HUBERT DUPRAT

Article publié dans la Lettre n°512 du 25 novembre 2020



 
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HUBERT DUPRAT. Né en 1957, Hubert Duprat est un artiste autodidacte inclassable, qui utilise toute sorte de matériaux et de techniques, pour réaliser des œuvres dont la taille, dans cette exposition, va de quelques centimètres à une vingtaine de mètres. Le parcours n’est ni chronologique ni thématique. Il semble avoir été établi en fonction des œuvres à exposer et de la place qu’elles occupent. En tout cas, dans ce vaste espace, les œuvres sont bien mises en valeur.
Nous sommes accueillis par un grand panneau en contreplaqué découpé, teinté à l’encre de Chine (Sans titre, 2002) dessinant des sortes de vagues très douces. Sur le mur de la première galerie, Hubert Duprat a réalisé une œuvre monumentale in situ, Entrelacs (1992-2020), un méplat de cuivre qui reproduit minutieusement une ligne librement tracée sur le plâtre. En face un objet volumineux, Chagrin (2009-2020), repose à même le sol. Il s’agit de gros blocs de polystyrène assemblés avec du galuchat, de la peau de raie ou de requin, « shagreen » en anglais. De dimensions plus modestes, nous avons deux exemplaires du Corail Costa Brava (1994-2016), de splendides coraux rouges de Méditerranée sur lesquels l’artiste a déposé de petites boules de mie de pain. Tout à côté, une autre vitrine abrite deux œuvres réalisées avec des plaquettes d’ambre de la Baltique (Nord, 1997-1998), polies sur une seule face. C’est la première fois que nous voyons ce matériau utilisé pour faire des sortes de cacahuètes géantes. On voit qu’Hubert Duprat aime les matériaux nobles ou précieux comme en témoignent encore ces objets constitués de cristaux de roche et de paraffine (Sans titre, 1999) ; de branches recouvertes sur toute la surface de plaquettes d’os fixées avec des pointes (À la fois, la racine et le fruit, 1997-1998) ; ce grand cylindre en cristaux de calcite optique (Sans titre, 2008) ou encore ce grand pot en cristaux de pyrite (Sans titre, 2007-2011).
L’artiste utilise aussi des matériaux plus courants, voire insolites. Ainsi, sur le mur, il a réalisé d’autres œuvres in situ, Excentriques (1995-2020) avec des fils de lin et des milliers de pointes. Le résultat est tout à fait séduisant. Nous n’en dirons pas autant de ses énormes blocs de calcaire cassés en plusieurs morceaux et recollés (Cassé-Collé, 1991-1994), qui pourraient tout aussi bien délimiter la sortie d’une aire de repos d’autoroute. En revanche, le travail qu’il a fait réaliser par de petits insectes, les phryganes, est tout à fait original. Ces larves aquatiques fabriquent des étuis avec les matériaux qu’elles trouvent autour d’elles. Hubert Duprat a mis à leur disposition des matériaux précieux (fil d’or, perles, turquoise…), à des moments différents, lui permettant ainsi de diriger la fabrication et l’apparence de ces étuis de 2,5 cm de long (Tubes de Trichoptères, 1980-2016). Un espace dans les collections permanentes du musée documente abondamment ce processus.
Parmi les œuvres suivantes, nous avons un tas de fuseaux de magnétite dont l’agencement s’établit selon la logique d’aimantation des différents éléments entre eux (Sans titre, 2008) ; des panneaux de contreplaqué teints de différentes couleurs avec des incrustations d’écaille de tortue représentant un plancher et une porte (Marqueterie, 1986-1988) ; un bloc de béton incrusté de galets de différentes couleurs (Le Pire, 1996-1998) et des photographies. Les plus originales ont été obtenues en utilisant l’antique procédé de la camera obscura qui désigne un mode d’apparition d’image à partir d’une pièce noire munie d’un petit trou où pénètre la lumière. Sur la paroi opposée apparaît l’image doublement inversée et en couleur grâce à l’utilisation d’un appareil photographique avec un très long temps de pose. On apprécie plus la performance de l’artiste que le résultat.
La dernière grande salle rassemble un autre panneau de contreplaqué découpé et teinté à l’encre de Chine (Sans titre, 2002) ; un gros bloc fait en pâte à modeler (Sans titre, 2008-2020) ; d’autres blocs en béton (Sans titre (Les Cakes), 1989) ; un amas de dés mélangés à de l’ulexite, un corps minéral relativement transparent qui fait apparaître les images grandies et flottantes d’où son nom de « pierre télévision » et surtout un cube transparent très original, réalisé avec du plexiglas et de la pâte à modeler (Sans titre, 2011-2012). Autre œuvre réalisée in situ, Sans titre (1992-2020), un mur recouvert de plâtre et criblé de grenaille de plomb.
Sur le chemin de la sortie, on découvre une roue de voiture avec des diamants bruts incrustés dans le pneu (Hécatombe, 2016) ; des silex taillés en forme de tête d’animaux, comme on pouvait le faire au Paléolithique (Les Bêtes, 1992-1999) ; encore des silex mais incrustés dans de la mousse florale comme on le faisait jadis, avec du bois, pour les planches à dépiquer utilisées pour séparer le grain de la paille (Tribulum, 2012-2020) et enfin de magnifiques troncs d’arbre entièrement recouverts de clous de tapissier en laiton (Coupé-Cloué, 1991-1994). Une rétrospective très intéressante, consacrée au travail d’un artiste original, qui puise son inspiration aussi bien dans la nature que dans l’archéologie et la science. R.P. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 10 janvier 2021. Lien : www.mam.paris.fr.


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