JAKUCHU. Le Royaume coloré des êtres vivants. Peu connu en Europe et en France, le peintre japonais Itō Jakuchū (1716-1800) est considéré comme l’un des plus grands artistes japonais, toutes époques confondues. Il fut actif au milieu de l’ère Edo (1603-1867). Grossiste en légumes à Kyōto, il confie, à quarante ans, les rênes de son entreprise à son frère, pour se consacrer pleinement à sa passion, la peinture, qu’il pratique depuis l’âge de dix ans.
En 1757, il débute son travail sur Le Royaume coloré des êtres vivants (1757-1766). Artiste doué d’un sens aigu de l’observation, il représente sur trente grands rouleaux de soie un monde réel ou imaginaire où l’on voit des poissons, des coquillages, des insectes, des oiseaux, des poules, des coqs, des paons, des canards mandarins, des arbres en fleurs, des ruisseaux, etc. et aussi des phénix. Les photographies ne peuvent rendre compte de l’incroyable finesse de ce travail et des techniques sophistiquées utilisées par Jakuchū. Il utilise aussi bien des pigments minéraux que des teintures naturelles. Il peint non seulement l’avers de ses rouleaux mais aussi, par endroit, le revers. Il obtient ainsi, par exemple, en appliquant de l’ocre sur l’avers, l’effet d’une couleur or (Vieux pin et phénix blanc).
Très pieux, Jakuchū offre les trente rouleaux ainsi qu’une triade bouddhique, la Triade de Sakyamuni, au monastère Shōkoku-ji, dont l’abbé, Baisō Kenjō (1719-1801), connu sous le nom de Daiten, était un ami. Par la suite, seule la triade est restée en place. Le Royaume coloré des êtres vivants fut acquis en 1889 par la famille impériale, qui en fit don à la nation en 1989, à la mort de l’empereur Shōwa. Les trente rouleaux sont aujourd’hui conservés dans le Sannomaru Shōzōkan, un musée public construit en 1993 pour abriter la collection impériale.
Restaurés entre 1999 et 2005, les trente rouleaux ne sortirent qu’une fois du Japon, en 2012, pour être exposés à la National Gallery of Art de Washington. C’est donc une chance exceptionnelle de pouvoir les admirer à Paris, accompagnés de la Triade de Sakyamuni, durant un mois seulement, car ils sont très fragiles, dans le cadre de la saison Japonismes 2018.
À côté de cet ensemble considéré comme le chef-d’œuvre de Jakuchū, nous pouvons voir également des gravures réalisées en négatif (motifs de fleurs, plantes, animaux de petites tailles en blanc sur un fond noir profond), le Genpo yōka : Les Fleurs précieuses du jardin mystérieux. R.P. Petit Palais 8e. Jusqu’au 14 octobre 2018. Lien: www.petitpalais.paris.fr.