aux deux tableaux ci-dessus.
 
Marcel Delaunay. Vue de Rouen au bouquet de dahlias, 1907. Huile sur toile. Collection particulière. Ancienne collection Léon Monet.


4 - Villégiatures normandes

Scénographie

Le village des Petites-Dalles, situé dans une échancrure géologique formée de très hautes falaises, jouit d’une situation exceptionnelle. À la fin du XIXe siècle, alors que l’aristocratie et la bourgeoisie découvrent les plaisirs balnéaires, Léon Monet tombe sous le charme des lieux qui ont conservé leur caractère authentique. En 1875, il acquiert un terrain et fait construire au bord de l’eau une petite maison en briques, baptisée la «Maison rose». Claude Monet rend visite à son frère en 1880 et, séduit par le site, revient l’année suivante et de nouveau en 1884. Chaque année, il peint les hautes falaises crayeuses et restitue habilement la grandeur sauvage des lieux. Léon acquiert deux des peintures de la série, l’une représentant la Falaise d’Aval, l’autre la Falaise d’Amont (collection particulière). Camille Pissarro, invité par Léon en septembre 1883, pose lui aussi son chevalet face à la mer. Malgré une pluie battante, il peint les majestueuses parois de calcaire et la grève sombre en contrebas, tout comme Blanche Hoschedé-Monet le fera de manière plus synthétique quelques années plus tard. En 1897, Léon Monet revend la maison des Petites-Dalles. Dès lors, Léon et Aurélie Monet, accompagnés de leurs deux filles Adrienne et Louise, souvent rejoints par Jean et Blanche Monet, décident de passer la période estivale à Étretat, à Pourville et Varengeville (1903, 1904 et 1905) ou à Villers-sur-mer (1907).

 
Texte du panneau didactique.
 
Léon Monet. Lettre à Camille Pissarro avec dessin. Claude en train de peindre sur le motif aux Petites Dalles, 21 octobre 1884. Encre noire sur papier. Collection Géraldine Lefebvre.

Un an après le séjour de Pissarro aux Petites-Dalles en 1883, Léon écrit au «soldat impressionniste» et lui renouvelle son invitation. Il illustre sa lettre d'un dessin à l'encre représentant son frère Claude en train de peindre devant la falaise et d'une devinette: « Qui que c'est que ça?» -  immortalisant par ces quelques traits à l'encre noire la figure de l'artiste impressionniste dans le paysage.
 
Blanche Hoschedé Monet. Les Petites-Dalles, 1885-1890. Huile sur toile, 60 x 81 cm. Collection particulière.
 
Claude Monet. Étretat, 1864. Huile sur toile. Collection «Peindre en Normandie», dépôt au musée Les Franciscaine, Deauville. Ancienne collection Léon Monet.

En 1864, Monet découvre le village d'Étretat et exécute deux petites toiles. À la recherche de motif Insolite, l'artiste peint Ici la falaise d'Amont vue depuis sa face nord avec au premier plan l'anse du «chaudron» à marée basse. Monet revient à Étretat en 1868, puis entre 1883 et 1885, peignant près de quatre-vingt-dix toiles du site, privilégiant les motifs des spectaculaires falaises de calcaire, la porte d'Aval et l'aiguille, ainsi que la Manneporte.
 
Narcisse Guilbert. Étretat, Porte d'Amont, vers 1907. Huile sur toile. Collection particulière. Ancienne collection Léon Monet. Acquis probablement à l'issue de l'Exposition de la Société des Artistes rouennais de 1908.
 
Claude Monet. Étretat, 1884. Huile sur toile. Honfleur, musée Eugène Boudin, don Michel Monet, 1964.
Scénographie

En décembre 1892 la famille Monet s’installe à Maromme dans une maison à proximité immédiate de la manufacture. Une photographie de l'intérieur du salon, sur laquelle Léon pose aux côtés de son épouse Aurélie, nous apporte des renseignements importants sur la collection. L'accrochage en tapissage caractéristique du XIXe siècle apparaît particulièrement soigné: les petits formats sont installés à hauteur de vue, sous les formats plus importants, encadrant au centre deux œuvres majeures l'une de Monet Villas à Bordighera et l'autre de Renoir Paris, l'Institut ou quoi Makaquais (exposée). De part et d'autre, en hauteur on découvre deux toiles de 1872, de Renoir Boulevard des Italiens, et de Pissarro, Vue de Louveciennes. En-dessous, deux œuvres de Pissarro des Environs de Rouen de 1883 (exposée). Dans la partie basse du mur, en partie cachée, on distingue une petite toile de Claude Monet, Vue de Sainte-Adresse (exposée) de 1864, qui représente le paysage que l'on pouvait admirer depuis la maison de la tante Lecadre, située dans le vallon de cette petite localité touristique. Et de la même année, à peine visible, une toile qui a pu être identifiée Étretat (exposée), de datation, de dimensions et d'encadrements identiques au paysage de Sainte-Adresse. L'amateur réunit ici les paysages, reléguant les natures mortes dans la salle à manger et les portraits de famille dans les espaces plus intimes de la maison. S'il ne se formalise d'aucune chronologie pour les deux œuvres centrales, les petits paysages sont associés par paires selon leurs dimensions et dates de création, 1864, 1872 et 1883.

 
Texte du panneau didactique.
 
Photographie avec la famille de Léon Monet posant devant les tableaux identifiés ci-dessous.
1. Camille Pissarro, Vue de Louveciennes, 1872, huile sur toile, 38 x 46 cm. Collection particulière. 
2. Camille Pissarro, Environs de Rouen, 1883, huile sur toile, 27 x 34,8 cm. Collection particulière. 
3. Claude Monet, Étretat, vers 1864, huile sur toile, 27 x 41 cm. Collection Peindre en Normandie, en dépôt au musée Les Franciscaines, à Deauville. 
4. Claude Monet, Villas à Bordighera, 1884, huile sur toile, 60 x 73 cm. Potsdam, Museum Barberini.
 
5. Auguste Renoir, Paris, l'Institut au quai Malaquais, 1872, huile sur toile, 46 x 56 cm. Collection particulière. Courtesy of Connery & Associates. 
6. Auguste Renoir, Boulevard des Italiens, 1872, huile sur toile, 38 x 46 cm. Collection particulière. 
7. Camille Pissarro, Environs de Rouen, 1883, huile sur toile, 27 x 34,5 cm. Collection particulière. 
8. Claude Monet, Vue de Sainte-Adresse, 1864, huile sur toile, 28,7 x 40,5 cm. Collection particulière.
Berthe Morisot. Sur la plage, Les Petites-Dalles, Fécamp, 1873. Huile sur toile, 24,13 x 50,17 cm.
Virginia Museum of Fine Arts, Richmond, Etats-Unis. © Virginia Museum of Fine Arts. Photo Kaherine Wetzel.


5a - Rouen, la vallée aux cent cheminées

Scénographie

Claude Monet s’intéresse peu à l’aspect industriel de la ville de Rouen. Seules quelques toiles, comme Le Ruisseau de Robec ou Le Convoi de chemin de fer et quelques dessins, dont les deux carnets de dessins du musée Marmottan-Monet, à Paris, illustrent l’environnement dans lequel vivait et travaillait Léon Monet. L’industrialisation des grandes villes au XIXe siècle n’est pas un thème central de la production de Claude, contrairement à Pissarro par exemple qui, lors de ses séjours à Rouen en 1883 et surtout en 1896 et 1898, est captivé par les cheminées fumantes des usines de la rive gauche. Aussi bien dans ses peintures que dans ses dessins et estampes, celui-ci cherche à montrer l’extension des villes et les nouveaux quartiers qui se forment autour des gares. En octobre 1883, l’artiste s’installe à l’hôtel du Dauphin et d’Espagne, place de la République. À peine arrivé, il est convié à dîner chez Léon Monet à Déville-lès-Rouen. L’amateur lui dévoile sa collection, «des Monet et des petits Renoir superbes !»,  l’occasion pour Pissarro de revoir une de ses peintures, une Vue de Louveciennes, acquise par Léon Monet en 1872. Les peintres Joseph Delattre, Charles Frechon et Georges Bradberry, par ailleurs dessinateurs de motifs décoratifs pour l’industrie textile, ont largement représenté la ville de Rouen et ses faubourgs.


 
Texte du panneau didactique.
 
Charles Frechon. Fenaison, Rouen depuis la rive gauche, 1891-1895. Huile sur toile, 46,5 x 65 cm. Collection particulière. © Photo François Doury.
 
Blanche Hoschedé-Monet. Vue générale de Rouen, vers 1902. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Camille Pissarro. Paysage à Rouen (Côte Sainte-Catherine), 1885. Eau-forte et brunissoir. Rouen, musée des Beaux-Arts. Réunion des Musées Métropolitains (RMM).
 
Camille Pissarro. Environs de Rouen, 1883. Huile sur toile, 27 x 34,5 cm. Collection particulière. © Photograph Courtesy of Sotheby’s, Inc.
 
Camille Pissarro. Le pont de pierre et les barges à Rouen, 1883. Huile sur toile, 54,2 x 65 cm. Columbus, Etats-Unis. The Columbus Museum of Art. © Columbus Museum of Art.
Scénographie
 
Camille Pissarro. Rouen, la Côte Sainte-Catherine, 1883. Aquarelle sur papier. Rouen, musée des Beaux-Arts. Réunion des Musées Métropolitains (RMM).
 
Blanche Hoschedé-Monet. Vue du port de Rouen (Le pont transbordeur), vers 1900. Huile sur carton. Collection Philippe Piguet.


5b - La cuisine aux couleurs de Léon Monet

Scénographie

La ville de Rouen est un carrefour unique où se croisent les grands patrons des industries textiles, les chimistes et les peintres impressionnistes. La vie de Léon Monet est étroitement liée à l’histoire des «indiennes», d’abord par ses fonctions au sein de la Société industrielle de Rouen, puis comme directeur de la seule usine française de Geigy & C° située à Maromme. En 1859, trois ans après la découverte de la mauvéine par William Perkin, l’entreprise de produits chimiques se consacre à la fabrication de colorants synthétiques à l’aniline. Dans l’usine de Maromme, Léon participe activement à cette révolution des couleurs. Il commercialise les nouvelles couleurs et se spécialise dans l’impression des cotons et dans les teintures pour soie (bleus fins, safranine…), laine (violet et fuchsine à l’acide, bleu gallamine au chrome…) et coton (noirs et bruns diphényle, jaune soleil, substitut d’indigo…). Une petite équipe travaille à ses côtés, dont le chimiste mulhousien Joseph Zubelen et son neveu Jean Monet, qui le rejoint en février 1891. En mars 1892, Claude Monet, qui travaille face à la cathédrale, participe à un dîner avec les amis chimistes de son frère. Le 11 avril 1893, il visite avec beaucoup d’intérêt l’entreprise de Léon à Maromme et la fabrique d’indiennes de Charles Besselièvre, qui se trouve à proximité.

 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Méditation, Madame Monet au canapé, vers 1871. Huile sur toile, 48 x 75 cm. Paris, musée d’Orsay, legs de monsieur et madame Raymond Koechlin, 1931. © Rmn - Grand Palais / Gérard Blot.
 
Hadol «Le Salon comique». L'Éclipse, n°344, 30 mai 1875. Impression sur papier. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris, legs Maurice Quentin-Bauchart, en 1911.
 
André Gill «Triste cuisine». L'Éclipse, n°344, 30 mai 1875. Impression sur papier. Collection Géraldine Lefebvre.
Scénographie
Scénographie
 
Yoshiiku Ochiai. L’élevage des vers à soie : essai des graines (=oeufs) de soie, 1868. Gravure sur bois, tirage sur papier crêpe, 28 x 20 cm. Collection particulière. © photo François Doury.
 
Utagawa Kunisada II. Genji moderne. Visite du jardin. Cachet d'éditeur: lsetatsu. Gravure sur bois, tirages sur papier crêpe. Collection particulière. Ancienne collection Léon Monet.
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Dans la seconde moitié du XIXe siècle, artistes, marchands et collectionneurs se passionnent pour les éventails uchiwa, les estampes ukiyo-e et les crépons japonais chirimen-e. Léon, qui a très certainement admiré à Giverny l’impressionnante collection d’estampes constituée par son frère, est davantage séduit par les crépons, dont il acquiert au moins quinze pièces. Découvert en France vers 1860, le crépon est un simple papier d’emballage illustré protégeant les marchandises importées du Japon. L’estampe, sur ce papier crêpé, proche de l’étoffe, se caractérise par ses couleurs puissantes à base d’aniline. On comprend dès lors pourquoi Léon, représentant de la société suisse Geigy & C°, s’est tout particulièrement intéressé à ces estampes. Elles représentent - à l’exception d’une scène guerrière - des figures féminines, prenant le frais sur une terrasse, visitant un jardin de pivoines ou occupées à la sériciculture.

 
Texte du panneau didactique.
 
Geigy & C°. Boîte d’échantillons, couleur directe sur coton non tissé. Carton et coton, 22 × 10,3 cm. Bâle, Novartis International AG. © Adriano A. Biondo.
 
Maison Besselièvre & Fils, Maromme. Coupon de tissus à décor de cigognes, 1893. Coton imprimé, sur armature simple, 30 x 79 cm. Rouen, musée Industriel de la Corderie Vallois. Réunion des Musées Métropolitains (RMM). © Musée de la Corderie Vallois – Notre Dame de Bondeville.
 
Maison Besselièvre & Fils, Maromme. Coupon de tissus à décor d’éventails japonais, 1893. Coton imprimé, sur armature simple. Rouen, musée Industriel de la Corderie Vallois. Réunion des Musées Métropolitains (RMM). © Musée de la Corderie Vallois – Notre Dame de Bondeville.
 
Anonyme. Léon Monet dans la cour de son usine de Maromme avec son neveu Jean (à droite) et le chimiste Joseph Zubelen (au centre), vers 1900. Photographie collée sur carton, 12 × 16,3 cm. Collection particulière. © Photo François Doury.
 
Geigy & Co. Cartes d'échantillons. Couleurs directes pour coton.


5c - Monet à Rouen, une révolution de cathédrales

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En 1864, Claude se rend pour la première fois à Rouen. Il s’agit d’une halte sur la route du Havre en compagnie de son ami Frédéric Bazille. En 1872, alors qu’il présente à l’exposition municipale deux de ses peintures dont Méditation, Monet met à profit son séjour pour peindre des vues de la ville depuis le fleuve dont La Seine à Rouen (Shizuoka Prefectoral Museum of Art). Il faut ensuite attendre presque vingt ans pour qu’il revienne peindre à Rouen. En février 1892, après avoir exécuté deux vues générales de la ville (Rouen, musée des Beaux-Arts), Monet se concentre sur la cathédrale (Paris, musée d’Orsay). Prenant pour sujet la façade du monument de pierre, l’artiste en fixe les plus fugaces variations lumineuses. En 1895, il expose à la galerie Durand-Ruel à Paris le fruit de ses campagnes de 1892 et 1893, provoquant, pour reprendre le titre de l’article élogieux de Georges Clemenceau, une Révolution de cathédrale dans le monde de l’art.


 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. La cathédrale de Rouen. Le portail et la tour Saint-Romain, plein soleil. 1894. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay, legs du comte Isaac de Camondo, 1911.
 
Claude Monet. La Seine à Rouen, 1872. Huile sur toile, 49,2 x 76,2 cm. Shizuoka, Shizuoka Prefectoral Museum of Art, Japon. © Shizuoka, Shizuoka Prefectoral Museum of Art.
 
Claude Monet. Vue générale de Rouen, 1892. Huile sur toile, 65 x 100 cm. Rouen, Musée des beaux-arts de Rouen. © Rmn - Grand Palais / Michèle Bellot.


5d - Claude Monet à Giverny, peindre la couleur

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En 1899, Monet commence à peindre son jardin de Giverny qui devient rapidement son unique thème d’inspiration. Il travaille alors ses motifs dans des formats variés de plus en plus grands. En 1912, on lui diagnostique une cataracte qui altère sa perception des couleurs. Ayant de plus en plus de mal à reconnaître les nuances et les teintes, Monet se fie uniquement aux étiquettes de ses tubes de couleurs et à l’ordre qu’il adopte sur sa palette. Il peint la première série de la Maison vue du jardin aux roses en 1922, en s’installant sous les tilleuls au sud-ouest de sa maison. Avant d’entamer la seconde série sur le même thème, l’artiste exécute Le Jardin à Giverny, qui sans rompre avec le sujet est une de ses toiles les plus expressément abstraites. La touche large et libre s’affirme de manière autonome par rapport au sujet et tend à s’imposer de plus en plus en une gestuelle. Monet invente ici un nouveau langage pictural en éliminant les détails réalistes des peintures précédentes – la maison, le ciel, les bosquets et les roses - pour ne conserver que les masses colorées, les vert, rouge et jaune comme autant de signes d’une nature foisonnante.


 
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Le jardin de Giverny, vers 1922-1926. Huile sur toile, 93 x 74 cm. Paris, Musée Marmottan Monet, legs Michel Monet, 1966. © Musée Marmottan Monet, Paris.
 
Lettre inédite de Claude Monet, Giverny, à Mme Léon Monet, Maromme, 9 août 1917. Encre sur papier. Collection particulière.

Madame,
Sans être gravement malade ma santé et mon âge ne me permettent pas de me rendre aux obsèques de mon frère, étant donné les difficultés du voyage en ce moment.
Je regrette de n'avoir pu voir une dernière fois mon frère et de lui dire d'oublier tout ce qui avait pu nous désunir. Je vous plains bien sincèrement vous et votre fille et vous prie de croire que je partage votre douleur. Recevez, Madame, avec mes regrets, mes salutations distinguées.

Claude Monet

 
Claude Monet. Bassin aux nymphéas, 1918-1919. Huile sur toile. Paris, Musée Marmottan Monet, legs Michel Monet, 1966.

Cette peinture traduit l'audace de Monet dans sa dernière période, tant dans la couleur que dans la touche picturale. Dans cette partie du bassin, la courbe de la rive est ornée de nymphéas jaunes et rouges et de bouquets d'herbes aquatiques aux différentes nuances de vert. La composition, rythmée essentiellement par les rouges exacerbés, ne fait état d'aucun repère spatial et se rapproche d'un monochrome abstrait. La touche extrêmement libre et l'aspect non fini de cette toile incitent à la rapprocher des Ponts japonais exécutés entre 1918 et 1924.
 
Claude Monet. La Maison de l'artiste vue du jardin aux roses, vers 1922-1924. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet, legs Michel Monet, 1966.
 
Extrait de Ceux de chez nous, de Sacha Guitry, 1915.
Monet peignant dans son jardin à Giverny. Durée : 1 mn 30.
© Paris, Succession Sacha Guitry, avec l’autorisation de MM. Christian et Patrick Aubart.

Claude Monet ne s’exprime guère, dans ses écrits et sa correspondance, au sujet des couleurs qu’il utilise. Il a pourtant évolué dans un milieu particulièrement intéressé par ces questions. Au Havre, ses mécènes François et Joachim Gaudibert sont marchands de couleurs ; à Paris, Ernest Hoschedé, client de la première heure, dirige une maison, spécialisée dans le commerce des indiennes. À Maromme, Léon Monet commercialise les nouvelles couleurs synthétiques à l’aniline. Au cours du XIXe siècle, ces pigments synthétiques attirent l’attention des artistes par leurs propriétés, et notamment leur éclat. Ce qui est en jeu n’est pas tant le «rouge», par exemple, mais l’opposition entre pigments naturels (vermillon, cochenille, garance) et pigments synthétiques (l’alizarine, le rouge de garance obtenu chimiquement). L’examen de la palette impressionniste a confirmé que la presque totalité des pigments utilisés par les artistes était synthétiques. Il est toutefois impossible d’affirmer que Claude Monet s’est servi des couleurs à l’aniline mises au point et commercialisées par Léon Monet. Mais l’hypothèse est plus que séduisante, et n’attend qu’une étude approfondie.

 

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'apparition de la peinture en tube permet aux peintres de délaisser l'atelier pour peindre en plein air. Dans le paysage et en lumière naturelle, l'artiste diversifie sa palette et travaille par petites touches colorées, recourant à de nombreux pigments synthétiques. Monet évoque peu les pigments qu'il utilise et les relations avec ses marchands de couleurs sont restées discrètes. On sait toutefois qu'il se fournit à Paris chez Carpentier, Latouche, ainsi que chez Trolsgros, dont on retrouve la marque au dos de certaines de ses toiles.
Texte du panneau didactique.
 
Claude Monet. Palette de Claude Monet, 1966. Huile sur bois. Paris, Musée Marmottan Monet, legs Michel Monet.