HYACINTHE RIGAUD
ou le portrait soleil

Article publié dans la Lettre n°525 du 2 juin 2021



 
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HYACINTHE RIGAUD (1659-1743) ou le portrait soleil. S’il est un portrait célèbre, voire iconique, c’est bien celui de Louis XIV en costume royal peint par le catalan Hyacinthe Rigaud en 1702 (la Catalogne du nord n’a été rattachée à la France que le 7 novembre 1659). Ce portrait a tellement marqué les historiens de l’art qu’ils en ont oublié le reste de sa production, pourtant prolifique. Plus de 1500 portraits et quelques tableaux d’un autre genre, comme ce nu plutôt pudique (La Menaceuse, 1708-1709) qui clôt le parcours de cette exposition. Alors que ses contemporains et amis portraitistes comme François de Troy (1645-1730) et Nicolas de Largillierre (1656-1746) ont fait l’objet d’exposition monographique, c’est la première consacrée à Rigaud.
Celui-ci est né à Perpignan le 18 juillet 1659. Ses ancêtres sont peintres mais son père, mort prématurément, est tailleur. Il se forme très brièvement à Carcassonne puis, à quatorze ans, entre dans l’atelier de Paul Pezet à Montpellier. Au cours de cette période, le peintre Antoine Ranc qui possède une riche collection de portraits et dont Rigaud fera plus tard le portrait, devient son mentor. En 1678 il gagne Lyon, puis s’installe à Paris en 1681, à l’âge de vingt-deux ans.
Le parcours commence par quelques autoportraits car, à l’image de Rembrandt qu’il admirait (il possédait sept tableaux du maître en 1703) Rigaud s’est représenté tout au long de sa vie. Les commissaires nous présentent ensuite sa famille, en particulier sa mère dont il fait un portrait double pour commander son buste au sculpteur Antoine Coysevox.
À Paris, pourtant « capitale de mille pinceaux concurrents », Rigaud se fait tout de suite remarquer en remportant l’année suivante le grand prix de l’Académie royale de peinture et de sculpture avec un tableau aujourd’hui perdu. En 1684 il est agréé par cette Académie et en 1689 il est pressenti pour représenter les membres de la municipalité parisienne, une commande prestigieuse à l’époque.
Même si les portraits sont déjà nombreux dès ses débuts, Rigaud cherche sa vocation car il affectionne les scènes religieuses. Nous en voyons plusieurs qu’il avait peintes pour en faire cadeau à sa mère (Christ en croix, 1696), au roi (La Présentation au temple, 1726-1743) ou à l’Académie (Saint André, 1689). Mais c’est avec les portraits qu’il acquiert la gloire et la fortune.
Justement, dans la section suivante, « La mécanique du portrait » nous voyons les registres sur lesquels il consignait, dès ses débuts, sur le premier, le nom de ses clients et le prix des tableaux et sur le second, les tâches confiées à ses collaborateurs et leurs rémunérations. Dans cette section, on voit comment il procédait avec ses commanditaires. Il leur proposait un type de pose, avec des vêtements déjà utilisés par l’atelier. Le modèle ne posait que pour la tête, peinte directement sur la toile ou sur une plus petite collée ensuite sur la toile complète. Le reste était peint à partir de figurants ou de mannequins. Rigaud conservait des dessins très soignés de ces portraits (ricordi) pour se souvenir des compositions vendues. On note aussi le soin accordé par l’artiste non seulement aux vêtements, mais aussi au décor. Rigaud n’était pas seulement doué pour le portrait, considéré comme un genre mineur à l’époque, il l’était aussi pour les paysages, les scènes de bataille, les natures mortes, même s’il se faisait aider pour certains détails.
La suite du parcours nous fait découvrir comment il traitait ses clients en fonction de leurs activités ou de leur fidélité. C’est ainsi qu’un magistrat d’Aix en Provence, Gaspard de Gueidan, lui commande différents portraits au cours de sa vie, en buste, en avocat général et même en Céladon joueur de musette. Une salle est consacrée aux « Portraits d’artistes » tels que Mansart, Mignard, Coysevox, Girardon, Blanchard, qui s’ajoutent à ceux de ses collaborateurs vus auparavant (Nattier, Jean Ranc, etc.). Dans la suivante, nous trouvons des « Portraits d’esprits », à savoir des portraits de poètes, de magistrats et de financiers. Ceux de ces derniers sont les plus imposants, à l’image de la puissance de leurs commanditaires (Portrait de Samuel Bernard, 1726). Viennent ensuite les « Portraits d’église » ou, à côté de portraits grandiloquents, on admire la simplicité de celui d’Armand Jean Bouthillier de Rancé (1696-1697), fait à l’insu de ce dernier, pour qui se faire portraiturer est un péché de vanité. Enfin, nous avons quelques « Portraits d’épée » d’où se détache celui du très jeune Jean Fançois Paul de Crequi, duc de Lesdiguières, (1687).
Nous entrons enfin dans la salle où sont accrochés les célèbres portraits de Louis XIV, celui du Louvre, le premier, et celui de Versailles, sa réplique, réunis pour la première fois depuis qu’ils ont quitté l’atelier de Ribaud en 1702. Les commissaires ont ajouté leur modello, un petit tableau préfigurant la composition finale. Il faut noter que le roi, immobilisé par une crise de goutte, accepta de poser deux fois trois heures en compagnie de Madame de Maintenon, revenue tout spécialement de Saint-Cyr à cette occasion !
Rigaud fit également trois portraits de Louis XV, à l’âge de six ans, dans une pose semblable à celle du Roi-Soleil ; cinq ans plus tard à l’occasion de ses fiançailles, et enfin en 1727, à l’âge de vingt ans.
L’exposition se termine en évoquant la clientèle étrangère de Rigaud, conquise par la notoriété du peintre du Roi-Soleil, qui profite d’un séjour à Paris pour se faire peindre. Une exposition passionnante qui montre que Rigaud avait fait de sa peinture « la quintessence de l’art du portrait à la fin du XVIIe siècle ». R.P. Château de Versailles, 78 Versailles. Jusqu'au 13 juin 2021. Lien : www.chateauversailles.fr.


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