IRVING PENN

Article publié dans la Lettre n° 446
du 17 janvier 2018


 
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IRVING PENN. Déjà présentée à New York au Metropolitan Museum of Art, cette exposition est la première grande rétrospective consacrée en France à Irving Penn (1917-2009) depuis sa mort. Elle est réalisée à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance et sera présentée ensuite à Berlin puis à Rio de Janeiro.
Ce photographe est l’un des plus grands du vingtième siècle. Il a fait des études de design et s’est acheté un Rolleiflex en 1937 avec l’argent de ses premiers dessins publiés. Peu à peu il se passionne pour la photographie et est engagé en 1943 par Vogue pour concevoir les couvertures. Sa carrière est lancée. Il devient l’un des photographes de mode les plus demandés mais cela ne le satisfait pas et il cherche des sujets plus personnels. Avec plus de 235 tirages originaux, les onze sections, à la fois thématiques et chronologiques de la présente exposition, rendent bien compte de son travail, même si ce n’est qu’une partie de celui-ci.
Elle commence avec des natures mortes, soigneusement agencées, comme Nature morte avec pastèque (1947) ou Accident au théâtre (1947), deux photographies en couleur, très rares dans son œuvre. En effet, même lorsqu’il utilisait de la pellicule couleur, c’est en noir et blanc qu’il faisait ses tirages, leur accordant une attention toute particulière, innovant dans les recherches et les procédés pour obtenir ce qu’il désirait.
Avec « portraits existentiels », nous faisons connaissance avec l’art de la mise en scène d’Irving Penn. Celui-ci élimine tout décor et place ses sujets entre deux cloisons formant un angle aigu, discutant avec eux jusqu’à ce qu’ils adhèrent à son projet et prennent la pose attendue, loin de celles convenues. Les portraits d’Hitchcock, de Dali, de Capote, d’un groupe de danseurs ou de catcheurs que l’on voit ici, sont tout à fait singuliers. Étonnamment, il procède de manière analogue avec les photos de mode, avec ses propres modèles et non pas ceux des couturiers. Envoyé à Paris par Vogue pour faire des photos des collections, il se trouve un lieu exposé au nord, qui lui convient bien pour travailler en lumière naturelle. Il utilise une ancienne toile de théâtre pour en faire un fond accroché au mur et se terminant en tapis sur le sol. Il utilisera cette toile et ce décor unique durant toute sa vie. Nous pouvons le voir dans la présente exposition avec deux de ses appareils photo.  
Tout en faisant ces photographies de commande, Irving Penn s’intéresse aussi aux petits métiers, comme cela avait été fait jadis avec des séries d’estampes célèbres (voir par exemple Cris de Paris de Bouchardon, Lettre 399). Devant la même toile décrite ci-dessus, il photographie à Paris un rémouleur, un marchand de concombres, un garçon de café, un vitrier, etc. Il continue sa série à Londres puis à New York. Chacun vient avec les outils et marchandises qui le représentent. La neutralité du décor met particulièrement bien en valeur leur profession.
Simultanément, il fait aussi des portraits classiques, avec des cadrages originaux, comme on peut le voir avec Marlene Dietrich (1948), Audrey Hepburn (1951), Jean Cocteau (1948) ou Picasso  (1957) dont il force la porte, obtenant finalement dix minutes de pose … qui durèrent sans doute plus longtemps.
Parmi les thèmes présentés, il en est deux qui déroutèrent quand il les exposa et qui, encore aujourd’hui, nous interpellent. Le premier est « Les Nus, 1949-1950) ». Irving Penn avait déjà exposé de magnifiques photos de nus sublimes mais il se sentait plus inspiré par des femmes réelles, plantureuses, plus âgées. Les formes torturées de troncs, fesses, seins, pubis qu’il photographie, sans jamais montrer la tête ou les pieds dans celles exposées ici, sont déroutantes. Même chose en ce qui concerne sa série de cigarettes ou plutôt de mégots trouvés dans la rue, qu’il agrandit démesurément, et qui révèle, selon lui, le caractère de celui qui les a fumés.
Irving Penn a fait beaucoup de voyages. Après son premier mariage, en 1940, il va vivre au Mexique jusqu’en 1942. En 1948 il se rend au Pérou où il photographie des centaines d’habitants de Cuzco en habits traditionnels. Il fera la même chose dans d’autres pays. Ici nous voyons, outre des photos de la série Cuzco, des photos prises plus tard au Dahomey (1967), en Nouvelle Guinée (1970) et au Maroc (1971). Toutes sont prises dans une tente avec un fond neutre, montrant à ces modèles que, comme lui, ils ne sont pas chez eux et doivent suivre ses directives.
Après les natures mortes montrées au tout début de l’exposition, nous avons, vers la fin, des « Natures mortes tardives » qu’il réalise avec de vieilles bouteilles, des vases abîmés, des détritus trouvés dans la rue, des fleurs qui commencent à se faner, etc. Certaines sont en couleur.
L’exposition se termine avec « Moments du passé » où l’on voit l’évolution du photographe entre les années 1962 et 2007. A la modernité et la légèreté des années 1960, succèdent des années nostalgiques, marquées par la fugacité et le déclin, qu’il ressent violemment avec la mort de sa deuxième femme, le mannequin Lisa Fonssagrives, en 1992. Une belle rétrospective d’un photographe qui savait sortir des sentiers battus. R.P. Grand Palais 8e. Jusqu’au 29 janvier 2018. Lien : www.rmn.fr.


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